2007

Partie documentaire. Des images d'archive en noir et blanc de la télévision retracent les principaux évènements dus à la contestation des rapports entre le Japon et les Etats-Unis entérinés par le Traité de sécurité nippo-américain signé en 1951. Cette situation permit la naissance d’une nouvelle gauche en rupture avec le parti communiste japonais, accusé de rigidité et de Stalinisme.

En 1960, la contestation se radicalise, et la ligue nationale des étudiants se fissure en une multitude de groupes radicaux de gauche. Dans le courant des années 60, la mobilisation de la jeunesse est sans précédent : opposition à la guerre du Vietnam, manifestations contre l’augmentation des frais d’inscription universitaires (exacerbées par la révélation d’un trou de 2 milliards de yen dans le budget de l’université de Nichidai détournés par les dirigeants), luttes contre les discriminations à l’égard des minorités (notamment coréennes), rejet du productivisme effréné des années 60, mouvements anti-pollution etc. C’est à partir de 1967 que la contestation gagne l’ensemble des universités du pays. L’un des événements symboles de l’embrasement est l’occupation de l’Université de Tokyo (dite Todai, l’université la plus prestigieuse du Japon) entre janvier 1969 et février 1970, qui se solde par une violente répression et marque l’échec du mouvement étudiant, poussant ainsi une partie des étudiants à se radicaliser davantage. Ainsi, les plus radicaux, décidés à prendre les armes, forment la Faction Armée Rouge et entrent dans la clandestinité. Des attentats contre la police et autres coups d’éclat meurtriers ponctuent l’année 1970.

En 1971, les luttes intestines aboutissent à la scission de la Faction Armée Rouge en deux branches : l’Armée Rouge Unifiée et sa branche internationaliste l’Armée Rouge Japonaise emmenée par Fusako Shigenobu. Cette dernière quitte le Japon pour rejoindre les camps d’entraînements du FPLP de Georges Habache.

Documentaire/Fiction. Progressivement la partie fiction, intégrant des acteurs, prend le pas sur la partie documentaire. Sont ainsi mis en scène la fuite de Tsuneo Mori lors d'une manifestation à l’Université Todai, la création de la Faction Armée Rouge (FAR) lors d’un rassemblement à l’auberge de jeunesse de Jogashima, l'arrestation de 53 membres de la FAR réfugiés à Daibosatsu Toge pour y recevoir un entraînement militaire en 1969.

En 1970, Takamaro Tamiya persuade Tsuneo Mori, alors en fuite, de réintégrer la FAR mais Takaya Shiomi, chef de la FAR, est arrêté. Hiroyuki Takahara, un des membres du bureau de la FAR, est arrêté. A cette même période, plus de 200 membres de la FAR sont arrêtés. Trois militants d’une branche séparatiste du Parti Communiste Japonais, la Fraction Révolutionnaire de Gauche (FRG), prennent d’assaut un commissariat de police à Kamiakatsuka, dans le quartier d’Itabashi à Tokyo. Un des militants est tué.

En 1971, Tsuneo Mori prend contact avec Hiroko Nagata de la FRG. Koichi Teraoka, Masakuni Yoshino et quelques autres membsre de la FRG attaquent un armurier à Moka City (préfecture de Tochigi) et s’emparent de plusieurs armes et munitions alors que des membres de la FAR, dont Kunio Bando, mènent à bien l’opération “M”, attaquant banques et postes. Si bien que Tsuneo Mori et Hiroko Nagata s’échangent argent volé des banques et postes contres armes et munitions.

Fusako Shigenobu de la FAR, responsable du “développement international”, part au Liban. La FAR et la FRG fusionnent pour devenir l’Armée Rouge Réunie (Unified Red Army). Un mois plus tard, ils deviennent l’Armée Rouge Unifiée : United Red Army (URA).

En août 1971, Yasuko Hayaki, qui s’était enfuie de la FRG, est capturée par les membres de l’Armée Rouge Unifiée et exécutée à Inbanuma. Shigenori Mukaiyama, qui s’était également enfui de la FRG, est capturé par les membres de l’Armée Rouge Unifiée et exécuté dans un appartement à Kodaira.

Fiction. A partir de decembre 1971, l'entrainement militaire commun de la FAR et de la FRG dans les montagnes à la base de Niikura (préfecture de Yamanashi), le film abandonne la partie documentaire pour décrire la fin tragique du mouvement radical étudiant marquée par l’affaire du chalet d’Asama, prise d’otage retentissante et ultra-médiatisée qui aboutit à l’arrestation des derniers membres de l’Armée Rouge Unifiée et à la découverte de 18 de leurs camarades exécutés dans des circonstances inimaginables.

Décembre 1971, construction de la base de Haruna par les membres de la FRG. Ils sont rejoints par Tsuneo Mori et Kunio Bando.

Yoshitaka Kato et son amie Kazuko Kojima demandent aux leaders de l’Armée Rouge Unifiée d’accepter la critique. Ils sont sévèrement sanctionnés. La FRG sanctionne Michio Ozaki. Mieko Toyama, Masatoki Namekata et Ryuzaburo Shindo, qui étaient à la base de Niikura, rejoignent la base de Haruna. Michio Ozaki meurt (1).

Le 1er janvier 1972, Ryuzaburo Shindo est exécuté (2) et Kazuko Kojima est également tuée (3). Le lendemain, Yasuhiro Uegaki, Jun Yamazaki et Mikio Aoto rejoignent la base de Haruna. Cette nuit-là, Mieko Toyama (4) et Masatoki Namekata (5) sont lynchés. Deux jours plus tard Yoshitaka Kato (6) décède. Mieko Toyama (7) décède le 7 et Masatoki Namekata (8) le 9. Sur les ordres de Tsuneo Mori, Koichi Teraoka (9) est exécuté le 18 et Jun Yamazaki (10) le 20.

Le 26 Janvier 1972, Hiroshi Sakaguchi est à l’origine du lynchage de Yamamoto (11) durant la construction de la base de Kasho. A la même période, Setsuko Otsuki (12) et Michiyo Kaneko (13) sont lynchées à la base de Haruna.

Les membres restants de la base de Haruna sont transférés à la base de Kasho. Junichi Yamamoto (14) et Setsuko Otsuki (15) décèdent. Le 4 Février 1972, Michiyo Kaneko (16), enceinte de 8 mois de l’enfant de Masakuni Yoshino meurt. Takashi Yamada (17) est également lynché.

Le 6 Février 1972, Yasuko Yamamoto s’enfuit puis, le lendemain Torayoshi Maezawa. le 12 Février 1972, dans la grotte de la montagne de Myogi où il se cachait, Takashi Yamada (18) décède à l’âge de 27 ans.

Le 16 Février 1972 : La police découvre la base de Haruna et commence à fouiller la montagne. Le 19, Yasuhiro Uegaki, Mikio Aoto, Makie Terabayashi et Kazuko Ito sont arrêtés à Karuizawa. Cinq autres membres, dont Hiroshi Sakaguchi, se réfugient dans le chalet d’Asama. Le 28, les forces de police prennent d’assaut le chalet d’Asama. Hiroshi Sakaguchi, Masakuni Yoshino, Michinori Kato, Motohisa Kato et Kunio Bando sont arrêtés.

Tsuneo Mori, qui a d'abord fuit, se suicide le 1er janvier 1973 à la prison de Tokyo à l’âge de 28 ans.

On évitera de ranger le film dans la catégorie du docu-fiction ou même du documentaire militant. Il s'appuie certes sur une base documentaire importante et est emporté par un souffle social de même nature que le documentaire militant. Il ne répond toutefois pas à la définition nécessaire du documentaire, des acteurs qui interprètent leur propre rôle dans les conditions du direct, et relève donc, à notre avis, du drame social.

Drame social lyrique, comme le prouverait à elle seule la bande son rock planante omniprésente de Jim O'Rourke (Sonic Youth), qui relie ainsi passé et présent dans une même révolte et volonté d'élucidation du traumatisme dont a été victime l'extrême gauche japonaise. Le soin apporté à la description des personnages, tous individualisés, va de pair avec l'analyse du traumatisme qui a conduit une jeunesse (entre 17 et 25 ans avec majorité de 22-23 ans) généreuse et pleine d'avenir au renfermement sur soi et à l'auto-destruction.

Sans doute, l'assassinat de deux membres, supposés être des mouchards, Yasuko Hayaki et Shigenori Mukaiyama en août 1971 est-t-il à l'origine du basculement entre l'assurance de progresser vers la révolution et la crainte d'être trahi. . Les images de l'assassinat de Yasuko Hayaki reviendront plusieurs fois hanter les jeunes gens dans le camp d'entraînement.

Mieko Toyama, la coquette qui veut être soldat décède le 7 janvier  1972 à l'âge de 25 ans


L'espoir finira noyé dans les lances à eau, asphyxiée par la fumée des grenades et trahi par Mao qui aura reçu Nixon entre le début et la fin de la prise d'otage.

 

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(Jitsuroku rengô sekigun: Asama sansô e no michi). Avec : Maki Sakai (Mieko Tohyama), Arata (Hiroshi Sakaguchi), Akie Namiki (Hiroko Nagata), Go Jibiki (Tsuneo Mori), Anri Ban (Fusako Shigenobu), Maria Abe (Michiyo Kaneko), Kenji Date , Yuki Fujii (Setsuko Otsuki), Shima Onishi (Kunio Bando). 3h10.
United Red Army
Genre : Drame social