Le représentant des propriétaires vient interpeller la communauté. Ils n'ont pas d'acte de propriété. Ils ont mis en valeurs les friches, ils ont enlevé les bombes et les mines mais il est l'heure de partir maintenant ou de devenir les métayers des propriétaires.
Le chef de la communauté allongé sur son lit, cherche des forces nouvelles alors que tous s'en vont. Sa compagne pointe le poing vers le sol.
Suite de Ouvriers et paysans tiré du même roman, Les femmes de Messine, (1946-1964) d'Elio Vittorini (1908-1966). Ouvriers et paysans racontait le début de la communauté, sa phase ascendante avec la musique de Bach. Humiliés met en scène sa fin sur la musique de Varèse.
Le texte de Vittorini est plus romanesque avec du discours indirect qui est ici transformé en dialogue direct avec la volonté de construire un présent mythologique.
Le texte de Vittorini est aussi plus marqué historiquement. Il en reste ici une trace avec l'évocation du Boogie-woogie, marqueur temporel. Mais les partisans du texte sont transformés en chasseurs. Ici tout ramène au présent de l'énonciation, au temps de l'enregistrement, au présent face à nous.
Face aux éternelles questions sur les postures statiques, il suffit de se demander, pourquoi la caméra bougerait, pourquoi les acteurs bougeraient. En revanche, il y a des coupures sonores nettes entre les plans. Chaque plan possède un son qui lui est propre. Les acteurs ont souvent la tête baissée au début du plan. Ils jouent comme en sourdine. Ils suivent leur texte sur un cahier, transformé en partition musicale très précise par Danielle Huillet. Puis la tête se lève pour une envolée en fin de plan.
Cinéma matérialiste car tout se joue dans la matière de l'image et le cinéma réconcilie la matière et l'idée.
Le dernier plan contrarie une interprétation simple pour un mouvement
dialectique
que l'on retrouvera avec le fil barrant la montagne à la fin de Ces
rencontres avec eux (2006). Ici, alors que le combat semble perdu, la
femme tout en prononçant Eh Si (et oui !) tend le poing vers le bas...
comme une partition musicale sans résolution.
Jean-Luc Lacuve le 08/03/2009 après l'intervention de Cyril Neyrat au Café des Images.