Hong-Kong 1997. Les Britannique vont rendre dans quelques mois à la Chine populaire une ville corrompue par le crime. Alors que les policiers ont baissé les bras, un groupe d'inspecteurs, mené par Yuen, surnommé Tequila, décide de mettre fin à la suprématie des gangs.
Maniériste "Hard Boiled" l'est d'abord par l'emprunt de son thème à Jean-Pierre Melville : l'amitié virile valeur ultime mais condamnée par un monde qui s'autodétruit et qui ne laisse à l'homme que le choix de sa mort. Le bon copain, qui partage la passion intime du jazz, que l'on essaie de protéger, mais qui se fait tuer quand même, en est la première incarnation. La seconde est bien sur celle de Tony, condamné à participer au monde des truands. Pour ces deux incarnations l'emprunt à Melville est proclamé par deux éléments. Le bouvreuil du "Samouraï" se retrouve dans la scène initiale du restaurent et Tony confectionne des oiseaux en papier pour conjurer la douleur d'être obligé de tuer. Les scènes de bars sont le lieu privilégié des discussions sur le rôle de l'amitié.
Bien sûr ce thème est mis en situation dans le Hongkong angoissé par la rétrocession. Le héros envisage de quitter Hongkong alors que l'ami qui se fera tuer refuse sous le prétexte futile que la nourriture ne sera pas aussi bonne. Woo semble saisi d'une joie désespérée à abattre ces hong-kongais qui ne descendent pas les escaliers assez vite, qui ne s'enfuient que trop lentement. Les habitants de Hongkong réduits à des malades ou des infirmes, tel est bien le sens de cette dernière séquence d'une heure dans un hopital-ville qui finit par exploser. Le héros est littéralement poussé dehors par l'explosion et Tony acquiert la liberté que dans un nouvel horizon qui ressemble à l'Islande.Thème emprunté donc, et traitement maniériste. Il ne s'agit pas là du cinéma classique de Ford ou de Hawks ou les scènes d'action alternent équitablement avec les scènes de repos. Dans "Hard Boiled", la plus longue scène de repos est probablement celle avec "madame" recevant ses roses blanches, se servant des mélodies de son contact pour déchiffrer les messages. Peuvent également être qualifiées comme telles la scène entre Hoi et Tony dans le jardin du premier, et les deux courtes scènes de bars où apparaît John Woo acteur. Melville, maniériste lui-même étirait l'attente et réduisait l'action à des brusques écharges de violence. Woo procède à l'inverse ; les scènes d'actions occupent la quasi-totalité du film : le massacre dans le restaurant, la descente dans l'entrepôt de Hoi, l'attaque sur le bateau et l'attaque de l'hôpital.
Maniériste dans sa construction le film l'est aussi dans quelques figures de style propre à Woo. Au contraposto (poses croisées des personnages) de la peinture il substitue le corps en avant déboulant bras armés tendu et mitraillant, ou le corps penché mitraillant, pratiquant l'esquive par un roulé boulé sur le côté. A l'allongement des doigts, il substitue le doigt prolongé par l'arme à feu. A l'arrière plan surchargé, il substitue l'esthétique des jeux vidéos où des hordes d'ennemis surgissent de nulle part.
L'hypertrophie des scènes d'action, le plongeon en avant ou sur le côté, l'arme à feu prolongement de la main sont des caractéristiques que l'on retrouve décuplées dans "Face off". Mais en ne recourant plus à un thème d'emprunt et reprenant un schéma équilibré entre action et repos, Woo évite le maniérisme.