Portland. Enoch, s'allonge sur le sol, en pleine rue, et entoure sa silhouette de craie, comme le fait la police pour dessiner la place d'un cadavre sur une scène de crime ou d'accident. Il se rend ensuite aux obsèques d'un jeune homme dont il écoute le frère prononcer l'éloge funèbre. Personne ne semble le connaitre et, dans l'assistance, Annabel, reconnait à son anachronique costume noir que le mort lui est parfaitement inconnu. Intriguée, elle le poursuit dans la rue et tente vainement de nouer conversation avec lui. Enoch rentre chez lui jouer à la bataille navale avec le fantôme d'un kamikaze japonais mort pendant la seconde guerre mondiale qui pare tous ses coups.
Le lendemain, Enoch se rend de nouveau au funérarium pour assister aux obsèques d'un inconnu. Il est cette fois repéré par le maître de cérémonie qui menace de le dénoncer à la police. Annabel survint alors et, habillée elle aussi toute de noire, parvient à tirer Enoch de ce mauvais pas en le faisant passer pour le cousin de celle qu'elle prétend être sa tante décédée.
Enoch s'étonne de la voir fréquenter le pavillon des cancéreux et pense quelle y travaille. Un jour qu'il se promène avec Hiroshi au cimetière, il rencontre par hasard Annabel qui dessine des scarabées et des oiseaux. Charles Darwin est son idole et elle s'intéresse particulièrement aux oiseaux aquatiques capables de franchir les océans. Enoch lui présente ses parents, décédés et dont les tombes indiquent une mort qui remonte à moins de trois ans. En regardant des enfants jouer au football, Annabel apprend à Enoch qu'elle est atteinte d'un cancer. Enoch est déscolarisé. Il a perdu ses parents dans un accident de voiture dont il a miraculeusement réchappé. Mais plongé dans le coma, il n'a pas pu assister à leurs funérailles et tente en vain de faire son deuil en végétant dans un état de spleen profond
Les deux jeunes gens sortent alors souvent ensemble. Enoch présente Hiroshi à Annabel et l'entraine à son jeu favori consistant à lancer des pierres sur les wagons des trains de marchandise. D'un baiser, Annabel accepte sa demande d'être sa petite amie.
Elisabeth, la sur ainée d'Annabel, est réticente face à leur relation. Quand elle apprend que le cancer d'Annabel est incurable, elle n'a d'autre choix que de laisser la jeune femme vivre ses dernières semaines comme elle l'entend.
Le jour d'Halloween, Enoch et Annabel, tels de jeunes enfants, se costument pour faire la quête des bonbons. Ils sont pourchassés par trois anciens étudiants du lycée d'Enoch qu'il corrigea autrefois quand ils se moquèrent de lui. Un autre étudiant de ses amis parvient à les conduire hors de danger mais Enoch, malade, exige qu'il les dépose immédiatement au cur d'une forêt. C'est là qu'ils découvrent une maison abandonnée où ils font l'amour pour la première fois.
La maladie d''Annabel progresse. Enoch agresse verbalement le docteur Lee qui la soigne. Un jour elle est morte ; du moins dans le jeu imaginé par Enoch bans le but de la préparer à la mort. Annabel le trouve puéril. Les deux jeunes gens se fâchent. Enoch, rentré furieux chez lui, insulte sa tante qui l'a recueilli mais à qui il en veut : c'est pour être allé la voir recevoir un prix futile que ses parents sont morts sur le chemin du retour. Il court au cimetière briser la tombe de ses parents leur reprochant d'être partis sans lui et s'écroule à bout de nerfs. A l'hôpital où il a été admis, le docteur Lee lui transmet une offre de paix d'Annabel contenu dans son livre sur les oiseaux marins.
Enoch et Annabel se réconcilient. Annabel meurt. Enoch se rend à ses funérailles où des bonbons sont disposés comme ils l'avaient voulu. Enoch fait enfin son deuil en incarnant le fantasme d'Hiroshi dans la réalité : en lieu et place du discours funéraire, il lit la lettre d'adieu d'Hiroshi qui dû partir à la guerre pour vaincre l'ennemi mais dont toutes les pensées, jusqu'au moment du crash final, étaient orientées vers sa femme.
L'amour et la mort chantés par les poètes trouvent ici une incarnation terriblement douce et enivrante. Love story au rythme entêtant, l'amour y défie la mort par delà le temps et les océans. Les oiseaux d'Annabel et le kamikaze d'Enoch disent la possibilité de se retrouver jusque dans la mort même si la trace de cet espoir est aussi fragile qu'une trace de craie, qu'un rêve d'enfant croyant encore aux mystères d'Halloween, qu'une pierre jeté sur un train qui passe, ou que la douceur d'un baiser.
La douceur qui enveloppe la douleur ne veut ici ni larme ni excès et Gus van Sant magnifie ce sujet en se gardant de tout brio, de tout clinquant pour laisser ses spectateurs bien souvent au bord des larmes face à ces jeunes anges androgynes, images de l'éternité que la corruption du temps ne peut atteindre.
Jean-Luc Lacuve le 11/09/2011