Le film commence par un carton qui rappelle que "ce sont les millions d'hommes, femmes et enfants qui ont été torturés à mort derrière le rideau des reconstitutions historiques et défilés nazis; le plus grand meurtre de masse de l'histoire de l'humanité". Des civils allemands à Gardelegen portent des croix au camp de concentration à la périphérie de leur ville.
Les barrières se lèvent sur les "Arbeit macht frei" : les camps s'ouvrent. Les survivants accueillent leurs libérateurs avec joie. Bientôt se succèdent les piles de cadavres squelettiques et des survivants tout aussi squelettiques, nus, parfois soutenus par des hommes valides.
Eisenhower se rend sur place ; sont évoquées les tortures, les aspects industriels du fonctionnement des camps avec les chambres à gaz et les piles d'objets personnels volés aux victimes : piles de vêtements, des chaussures, des jouets, des alliances et des dents en or. interrogatoire du personnel des camps capturés, hommes et femmes.
Visites forcées des habitants des villes voisines, qui, avec le reste de leurs compatriotes, sont accusés de complicité dans les crimes nazis. Ces citoyens allemands à la mine prospère qui sont forcés d'observer les conséquences de leur affiliation au régime nazi finissent têtes baissées. Ce sont eux qui sont ensuite obligés de porter les croix pour les tombes des victimes des camps.
Elmer Davis qui dirige le United States Office of War Information (OWI), l'agence gouvernementale de propagande en charge de la guerre psychologique qui passe par la reconstruction du cinéma et du théâtre allemand, propose en avril 1945 à Wilder le grade de colonel pour rejoindre la Pyschological Walfare Divison of the Supreme Headquaters Allied Expeditionary (PWD/SHAEF). Elle oeuvre à sensibiliser la population allemande au caractère barbare du régime auquel elle a obéi. Wilder, qui n'est pas retourné à Berlin depuis qu'il a quitté l'Allemagne en 1934, accepte. A Berlin, Wilder aura la confirmation que sa mère, son beau-père et sa grand-mère sont morts à Auschwitz et ne parviendra pas à retrouver la tombe de son père, mort en 1928.
Hanus Burger est un cinéaste tchèque arrivé aux Etats-Unis en 1938 qui a le grade de lieutenant au sein de la (PWD/SHAEF) et, à ce titre, a reçu ordre de construire un film à partir d'images prises par les Alliés lors de la libération des camps. Burger procède à un montage de 86' composé entre autres d'extraits des Camps de concentration nazi (George Stevens, 1945), de Majdanek, cimetière de l'Europe (Aleksander Ford, 1945) ainsi que d'un extrait du Triomphe de la volonté (Leni Riefenstahl, 1935). L'OWI juge cette durée trop logue pour une exploitation efficace.
On demande donc à Wilder de superviser un remontage, d'une durée si possible inférieure à une demi-heure. Wilder supervise seulement le travail concrètement effectué par Sam Winston alors que la rédaction du texte qui sera lu en commentaire est confiée à Oskar Seidlin qui enseignait la littérature allemande avant la guerre. Le narrateur note que des personnes de toutes nationalités ont été trouvées dans les camps, y compris des personnes de toutes croyances religieuses ou politiques. Il n’y a aucune mention du sort particulier du peuple juif.
Le film est donc d'abord monté avec une bande-son allemande pour projection en Allemagne et en Autriche occupées. La version allemande du film est montrée dans le secteur américain de l'Allemagne de l'Ouest en janvier 1946. Rentré aux Etats-Unis, Wilder supervise la tarduction américaine. Ainsi, pour la version allemande, Die Todesmühlen, Hanus Burger est crédité en tant que scénariste et réalisateur, tandis que Wilder est crédité du montage. Billy Wilder est crédité de l'ensemble pour la version américaine ; ce qu'il ne manque pas de démentir, s'en tenant à son rôle de superviseur du montage.
Source : Emmanuel Burdeau, Gravité. Sur Billy Wilder, p.203 à 212