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Solaris

1972

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Avec : Natalya Bondarchuk (Hari), Donatas Banionis (Kris Kelvin), Jüri Järvet (Dr. Snaut), Vladislav Dvorzhetsky (Berton), Nikolai Grinko (Le père de Kelvin), Anatoli Solonitsyn (Dr. Sartorius), Olga Barnet (La mère de Kris), Tamara Ogorodnikova (Tante Anna), Sos Sargsyan (Dr. Gibarian), Yulian Semyonov (Le président de la conférence scientifique). 2h25.

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Depuis très longtemps déjà, les chercheurs scientifiques tentent, en vain, de percer le mystère de Solaris, la planète dont la surface est l'Océan.

Dans sa demeure, Kris Kelvin, savant psychologue vit avec son père, tante Anna et probablement la petite-fille de celle-ci. Il doit partir le lendemain sur Solaris mettre un terme à des recherches qui n'aboutissent pas. Son père revient avec un ami, l'ex pilote Burton, accompagné de son jeune fils. Il présente à Kris le film de la commission d'enquête qui rendit compte de son étrange vision à l'approche de Solaris : il avait vu des arbres et un enfant à la taille gigantesque surgir des vagues. Personne ne l'avait cru. Pas plus que l'on avait cru à la ressemblance qu'il affirmait avoir trouvée entre cet enfant gigantesque et le fils du pilote disparu auquel il alla annoncer la mort à sa veuve.

Kris ne paraît pas convaincu de la vision de Burton et se fâche avec l'ex pilote qui rentre à la ville. Avant de partir, il brûle de vieux souvenir : papiers et photos d'une femme mais annonce à son père qu'il a emporté "le film".

Kelvin est projeté sur la station orbitale de Solaris où il doit rejoindre les trois autres cosmonautes déjà sur place...Le désordre règne à bord du laboratoire spatial. Kelvin rencontre le chercheur Snaut, au comportement énigmatique et Sartorius, un autre savant plus agressif. La station est hantée par des apparitions, un petit garçon et une jeune femme. Kris apprend que Gibarian, le troisième savant et l'un de ses plus proches amis, s'est suicidé... Sur un enregistrement audiovisuel adressé à Kelvin, Gibarian explique avoir été visité par des "hôtes" et que des problèmes de conscience l'ont poussé au suicide.

La jeune femme entr'aperçue se révèle être Khari la femme qu'il a aimée, et qui, à la suite d'une querelle- elle ne plaisait pas à ses parents, il a ignoré sa souffrance- a choisi de se suicider. Connaissant la nature artificielle de cette apparition, Kelvin lui tend un piège et l'expédie dans l'espace à bord d'un engin téléguidé.

Une seconde Khari fait son apparition, Kelvin l'accepte et la présente comme sa femme aux deux autres savants. Alors qu'il laisse dormir et ferme la lourde porte d'aluminium derrière lui. Elle la déchire de ses mains et s'effondre ensanglantée dans ses bras. Ses plaies se referment et disparaissent. Elle revient à la vie.

Plus tard, ils fêtent les 52 ans de Snaut. Khari déclare qu'elle devient de plus en plus humaine, qu'elle apprend à souffrir comme à se passer de Kelvin pour quelques instants. La station se met en apesanteur quelques minutes. Kelvin et Khari semblent apaisés. Pourtant, quelques instants après, Khari se suicide à l'oxygène liquide. Elle revient à la vie.

Les trois savants s'opposent sur la nature des solutions à apporter aux énigmes de Solaris et à ces créatures qui apparaissent occasionnellement à l'intérieur du vaisseau. Seul Kelvin refuse d'irradier davantage l'océan qui a répondu en envoyant les hôtes. Snaut se range à son avis d'envoyer son encéphalogramme à l'océan.

Kris attrape une mauvaise fièvre : dans son esprit Khari et sa mère, telle qu'elle apparaît sur le film familial, se confondent. Il rend imaginairement visite à sa mère.

Lorsqu'il revient de sa fièvre, Snaut lui apprend que Khari s'est annihilée :"un éclair puis plus rien". D'ailleurs depuis l'envoi de l'encéphalogramme les hôtes ne sont plus revenus et l'océan répond différemment en créant des îles. Snaut continuera d'étudier Solaris et Kris rentre chez lui.

Kris se retrouve devant sa maison, le chien de son enfance vient l'accueillir. Il observe son père qui range des livres à l'intérieur et semble baigné d'une pluie chaude. Kris s'agenouille devant son père venu pour l'accueillir. En prenant de la hauteur à travers les nuages, la caméra révèle que la maison et son entourage sont une île de Solaris.

Solaris, comme 2001, l'odyssée de l'espace, explore les possibilités du cerveau humain à créer une nouvelle humanité. Cette quatrième dimension énigmatique dans laquelle se retrouve Bowman à la fin de son voyage spatial ressemble de beaucoup à l'univers dans lequel erre Kelvin, le savant envoyé en mission sur la planète Solaris.

Conscience universelle et morale individuelle

Bowman, enfermé des décors du XVIIème, devait vieillir sous la coupe des monolithes noirs avant d'engendrer une nouvelle humanité. Ici Kris se mesure à son inconscient en retrouvant sa femme morte 10 ans auparavant.. Pris de panique, il expédie dans une fusée la première image de celle-ci. Lorsque la seconde réapparaît, Kelvin réapprend l'amour, et bientôt, la souffrance. Leur relation est un apprentissage mutuel, le composé chimique en devenant humain apprend à se décoller de Kelvin et accepte la séparation et les différences individuelles. L'encéphalogramme de Kelvin fait le reste : l'océan accepte de créer des îles différenciées pour chaque individu.

Mémoire, souvenirs, fantasmes, hallucinations collectives, Solaris est une immersion dans un univers parallèle, un monde paradoxal où se côtoient le passé et le présent, le réel et le fantasme, la pesanteur et l'apesanteur, la mort et le sommeil. Tarkovski filme sur le même plan ces réalités paradoxales et c'est ce qui les rend si troublantes et profondes.

Nature, art et science

Tarkovski commence par filmer la nature. Un cours d'eau, des algues chancelantes comme des cheveux, un chêne robuste. L'absence de la nature perturbe les savants dans la station orbitale de Solaris. Snaut découpera ainsi du papier pour l'attacher à un ventilateur pour reproduire le son du vent dans les feuillages. Kris a emporté avec lui comme un talisman la mystérieuse boite métallique du début qui, ouverte devant le hublot de Solaris avant son retour sur terre, révèle qu'une plante y a poussé. Cette plante, comme acceptée par la conscience de Solaris, est le symbole de la communication future.

Mais l'art occupe également une grande place. Il est l'occasion pour les scientifiques de se ressourcer, de se rappeler leurs liens avec les générations passées. Le Don Quichotte est cité pour le passage à propos du sommeil qui préserve les hommes des visites de leur hôte. La maison de Kris et la bibliothèque, salle de repos contiennent des bustes d'hommes célèbres. La bibliothèque contient surtout la série des mois de Bruegel et notamment le tableau consacré à décembre : Chasseurs dans la neige.

Les aspirations de Kelvin, telles que les ressent Khira qui observe le tableau sont probablement les mêmes que celles qui ont guidé Bruegel lorsqu'il peint cet environnement hostile : un chien, une maison, un arbre, des jeux d'enfants.

 

La présence de ce tableau dans le rêve que Kelvin fait avec sa mère explique que c'est probablement l'œuvre d'art qui a guidé l'environnement et la construction de la maison.

Devant ce tableau, Khari comprend les aspirations de Kris mais apprend aussi à se détacher de lui. C'est probablement ce qu'indiquent les deux plans de sorties de lecture du tableau, la réminiscence du film familial des temps heureux où Kris jouait dans la neige avec ses deux parents, suivit de Khari observant alors que Kris va bientot surgir derrière elle, inquiet de son comportement sans lui.

La mystique universelle est aussi présente au travers du rappel du sentiment de Tolstoï qui souffrait de son incapacité à ne pas aimer l'humanité entière. L'amour est un sentiment que l'on peut vivre mais pas expliquer. On peut expliquer un concept mais on n'aime que ce que l'on peut perdre, soi même, une femme, la patrie. Kelvin explique ainsi à Snaut que "jusqu'à aujourd'hui, l'humanité, la terre, était inaccessible à l'amour… Nous sommes si peu juste quelques milliards. Peut-être sommes-nous ici juste pour sentir que les hommes sont faits pour être aimés."

Réflexion sur la nature, l'art et la mystique, Solaris s'attaque aussi à la science. Tarkovski réfute une science qui ne serait qu'objective, débarrassée des sentiments humains avec un homme condamné à la connaissance "Le tout n'est pas de conquérir d'autres mondes dont nous ne savons que faire mais de chercher un miroir."

Plusieurs hypothèses ont été données à la mort de Gibarian : la peur d'abord pour Snaut, le désespoir ensuite pour Kelvin qui opte finalement pour la honte : "La honte voilà le sentiment qui sauvera l'humanité". Peut-être faut-il entendre là la honte de l'humanité de ne pouvoir vivre l'amour universel que promet Solaris.

Jean-Luc Lacuve le 23/10/2006.

Test du DVD

Editions Potemkine et Agnès B. Novembre 2011. Coffret 8 DVD: L'intégrale des courts et longs métrages d'Andrei Tarkovski.

Suppléments :

  • Présentation de chacun des films par Pierre Murat
  • Entretiens avec les proches collaborateurs du cinéaste
  • Meeting Andrei Tarkovski de Dmitry Trakovsky (2008 – 90 min).
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