Basic Instinct

1992

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Genre : Film noir

Avec : Michael Douglas (Détective Nick Curran), Sharon Stone (Catherine Tramell), George Dzundza (Gus Moran), Jeanne Tripplehorn (Docteur Beth Garner), Denis Arndt (Lt. Walker). 2h10.

Johnny Boz, ex-star du rock, est poignardé à coups de pic à glace au beau milieu d'une rencontre torride avec une mystérieuse blonde.

L'inspecteur Nick Curran et son collègue Gus Noran interrogent la dernière femme aperçue en sa compagnie : la romancière Catherine Tramell. Héritière de l'immense fortune de ses parents, disparus dans un accident suspect, celle-ci collectionne les aventures féminines aussi bien que masculines et se plaît en la compagnie de criminelles, comme sa petite amie Roxy, qui égorgea ses deux frères, ou Hazel Dobkins, qui assassina son mari et ses enfants. En outre, son dernier roman décrivait exactement le futur meurtre de Boz, et le prochain raconte l'assassinat d'un inspecteur par la femme qu'il suspecte.

Nick, ancien alcoolique et cocaïnomane, se reproche une bavure qui, jadis, coûta la vie à deux innocents touristes et poussa son épouse au suicide.

Malgré les avertissements du médecin de la police, la psychologue Beth Garner - qui est également sa maîtresse - il se laisse entraîner par Catherine dans une dangereuse relation sado-masochiste, provoquant ainsi la jalousie de Roxy, qui périt dans un accident de voiture en essayant de l'écraser.

Peu à peu, Nick découvre que Beth a eu une liaison avec Catherine à l'Université et qu'elle a probablement assassiné son mari ainsi que le lieutenant Marty Nilsen, qui enquêtait sur son passé. Lorsque Moran, attiré dans un traquenard, est lardé de coups de pic à glace, Nick trouve Beth sur les lieux et l'abat. Les preuves s'accumulent au domicile de Beth : révolver, coupures de journaux, romans de Catherine. Celle-ci est désormais innocentée. Elle vient au domicile de Nick et tout deux font l'amour et pourraient couler des jours heureux... Mais le pic à glace est toujours à portée de la main.

Le scénario rappelle parfois celui du Quatrième homme (1983), alors derniere réalisation tournée en Hollande par Paul Verhoeven, avec une femme mante-religieuse. Le film est aussi sous l'influence d'Alfred  Hitchcock. L'action se déroule à San Francisco et la plastique de Sharon Stone est proche de celle de Kim Novak dans Vertigo. La névrose meurtrière au pic à glace fait penser au couteau de Norman Bates, tout comme un plan de Catherine se balançant dans un rocking-chair évoque celui de mère du meurtrier, découverte dans la cave à la fin de Psychose. Verhoeven a aussi demandé une musique proche de celles composées par Bernard Herman.

Comme dans d'autres films de Verhoeven, on retrouve des jeunes femmes marquées par des traumatismes de l'enfance : Roxy a tué ses frères enfants parce qu'ils accaparaient l'attention. Catherine a perdu ses parents dans un accident d'avion. La pulsion qui la tire vers la mort est donc due en partie à cet élément mais résulte aussi d'une situation sociale. Catherine est  titulaire de diplômes de psychologie et de lettres. Elle est aussi écrivaine : elle veut faire coller ses drames aux éléments documentaires de la réalité. C'est comme cela qu'elle a soigné la douleur de ses parents. Cette manière de s'arranger avec la réalité est devenue obsessionnelle et semble régler ses rapports avec les autres.

Les tableaux de Picasso, une jeune femme blonde au chapeau assise sur une chaise chez Johnny Boz et La Muse chez Catherine préparent à une vision plus secrète du monde. L'extrait de Helleraiser (Clive Barker, 1987) évoque aussi les forces destructrices du monde originaire.

La Muse (Picasso, 1946)
Helleraiser (Clive Barker, 1987) à la télévision

Le "je n'ai rien à cacher" de Catherine lorsqu'elle est interrogée par la police renvoie à la force des pulsions qu'elle peut déchainer et qui se traduit par les deux plans très célèbres, de ses jambes décroisées sur son sexe nu.

L'élucidation des crimes du rocker puis celui, antérieur, du mari de Beth, du lieutenant Marty Nilsen et de Gus Noran passe au second plan. Peut être est-ce Beth mais peut-être aussi Catherine qui aurait très bien pu confectionner des preuves post-mortem contre elle. Peut-être était-elle suffisamment amoureuse de Nick pour renoncer à le tuer et clore son roman sans ce dernier acte. Les derniers événements sont néanmoins devenus trop médiatiques et Catherine se sent dans l'obligation de le tuer. Le pire n'étant jamais sûr, le pic à glace reste toutefois sous le lit. Pour Paul Verhoeven toutefois : "Le fait qu'on ne voie pas Catherine tuer Nick à la fin ne veut pas dire qu'elle ne le fera pas. Elle le tuera de toute façon. C'est un imbécile et c'est elle qui contrôle. Vous ne pouvez pas battre le diable" (Jean-Marc Bouineau, Paul Verhoeven, Beyong Flesh+Blood, 1994, Editions Le cinéphage, p. 88).

Jean-Luc Lacuve le 31/05/2016.