1- La Nuit, la terre, le vieux Ciel et le Chaos ne sont plus. L'esprit et la loi sont divisés. Les dieux (Déméter et Poséidon ?) se désolent. Zeus est parti parmi les hommes. Pourquoi donc n'est pas resté sur l'Olympe, à se contenter de recevoir leurs prières ? Zeus donna aux hommes Pandore pour les punir d'avoir volé le feu. Pourquoi donc s'en va-t-il maintenant dans les vignes et les villes des hommes ?, s'interroge Poséidon. Les hommes sont de misérables choses qui doivent mourir. Ils sont dérisoires avec leurs femmes, leurs chants et leurs feux mais ils obtiennent que les immortels descendent parmi eux.
Déméter lui rappelle les temps anciens, peu enviables, où tout arrivait sans nom et sans loi. Les dieux jeunes aiment le changement et les désirs des hommes. Certes Zeus est un jouisseur. Mais tout chez les hommes est imprévus et découvertes. Ils se dressent contre le destin. A vivre parmi eux, on connaît la saveur du monde.
2- Deo (à la fois Gaia, Rhéa, Cybèle) voudrait aider les hommes. Les dieux savent les choses, les humains les font. Les dieux sont immortels, tout ce que touchent les hommes devient temps et action. Ils savent cultiver, faire des jardins et raconter des histoires.
Iacchos, qui leur a donné la vigne, lui rappelle leur cruauté. La triste histoire d'Icarios et de sa fille Erigone qui, une fois son père mis à mort par ceux auquel il avait fait boire son vin, s'est pendue dans le soleil comme une grappe de raisin. Les mortels racontent les histoires avec le sang. Ils s'entretuent pour donner un sens à leur vie.
Deo veut éviter le sacrifice par le sang et donner un sens à leur mort, leur enseigner la vie bienheureuse. Sans quoi, d'eux-mêmes, un jour, ils inventeront le récit d'un homme qui a vaincu la mort et n'auront plus besoin des dieux. Elle propose de leur dire qu'ils sont leurs égaux et qu'ils peuvent vaincre la mort. Ils mourront toujours mais sans peur. Ils n'auront plus besoin de l'apaiser en versant d'autre sang.
Iacchos lui rappelle qu'ils sont fait de pain et de vin, de chair et de sang. Les humains se battront toujours si ce n'est par peur de la mort, ce sera pour atteindre l'éternel. Je t'approuve lui répond Deo mais se sera toujours un récit...
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Installés en Italie, les Straub ont tiré de la littérature de ce pays la matière cinématographique de plusieurs films, notamment à travers l'adaptation des romans d'Elio Vittorini, de Sicilia (1999) au Retour du fils prodigue - Les humiliés (2002) ou de Cesare Pavese dont Ces rencontres avec eux sont la suite de De la Nuée à la résistance , réalisé 27 ans plus tôt en 1979, avec une première partie composée de sept des Dialogues avec Leucò (1947) écrit par l'écrivain piémontait.
Spécialiste de littérature anglo-saxonne, exilé en Calabre pour activités antifascistes en 1935, Pavese écrit l'essentiel de son oeuvre durant les dix dernières années de sa vie. Cette oeuvre, depuis les poèmes Travailler fatigue (1936) jusqu'à ceux de La mort viendra et elle aura tes yeux (1951), en passant par ses romans et son journal intime (Le Métier de vivre, 1952), témoigne du sentiment de solitude et de mélancolie d'un homme qui, partagé entre son désir de témoigner et sa tentation du retrait, ne parviendra jamais à se réconcilier avec le monde. Il se suicidera en 1950.
Les cinq dialogues présentés ici ont pour thème la relation qui unit les habitants de l'Olympe et les mortels. C'est l'insigne faiblesse des hommes et leurs grandes souffrances qui rendent, selon les Straub et selon Pavese, l'homme digne de la vie. Il est ainsi bien capable d'infliger, à lui-même comme à la terre, les pires tourments, comme l'indique l'ultime mouvement de caméra, un panoramique vertical cadrant un paysage paradisiaque barré en son milieu d'un câble électrique.
En revanche, les dieux, souvent presques immobiles s'entretiennent dans un cadre édénique épargné par la civilisation.
Les dialogues ont été envoyés aux acteurs, des non-professionnels, paysans pour la plupart, qui vécurent avec ce texte durant un an. Puis quatre représentations théâtrales en furent données au théâtre municipal de Buti (Toscane), suivies quelques jours plus tard par le tournage du film. On y entend à travers l'incantation majestueuse, l'accomplissement proprement révolutionnaire d'un cinéma qui transforme non seulement le verbe en chair, mais les gens ordinaires en dieux. Ceux qui n'ont pas voix au chapitre deviennent par la grâce du film les messagers du verbe d'un poète en délicatesse avec le monde, voilà qui les désigne en somme comme le sel de la terre.
Ils ont la parole claire, facilement distincte des bruits de la nature : vent et chant des oiseaux. Chaque dialogue se termine par un très long moment de silence méditatif.
Un cinéma d'une extrême exigence d'écoute... et de culture : les titres des différentes parties sont composés du seul nom des acteurs sans être accompagnés de celui des personnages, dieux ou héros (comme dans De la Nuée à la résistance) ce qui permettraientde les identifeir sans trop de problème.
Source : Jacques Mandelbaum, Le Monde du 18.10.06.
Editeur : Montparnasse, mars 2008. Format : 1.37.
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Coffret Straub - Huillet vol. 2 DVD 1 : De la nuée à la résistance DVD 2 : Ces rencontres avec eux DVD 3 : Sicilia ! DVD 4 : Fortini / Cani
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