Un homme, qui semble traqué, arrive un soir dans une auberge isolée de montagne. Pour tout bagage, il porte un coffret qu'il serre précieusement sous son bras. Sa main gauche est gantée. Il raconte alors, devant les pensionnaires rassemblés, son extraordinaire aventure.
Peintre médiocre, Roland Brissot a acheté, un jour, au cuisinier italien Mélissa, un talisman : une mystérieuse main coupée, enfermée dans un coffret, pour un sou. Désormais, tout lui réussi. Il peint avec facilité de magnifiques toiles. La gloire et la fortune lui sourient en même temps que l'amour, en la personne de la belle Irène. Toutefois, il faut que le possesseur de la main la revende avant un an, moins cher qu'elle ne fut achetée, sous peine d'être damné... Roland oublie l'échéance fatidique et le Diable - sous l'apparence d'un petit homme vêtu de noir - lui annonce qu'il est prêt à lui racheter la main magique, mais que son prix doublera pour chaque jour de retard...
Pierre s'efforce de réunir l'argent nécessaire, en vain. Un soir de carnaval, il est confronté avec les sept détenteurs successifs, au cours des siècles, de la main coupée : le voleur, le jongleur, le mousquetaire, l'illusionniste, le chirurgien, le boxeur et le cuisinier.
Pourchassé par le Diable, Roland terrifié, s'est ainsi réfugié dans ce lieu retiré où il vient de raconter son aventure. Il explique aux clients incrédules qu'il recherche la tombe du moine pour lui rendre définitivement sa main, qui était dans la boîte disparue, et qu'il est poursuivi par le petit homme qui veut le tuer. Ce qui se produit, dans une dernière scène mouvementée, qui se termine par la chute mortelle de Roland Brissot sur la tombe du moine. C'est ainsi que la main revient à son propriétaire, le pieux moine Maximus Léo, auquel le Diable avait dérobé la main, trois siècles auparavant.
D'après la nouvelle La main enchantée de Gérard de Nerval. Le thème du film évoque le mythe de Faust, qui, pour réaliser tous ses désirs, accepte de vendre son âme au diable. Cependant, contrairement à Faust, le héros de l'histoire ne sait pas qu'il pactise avec le diable lorsqu'il acquiert le coffret contenant la mystérieuse main coupée. Le diable intervenait déjà dans Les visiteurs du soir (Marcel Carné, 1942) et réapparaitra dans un autre des rares films fantastiques français, La beauté du diable (René Clair, 1950).
Maurice Tourneur réalise ce film en 1943, un an après que son fils, Jacques Tourneur, ait réalisé aux Etas-Unis, La féline, son chef d'œuvre qui révolutionne le film fantastique en suggérant bien plus qu'il ne montre. Les leçons du fils sont sans doute passées au père qui réalise ainsi une des rares réussites du genre fantastique en France. Comme chez Jacques Tourneur, ce qui fait peur n'est pas ce que l'on montre, c'est ce que l'on suggère. Par exemple le regard épouvanté de la chiromancienne lorsqu'elle regarde à la loupe la main gauche de son client Roland Brissot, est plus angoissant que n'importe quelle tentative de représenter concrètement l'enfer.
Le jeu des ambiances, l'habileté de la narration en flash-back, l'évolution psychologique des personnages, notamment celui d'Irène, beauté délicate au début, et qui se révèle être une harpie vénale presque aussi dangereuse que le diable concourt à la réussite du film qui s'appuie aussi sur la brillante interprétation de Pierre Fresnay.
Jean-Luc Lacuve le 06/02/2015