En 2011, sept films entrent dans le top600 () des meilleurs films de tous les temps soit à peu près autant que les années précédentes : 2004 , 2005, 2006, 2007 , 2008, 2009 et 2010.
Avec trente trois films avec deux (), ce sont ainsi quarante films qui, en 2011, contribuent à façonner l'histoire du cinéma.
2011 : plus envoutant que sidérant
Quatre des six films à étaient en compétition à Cannes et seul Il était une fois en Anatolie a reçu le grand prix du jury alors que La piel que habito , L'Apollonide, souvenirs de la maison close, et Habemus Papam sont repartis bredouilles.
Ce n'est pourtant pas par réaction que j'ai rejeté Melancholia et The tree of life assez loin dans le classement annuel et hors des films qui me semblent compter pour l'histoire du cinéma. Sans doute cette façon de prendre le spectateur par la main (les deux yeux et le cerveau aussi) pour lui imposer de belles images qui viennent ensuite résonner de manière trop explicite avec leur thème respectif, la mélancolie ou la grâce m'a semblé manquer de mystère et servir un propos univoque et niais : oui la grâce éternelle sauvera peut-être ces personnages des années 50 ; oui le monde qui explosera sans doute un jour peut justifier le peu d'adéquation au monde que ressent le personnage. Mais que le spectateur d'aujourd'hui peut-il faire d'un tel propos ? Quelle fable sur le monde qui nous rendrait un peu plus lucide, un peu plus convaincant sur nos convictions cela nous apporte-t-il ? Globalement, cette année tous les films qui se sont voulus sidérants m'ont paru être des échecs. Avec Au delà, Clint Eastwood pointe à la 60e place, indigne de son habituel génie et Spielberg à 62e avec son Tintin, le secret de la Licorne sans parler du retentissant échec d'Hugo Cabret, faisant pointer Scorsese à la 65e place.
Dieu, grosse planète, tsunami ou 3D, ce cinéma de sidération m'a semblé échouer à être bigger than life alors que j'ai été envouté par nombre de films aux propos plus secrets. Au milieu de ses circonvolutions baroques magnifiques, La piel que habito en appelle à la capacité de chacun à garder coûte que coûte son intégrité pour manifester sa personnalité en dépit des coups des sorts. Entre le médecin fou qui la conserve en sacrifiant les autres autour de lui et Vera qui, grâce au yoga et à l'amour, parvient à survivre tel qu'en lui-même, même transformé en femme il y a un parcours dont le spectateur ne peut parvenir à bout sans être lui-même en partie transformé.
Etre soi-même en dépit des circonstances dramatiques de l'existence, maladie ou exclusion sociale c'est aussi le message d'Intouchables comédie assez drôle mais dont l'absence de mystère et la pusillanimité politique la réduise à quelques bons mots. Le contrat que quinze millions de spectateurs (dont moi-même et ma petite famille) ont passé avec ce film en entrant dans la salle n'était que de rire comme on rit chez soi devant la télévision et non de franchir le seuil comme on franchit un pont sachant qu'alors, tel Hutter s'abandonnant à Nosferatu, les fantômes viendront à notre rencontre. Dans La piel que habito ces fantômes ou signes qui flotteront désormais autour de nous ce sont un mur calligraphié, une hélice d'ADN qui tournoie avant le générique final, le méchant déguisé en tigre ou les tableaux du Titien plus grands que nature.
Du cinéma envoutant, c'est aussi ce que nous offre L'Apollonide, souvenirs de la maison close. La société contemporaine tolère beaucoup de violence mais celle qui s'applique aux femmes prostituées, même si elle parait parfois plus douce que d'autres, n'en est pas moins forte. C'est cette domination ancestrale et universelle que dénonce le film convoquant pour cela, consciemment ou inconsciemment, tout le grand cinéma américain. Avec Il était une fois en Anatolie, Ceylan offre de ces moments qui permettent de survivre au désastre et que les humains trouvent parfois, s'incarnant dans le visage d'une femme surgie de la nuit ou dans la capacité des enfants à jouer envers et contre tout, à renvoyer un ballon après avoir jeté une pierre.
Habemus Papam complète le quartet majeur de la fiction 2011 en étant le grand film politique de l'année. Les cinq thèmes abordés dans le film, la religion, le théâtre, les médias, la psychanalyse et le sport ont déjà été traités de nombreuses fois par Moretti. Mais jamais autant que dans ce grand film de synthèse, ces thèmes n'ont concourus, ensemble, à un message plein d'humour et bienveillance sur ce que pourrait être aujourd'hui une nouvelle forme du pouvoir. Au sein d'une démonstration de l'inefficacité du pouvoir individuel du chef, surgissent quelques scènes de pures réconciliations avec le monde. Ainsi cette ballade le soir dans le tram romain où le pape annone son discours devant des passagers intrigués ou en proie à une rupture amoureuse. Ainsi la chanson de la chaine stéréo redécouverte "live" avec la chanteuse réelle dans la rue par le pape. Ainsi la rencontre du pape avec les jeunes de la rue attendant de lui un message surplombant qu'il est incapable de leur donner. Ces simples scènes disent la beauté du monde lorsqu'il est guidé par la surprise, la découverte et la communion des sentiments non dictés par les décisions et la violence du pouvoir.
Deux grands documentaires plongeant dans le temps complètent les de cette année : I wish I knew de Jia Zheng-ke et La grotte des rêves perdus de Werner Herzog. Et puis c'est la formidable prise de risques du cinéma français pour sortir des sentiers battus qui est impressionnante en 2011 à commencer par le très sous-estimé Impardonnables d'André Téchiné, analyse très touchante des conflits entre création artistique et traumatismes de la vie privée où Carole Bouquet remporte haut la main pour moi le prix d'interprétation féminine de l'année. Le prix d'interprétation masculine revient à Philippe Katerine dans Je suis un non man's land devant Michael Fassbender et Ryan Gosling.
70 films vus en 2011
1 | La piel que habito | Pedro Almodovar | Espagne | |
2 | L'Apollonide, souvenirs de la... | Bertrand Bonnello | France | |
3 | Il était une fois en Anatolie | Nuri Bilge Ceylan | Turquie | |
4 | Habemus Papam | Nanni Moretti | Italie | |
5 | Le cheval de Turin | Béla Tarr | Hongrie | |
6 | I wish I knew | Jia Zheng-ke | Chine | |
7 | La grotte des rêves perdus | Werner Herzog | France | |
8 | Impardonnables | André Téchiné | France | |
9 | True grit | Joel Coen | U.S.A. | |
10 | Somewhere | Sofia Coppola | U.S.A. | |
11 | Tomboy | Céline Sciamma | France | |
12 | Les bien-aimés | Christophe Honoré | France | |
13 | Je suis un non man's land | Thierry Jousse | France | |
14 | Ha Ha Ha | Hong sang-soo | Corée | |
15 | Road to nowhere | Monte Hellman | U.S.A. | |
16 | Essential killing | Jerzy Skolimowski | Pologne | |
17 | Winter's bone | Debra Granik | U.S.A. | |
18 | Restless | Gus van Sant | U.S.A. | |
19 | Les neiges du Kilimandjaro | Robert Guédiguian | France | |
20 | A dangerous method | David Cronenberg | Canada | |
21 | J'aime regarder les filles | Frédéric Louf | France | |
22 | Poursuite | Marina Déak | France | |
23 | Nous, princesses de Clèves | Régis Sauder | France | |
24 | Hors Satan | Bruno Dumont | France | |
25 | Oki's movie | Hong sang-soo | Corée | |
26 | Le gamin au vélo | frères Dardenne | Belgique | |
27 | The murderer | Na Hong-jin | Corée | |
28 | Pater | Alain Cavalier | France | |
29 | La guerre est déclarée | Valérie Donzelli | France | |
30 | L'exercice de l'Etat | Pierre Schoeller | France | |
Animal Kingdom | David Michôd | Australie | ||
Marfrouza | Emmanuelle Demoris | France | ||
La dernière piste | Kelly Reichardt | U.S.A. | ||
Qu'ils reposent en révolte | Sylvain George | France | ||
Donoma | Djinn Carrénard | France | ||
Un amour de jeunesse | Mia Hansen-Love | France | ||
On the ice | Andrew O. MacLean | U.S.A. | ||
Drive | Nicolas Winding Refn | U.S.A. | ||
Une séparation | Asghar Farhadi | Iran | ||
40 | Carnage | Roman Polanski | France | |
L'étrange affaire Angelica | Manoel de Oliveira | Portugal | ||
Incendies | Denis Villeneuve | Canada | ||
La planète des singes | Ruppert Wyatt | U.S.A. | ||
Boxing Gym | Frederik Wiseman | U.S.A. | ||
Le soldat dieu | Koji Wakamatsu | Japon | ||
Un été brûlant | Philippe Garrel | France | ||
We want sex equality | Nigel Cole | G.-B. | ||
Minuit à Paris | Woody Allen | U.S.A. | ||
The Artist | Michel Hazanavicius | France | ||
50 | Melancholia | Lars von Trier | Danemark | |
The tree of life | Terrence Malick | U.S.A. | ||
Le Havre | Aki Kaurismäki | France | ||
Pina | Wim Wenders | Allemagne | ||
Black swan | Daren Aronosky | U.S.A. | ||
Après la gauche | Jérémy Forni | France | ||
Shame | Steve McQueen | G. B. | ||
Tous au Larzac | Christian Rouaud | France | ||
Dharma guns | F. J. Ossang | France | ||
La BM du seigneur | Jean-Charles Hue | France | ||
60 | Deux de la vague | Emmanuel Laurent | France | |
Honk | Arnaud Gaillard | France | ||
Angèle et Tony | Alix Delaporte | France | ||
Au delà | Clint Eastwood | U.S.A. | ||
Detective Dee | Tsui Hark | Hong Kong | ||
Tintin, le secret de la Licorne | Steven Spielberg | U.S.A. | ||
Intouchables | O. Nakache E. Toledano | France | ||
Hugo Cabret | Martin Scorsese | U.S.A. | ||
Route Irish | Ken Loach | G.-B. | ||
J'ai rencontré le diable | Kim Jee-woon | Corée | ||
70 | Cirkus Columbia | Danis Tanovic | Bosnie |
La critique sur internet tente de se fédérer avec le Panoptique. Par ailleurs critikat.com , il était une fois le cinéma.com et les blogs tels Projection publique, Le journal cinéma du docteur Orlof ou Inisfree continuent d'apporter un éclairage passionnant sur les films d'actualité comme sur les replis les plus obscurs de la cinéphilie.
En revanche s'est éteint (provisoirement ?) le blog Kinock où se retrouvait de nombreuses plumes du panoptique. Les supports DVD ou Blue ray perdent du terrain face au téléchargement, il n'en reste pas moins que les éditions Carlotta-Films, les éditions Montparnasse et Wild-side vidéo ont été particulièrement attractives cette année.
En 2011, le renouveau des ciné-clubs n'est toujours pas passé par Ciné-lycée Initiative du président de la république, contrefeu à la réforme des lycées dont la conséquence principale est de réduire le nombre d'enseignants, cette opération pensée depuis l'Elysée est peu soutenue en région et dans les établissements scolaires.
Merci enfin au plus de 1,5 million d'internautes qui ont visité le site du ciné-club cette année, aux 530 personnes qui ont déclaré l'aimé sur Facebook et au 45 membres de notre association cinéphile.
Jean-Luc Lacuve, le 30/12/2011.
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