Des soldats sont en patrouille dans le désert tunisien, cherchant des terroristes qu'ils n'aperçoivent jamais. Un soir dans une caserne, un soldat se suicide dans les toilettes d'une balle dans la tête.
Le soldat est appelé par son lieutenant qui l'informe que sa mère est morte et qu'il bénéfice d'une permission de huit jours pour l'enterrement. Le soldat arrive dans la maison inhabitée de sa mère, range quelques affaire, écoute de la musique, se laisse pousser la barbe, brûle sa tenue et ses papiers militaires, ne répond pas aux coups de téléphone.
Des militaires viennent frapper à la porte et tentent d'entrer de force. Le soldat fuit, semant bientôt ses derniers poursuivants dans un chantier en construction. Quand un militaire va le rattraper il le pousse dans le vide et s'empare de son talkie-walkie. L e soldat erre dans Tunis la nuit alors s'éloignant du minaret central, du périphérique et trouvant refuge dans une banlieue où se consume un brasier. Le soldat repère un appartement meublé à louer et s'y introduit clandestinement la nuit. Il s'y lave et s'endort. Au petit matin, la police entre en force et sans prendre le temps de 'habiller le conduit de force dans une fourgonnette-prison. Le soldat cogne à al vitre de la fourgonnette ce qui irrite un policier qui arrête la fourgonnette pour le bastonner mais c'est lui qui se fait piéger et le soldat s'enfuit, échappant aux coups de feu. Le soldat, nu, le dos ensanglanté par une blessure par balle superficielle, manche à travers les toms d'un cimetière à l'abandon, dans des rues désolées et s'enfonce dans une forêt.
Une jeune femme bourgeoise croque une pomme dans un magasin d'objets pour enfants quelle quitte sans un mot. Elle regagne sa voiture où son chauffeur la ramène dans la toute nouvelle et luxueuse maison dans un grand parc forestier. Le soir son mari arrive et elle lui annonce qu'elle est enceinte, ce qui le réjouit davantage qu'elle : "il ne nous manquait plus que cela". Il s'en va dans la nuit pour un rendez-vous d'affaires en Espagne.
Au matin le jeuna femme observe la forêt derrière la maison et décide d'aller se promener. Au bord de la rivière, elle ramasse une boussole abandonnée puis stupéfaite aperçoit un homme barbu qui l'observe. Elle prend peur et fuit mais l'homme l'a devancé en haut du chemin et, face à lui, elle s'effondre de peur.
L'homme barbu est l'ex-soldat qui avait fuit. Il porte la femme sur son dos et la dépose sur un matelas surélevé dans une étrange pièce ronde où demeure en permanence cinq centimètres d'eau alimentée par un goute à goute discret. Au réveil la jeune femme prend peur et tente de s'enfuir mais ne trouve pas la façon d'ouvrir la porte en haut de l'escalier, elle redescend donc dans la grande pièce humide et ronde et dialogue avec els yeux avec son ravisseur. Celui-ci dit qu'il l'amené pour son bien et le bien de l'enfant et lui donne du poisson grillé à manger. La femme s'habitue à sa captivité acceptée puisqu'elle peut vérifier que la porte n'est jamais fermée. L'ex soldat lui fait promettre de ne pas chercher à s'enfuir ce qui pourrait être dangereux pour elle. Il l'emmène au bord de la mer où il construit un frêle esquif en bois pour dit-il aller au-delà des mers une fois l'enfant né. Une autre fois près de la mer, ils trouvent le corps d'un migrant noyé
Un matin, la femme se perd dans la forêt ; elle rencontre un monolithe noir et juste derrière elle surgit un énorme serpent dont la langue fourchue vient effleurer le ventre avant qu'il disparaisse. Le soldat l'avait cherché tout le jour et la raccompagne à la lumière d'une torche dans leur maison humide. Plus tard alors que la femme souffre, il tente vainement de trouver un antidote pour soulager sa douleur
L'enfant naît. La femme n'a pas de lait mais l'homme a des seins desquels sort le lait pour l'enfant. La femme lui confit l'enfant.
Le matin le mari qui recherche vainement sa femme depuis six mois part pour une nouvelle expédition avec ses serviteurs désabusés. Ils trouvent l'enfant.
Un vrai film naturaliste, c'est à dire qu'après l'observation des milieux sociaux très différents du soldat puis de la femme bourgeoise, le film est emporté par les pulsions profondes d'un renouveau en accord avec la nature qui prend la forme d'un enfant à naitre et d'un bateau pour l'au-delà des mers.
Les symptômes du monde originaire ce sont la décharge à ciel ouvert dans le désert tunisien, les ordures qui se consument à Tunis et les deux plans-séquences extraordinaires. Le premier est le plan en drone sur Tunis. Il part du minaret, passe au-dessus des rues du périphérique, bifurque à 90° dans une rue où se consume un brasier. La musique entêtante et électrique du groupe "oiseaux-tempête" accompagne ce majestueux mouvement d'appareil au drone. Même long plan séquence cette fois plus dépouillé mais tout aussi musicalement entêtant lorsque l'homme parcourt la rue ensanglantée, marche parmi les tombes dévastées du cimetière et s'enfonce dans la forêt. Le plan travaille sur l’épuisement et la montée musicale semble pareillement ne jamais finir
Un parallèle fantastique s'établit entre la ville et la forêt. Le minaret vert c’est la tête du serpent, l’avenue est son corps et le feu c’est sa queue. Le sol trempé d'eau de la maison lui confère cette impression d’organicité, le sentiment de se trouver dans un ventre, avec sa forme arrondie.
Le monolithe vu dans le désert puis dans la forêt est une sorte de porte vers le fantastique ou un retour vers l'histoire primordiale : l’histoire des deux personnages, avec la pomme et le serpent rappelle bien entendu Adam et Ève. Mais il y a beaucoup de Kubrick dans le film. Le monolithe de 2001, le suicide du soldat qui rappelle Full Metal Jacket, les macros sur les yeux qui viennent d'Orange Mécanique
Jean-Luc Lacuve, le 4 mars 2020