Pauline, enceinte et abandonnée, accepte de donner son enfant à Anna, contre la promesse d'un passage dans la zone où elle pourra retrouver son fiancé. Mais elle ne peut se résoudre à abandonner son enfant. Anna demande alors à son frère de tuer Pauline, mais c'est l'assaillant qui meurt.
Olivier Père pour Arte : "Ce drame marque le retour au pays du cinéaste allemand Robert Siodmak qui avait poursuivi sa carrière en France puis aux Etats-Unis, poussé à l’exil par la montée du nazisme dans les années 30, à l’instar de Fritz Lang et d’autres personnalités du cinéma allemand d’avant-guerre. Au début des années 50 Siodmak abandonne Hollywood où il avait signé quelques classiques du film noir et rentre en Europe. Après un ratage anecdotique en France (Le Grand Jeu), Siodmak trouve en Allemagne un projet à la hauteur de ses ambitions et de son talent, produit par l’énergique Artur Brauner, l’un des principaux artisan de la reconstruction de l’industrie du cinéma allemand en totale déconfiture après 1945 – le même Brauner produira aussi les trois derniers films de Fritz Lang, Le Tigre du Bengale, Le Tombeau hindou et Le Diabolique docteur Mabuse.
Les Rats est l’adaptation d’une pièce célèbre de Gerhardt Hauptmann (1862-1946), figure du théâtre naturaliste. L’histoire de cette mère en détresse dépossédée de son bébé, dans les milieux du « lumpenproletariat » et de la petite bourgeoisie de la société berlinoise se pare d’accents mélodramatiques mais il s’agit surtout de décrire les conditions de vie et le désarroi existentiel des classes les plus défavorisées. Siodmak modernise la pièce – l’action est contemporaine de son tournage – mais ne s’affranchit pas totalement de l’esthétique et du propos de Hauptmann. Avec son premier film allemand depuis 1932 Siodmak voulait sans doute rendre compte de la crise morale traversée par l’Allemagne, les séquelles du nazisme sur la population – le personnage le plus vil des Rats est un ancien Waffen SS, on y fait allusion à la scission du pays – mais la version cinématographique des Rats se rapproche surtout du naturalisme de la fin du XIXème et du début du XXème siècle. On pense à Zola ou Döblin. Comme son titre l’indique, Les Rats nous plonge dans un univers sordide peuplé d’individus veules, tarés, marqués par une forme de prédestination sociale, prisonniers d’espaces étouffants et lugubres. Une conclusion soi-disant heureuse, qui tranche en apparence avec la noirceur terrible du film, ne fait qu’enferrer l’héroïne, rendue à moitié folle par une succession d’épreuves inhumaines, et l’abandonne dans son hystérie maternelle. Les Rats offre à Maria Schell, alors vedette de productions commerciales sentimentales, un rôle tragique de mère sans attache dépossédée de son nourrisson par une femme stérile. Son interprétation au bord du délire lui vaudra la reconnaissance critique, et la confinera par la suite aux personnages de victimes et de femmes accablées par le malheur (Gervaise de René Clément, Nuits Blanches de Luchino Visconti…)"
Olivier Père pour Arte