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Des feux dans la plaine

2021

Genre : Film noir

(Ping yuan shang de huo yan). D'après le roman de Shang Xue-tao. Avec : Dongyu Zhou (Li Fei), Haoran Liu (Zhuang Shu), Ting Mei (Fu Dongxin), Hong Yuan (Jiang Bufan), Minghao Chen (Zhuang Dezeng), Yulai Lü (Sun Tianbo), Zeng Tang (Li Shoulian- version censurée) Xuebing Wang Xuebing Wang (Li Shoulian - version originale). 1h41.

Chine, 1997. La ville de Fentun est en proie au chômage comme tout le Nord-Est du pays, autrefois emblématique de la prospérité du système économique socialiste industriel et agricole mais qui souffre depuis l’Ouverture et la vague de réformes qui a démantelé les entreprises d'État. Le père de la jeune Li Fei, Li Shoulian, autrefois ouvrier modèle, a ainsi été mis à pied et tente désespérément de trouver des moyens de survivre.

Li Fei a trouvé refuge chez sa voisine et presque mère adoptive, Fu Dongxin, qui lui enseigne le dessin. Celle-ci est mariée à Zhuang Dezeng, qui saisit toutes les opportunités ouvertes par les réformes, et s’est enrichi du jour au lendemain par la spéculation et la corruption. Zhuang Shu, leur fils adolescent à peine plus âgé que Li Fei, traîne et fait des bêtises avec sa petite bande de potes de loubards.

Li Fei a une obsession, quitter Fentun pour le Sud, plus riche et où les études sont accessibles. Elle souhaite entraîner son père et Zhuang Shu dont elle est amoureuse mais aussi Fu Dongxin, dont elle a remarqué la complicité avec son père. Ainsi, lorsque Zhuang Shu dérobe une belle somme d'argent à son propre père destinée à la corruption, elle le suit et s'empare d'une partie pour acheter quatre billets de train partant pour le Sud à minuit le 24 décembre. Fu Dongxin, mise dans la confidence, hésite entre l'amour et la vie facile que lui permet son mari alors que Zhuang Shu est très réticent à l'idée de quitter la ville. Pour le décider Li Fei lui propose de la rejoindre dans un champ à l'écart de la ville pour un feu de joie à 22h00, le soir du 24 décembre.

Jiang Bufan, un inspecteur de police un peu naïf mais fondamentalement droit et bienveillant, se révèle un guide spirituel pour Zhuang Shu en manque de repères. Pour Jiang, être inspecteur de police n’est pas être un simple rouage de la machine d'État, mais une manière de vivre consistant à chercher la vérité et défendre la justice. Il est ainsi en première ligne quand une série de crimes commis sur des chauffeurs de taxi terrorise la ville.

Le soir du 24 décembre, Li Fei part pour son rendez-vous avec Zhuang Shu à l'écart de la ville. Son père, inquiet, la suit en taxi, justement conduit par Jiang Bufan, qui tente d'infiltrer le milieu des chauffeurs de taxi pour trouver l'assassin. Lorsqu'il retrouve Li Fei, Li Shoulian l'interroge sur cette sortie qu'elle motivait par un besoin de se rendre à l'hôpital. Mais Li Fei refuse qu'on la conduise là et insiste pour trouver le chemin qui la mène à son rendez-vous. Jiang Bufan, devenu très méfiant, soupçonne que Li Shoulian pourrait être l'assassin des chauffeurs de taxi. Il stoppe la voiture et exige que Li Shoulian en descende. Il le menace alors de son arme mais, mal garée, la voiture est percutée par un camion gêné par la neige qui tombe drue. Lu Shoulian s'empare alors de l'arme que Jiang Bufan a laissé tomber dans la confusion et, paniqué, tire sur lui, le tuant. Li Shoulian revient vers sa fille dans la voiture et et constate qu'elle est gravement blessée.

2005. Devenu adulte, Zhuang Shu désormais inspecteur de police, applique les principes que lui a légué Jiang Bufan. Les crimes sur des chauffeurs de taxi ont cessé brutalement après la mort de celui-ci. Un ex-chauffeur vient se rendre et confesse ces meurtres mais il nie avoir tué Jiang Bufan. Zhuang Shu demande à ré-ouvrir le dossier sur sa mort. Il pense par ailleurs que Li Fei et son père sont partis dans le Sud. Il est bouleversé quand il apprend que Li Shoulian pratique la conduite au noir d'un taxi dans une banlieue de la ville. Il planque plusieurs nuits et finit par découvrir le repère des Li. Fei est amputée des deux jambes mais parvient à marcher grâce à des prothèses. Elle semble toujours très attachée à son père. Zhuang Shu parvient à parler avec Fei, mais celle-ci est déçue quand il avoue ne pas être venu au rendez-vous du 24 décembre il y a huit ans. Leur rendez-vous est observé par Sun Tianbo qui, amoureux de Fei l'a suivi dans son exil et lui procure de la morphine pour calmer les douleurs qu'elle ressent aux jambes. Sun Tianbo provoque un accident de Zhuang Shu et le roue de coups. Il explose de colère face à Fei et celle-ci pour se protéger prend l'arme du crime que son père avait gardé. Alors que Sun Tianbo va la violer, elle le tue. Elle avoue ce meurtre à son père qui décide de prendre sur lui ce meurtre et d'avouer celui de Jiang Bufan. Il se rend à la police mais alors qu'il va remettre l'arme prouvant sa culpabilité, il constate qu'elle a disparu et, paniqué, craignant que sa fille ne se suicide, cherche à fuir du commissariat. Il est abattu par les policiers devant Zhuang Shu. Celui-ci vient annoncer cette nouvelle tragique à Fei qui, désespérée tire sur lui le blessant au bras. Tous deux attendent l'arrivée du jour, chacun regrettant que leur histoire fut aussi tragique.

Pour satisfaire la censure, un carton avertit que tous ceux qui ont commis des crimes ou des délits montrés dans ce récit ont été punis. 

analyse Le roman de Shang Xue-tao, Moïse dans la plaine, traite du bouleversement des destins individuels provoqué par les profondes mutations sociales contemporaines des zones industrielles du Nord-Est du pays. Dans le matériau initial, des flash-back permettaient de remonter aux années 60, pour expliquer le parcours de certains protagonistes, le roman ayant eu pour projet de traverser plusieurs décennies d’histoire chinoise, en brassant trois générations. Ji Zhang simplifie l'ouvrage aussi bien formellement (récit linéaire) que dramatiquement (concentré sur l'histoire tragique de la génération la plus jeune : Zhuang Shu et Li Fei). Certes cela est dû en partie à la censure qui a exigé une édulcoration du personnage du père avec un tournage alternatif avec un autre acteur. La censure a par ailleurs exigé le carton final parfaitement ridicule.

Mais, du coup, l'ampleur sociale est presque effacée alors que la dimension morale est un peu simpliste appelant à l'intégrité dans un monde corrompu. Quant à l'histoire d'amour, elle est noyée au sein d'un récit sentimentalo- policier sans intérêt. Alors que le roman ,selon son titre Moïse dans la plaine appelait à trouver une voie vers l'intégrité, Ji Zhang choisit un titre plus formel avec Des feux dans la plaine; hélas le rappel du feu purificateur et plein d'espoir ne fait l'objet que d'une occurrence visuelle, à la fin et comme un regret de ce qui aurait pu avoir lieu.

Présenté dans plusieurs festivals dont Saint-Sébastien, Des feux dans la plaine a dû attendre quatre ans pour connaître une sortie française, initiative que l’on doit au distributeur Memento. Il est coproduit par Yi’nan Diao, réalisateur de Black Coal et du Lac aux oies sauvages qu'on aurait fortement aimé voir à la mise en scène au lieu de Zhang Ji, dont c'est le premier long métrage alors qu'il était jusque-là directeur de la photographie. 

Jean-Luc Lacuve, le 4 août 2025.

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