Sur un air de Radiohead, des enfants se font tondre les cheveux dans un camp d'entraînement de soldats au Moyen-Orient. L'un des enfants qui nous regarde voit sans tristesse ses cheveux tomber à terre. Au talon, il porte un tatouage de trois points noirs alignés.
Les jumeaux. Canada. Étude de maître Lebel. Jean Lebel fait lecture du testament de leur mère à Jeanne et Simon Marwan. Leur mère, Nawal, fut longtemps sa secrétaire et une amie de son couple. Il remet aux deux enfants, deux jumeaux, deux enveloppes : l'une destinée à un père qu'ils croyaient mort et l'autre à un frère dont ils ignoraient l'existence. Jeanne voit dans cet énigmatique leg la clé du silence de sa mère, enfermée dans un mutisme inexpliqué les dernières semaines précédant sa mort. Elle décide immédiatement de partir au Moyen-Orient exhumer le passé de cette famille dont elle ne sait presque rien... Simon, lui, n'a que faire des caprices posthumes de cette mère qui s'est toujours montrée distante.
Jeanne obtient de son professeur de mathématiques pures de l'université les coordonnées d'un vieux professeur de l'université de Daresh qui a pu connaître sa mère lorsqu'elle était étudiante en langues. Hélas à Daresh, le professeur ignore totalement de qui lui parle Jeanne. Celle-ci trouve une oreille attentive auprès de l'ancien rédacteur du journal de l'école. Elle lui montre une photo de jeunesse de sa mère qu'elle eut bien du mal à retrouver dans ses affaires. A l'arrière-plan de la photo, une inscription permet de lire le nom d'une célèbre prison située dans le sud du pays. Jeanne décide de s'y rendre en bus.
Moyen-Orient, fin des années 70. Nawal arrive près de sa demeure avec un jeune réfugié qu'elle aime. Elle se cache de ses frères mais ceux-ci la découvrent et abattent le réfugié. Nawal crie sa douleur pendant des jours et avoue à sa grand-mère qu'elle est enceinte. Celle-ci se charge de confier l'enfant à un orphelinat si Nawal accepte de sortir de l'engrenage de la misère et du désespoir en s'inscrivant à l'université. Nawal accepte et s'épanouit à Daresh, la capitale, jusqu'à ce que les ultra-nationalistes de droite ferment les universités et s'en prennent aux réfugiés. Nawal a peur pour son enfant resté dans le sud et décide de partir à sa recherche. Elle croise en sens inverse les chrétiens qui fuient les territoires sous contrôle musulman. Arrivée au village de l'orphelinat, Nawal découvre celui-ci incendié. Les enfants ont cependant sans doute été emmenés plus loin. Nawal, épuisée, poursuit donc son chemin. Elle prend un bus. Celui-ci est attaqué par des chrétiens qui le mitraillent et l'incendient. Nawal ne se sauve qu'en montrant sa croix chrétienne mais ne parvient pas même à sauver de l'exécution une enfant qui courait vers sa mère immolée par le feu dans le bus.
Jeanne poursuit son enquête et arrive au village où sa mère fut arrêtée. Personne ne veut lui donner de ses nouvelles. Nawal était une traitre.
Nawal travaille comme perceptrice dans la famille du phalangiste extrême-droite, responsable de l'incendie du bus. Nawal a été retournée par les musulmans et lorsqu'on lui en donne l'ordre, elle abat le dirigeant d'extrême-droite.
C'est ce que raconte à Jeanne le gardien de l'école qui fut autrefois le gardien de la prison où furent torturés tous les ennemis des chrétiens. Nawal fut horriblement torturée pendant quinze ans. Sa résistance héroïque la fit surnommée la femme qui chante.
Jeanne est horrifiée et demande le secours de son frère. Celui-ci par amour pour sa sœur jumelle la rejoint avec Jean Lebel qui, aidé par un notaire du pays, lui permet de rencontrer une ancienne infirmière du camp de prisonniers où fut détenue Nawal. L'infirmière apprend à Jeanne et Simon qu'ils furent conçus et naquirent en prison. Ce sont les enfants du tortionnaire de leur mère. Le collègue de Jean Lebel leur dit que, pour connaitre celui-ci, il suffit sans doute à Simon d'aller dans un village musulman, de se dire le fils de la femme qui chante et d'attendre que les chefs de guerre se manifestent. C'est bientôt le cas et Simon apprend que son père est un sniper fou au destin étrange et terrible. Il apprend bientôt à sa sœur que leur frère est leur père ; que c'est l'enfant que chercha Nawal qui fut embrigadé par les musulmans puis retourné par les chrétiens et viola sans le savoir sa mère. Jean Lebel remet alors une lettre que Nawal lui dicta juste avant sa mort. Celle-ci fut provoquée par le choc qu'elle eut à la piscine en reconnaissant le tatouage au talon de son fils puis en étant foudroyé lorsqu'elle reconnut en celui-ci son tortionnaire. La vérité étant connue, elle pourra reposer en paix en ayant son nom sur sa pierre tombale et en sachant que les enfants remettront au tortionnaire, père et fils, les deux lettres. Lorsque les enfants la lui remettent, il les lit et court sans succès à leur rencontre. Trop tard, il ne pourra que ressasser ses remords sur la tombe de sa mère.
Le programme narratif du film est extrêmement chargé et nuit à mettre en valeur la minceur du propos : la nécessaire rupture de l'engrenage de la violence.
Une succession de coups du sort...
Le film ne cesse de proposer énigme sur énigme qu'il s'attache un peu laborieusement à résoudre. C'est d'abord le prologue au Moyen-Orient auquel succède abruptement l'arrivée au Canada. Ce sont ensuite les deux lettres mystérieuses, puis le meurtre de son fiancé, son acceptation de devenir étudiante et l'attaque du bus. Ce sont ensuite les épisodes de Nawal terroriste infiltrée puis Nawal prisonnière héroïque. C'est le mutisme de la mère enfin expliqué par la reconnaissance conjointe et soudaine de son fils en tortionnaire. Au sein de l'enquête menée par Jeanne, Simon et Jean Lebel s'intercale l'épisode du sniper que l'on n'explique que par la suite avec le trajet paradoxal du fils bourreau de Nawal.
... qui ne permettent pas d'atteindre à la simplicité du mythe
Ce propos extrêmement singulier s'accorde mal avec l'universalité du propos que recherche le dramaturge et, partant, le cinéaste en situant son action dans des lieux fictifs. On a d'un coté un trop plein d'anecdotes (souvent horribles) et un manque d'accroche à des lieux véridiques. Que Jeanne soit une mathématicienne qui comprend tout de suite la formule de son frère (un plus un égal un) concourt à faire du film plus une fable, un conte horrible, qu'une charge contre tel ou tel type de violence. C'est à la fois sa réussite mais aussi peut-être sa limite. Le film est en effet trop compliqué dans sa narration pour atteindre à la simplicité du mythe auquel il aspire.
Jean-Luc Lacuve, le 22/01/2012.
Ressource internet : Mélanie Boissonneau, Renaud Prigent : Fiche interactive Lycéens et apprentis au cinéma