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Vive l'amour

1994

(Ai qing wan sui). Avec : Yang Kuei-mei (May), Chen Chao-jung (Ah-jung), Lee Kang-sheng (Hsiao-kang). 1h58.

Un appartement vide, inhabité et trois personnages, deux hommes et une femme, également vides et inhabités. Squatteurs de leur propre vie, ils sont comme chez eux dans l'espace impersonnel grand standing. S'engage un chassé croisé sans paroles qui n'a pas grand chose d'amoureux entre Hsiao Kang, le démarcheur pour le compte des pompes funèbres, Ah Jung, le marchand de rue à la petite semaine et May, l'agent immobilier chargée de trouver acheteur pour l'appartement en question.

Traitant du mal d'aimer vécu par des personnages jeunes et paumés, Vive l'amour pousse à l'extrême le cinéma moderne de l'incommunicabilité et de la vacuité. La structure du film est pourtant beaucoup moins complexe que chez Antonioni (Blow-up ou profession reporter par exemple). Tsai Ming-liang vient après la génération de la Nouvelle vague taïwanaise (Hou Hsiao-hsien, Edward Yang, Wan Jen) et, dans de longues scènes maniéristes, il est surtout attentif à la saisie des bruits (Il se passe presque vingt minutes sans un mot mais, en revanche, ou serait-ce en conséquence, on plonge illico dans un environnement incroyablement sonore qui va du ronron indifférent et agaçant de la ville tout autour, Taipei, jusqu'au grincement de chaussures sur le parquet tout neuf) des gestes (May ouvre le robinet avec son pied) ou des signes (Assis sur les toilettes, Ah-jung aperçoit du poil dans le fond d'eau qui se vide du jacuzzi et soupçonne ainsi pour la première fois la présence clandestine de Hsiao-kang).

Les sons, quelques gestes et quelques signes voilà tout ce qui existe pour ces personnages pour qui l'amour et la mort sont hors de porté (lorsque Hsiao-kang tente de se suicider, May et Ah-jung procèdent, absents, aux premiers attouchements puis, Hsiao-kang, ahuri, sous le lit, pendant les ébats des deux autres). Dans ses films suivants, Tsai Ming-liang exploitera plus encore le thème de l'eau qui coule associée à la vie qui va. Ici, dans le dernier plan, May en larmes, longuement, se vide.

Notes : Analyse reprise en grande partie de l'article de Camille Nevers dans les Cahiers du cinéma n°490, avril 1995.

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