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Le concours

2016

Avec : Marc Nicolas, Alain Bergala, Emilie Deleuze, Olivier Ducastel, Laetitia Masson, Patricia Mazuy, les postulants au concours de la Femis 2014. 1h59.

Journée porte ouverte à la Femis dans les anciens studios Pathé à Montmartre, 6 rue Francoeur. Parents en étudiants se renseignent sur la difficulté du concours.

C'est le jour du concours dans un amphithéâtre de l'Université de Nanterre. Les aspirants cinéastes déposent l'enveloppe qui contient leur dossier personnel d'enquête et émargent pour passer l'épreuve d'analyse de film. Ils sont 1100 serrés dans l'amphithéâtre. La lumière s'éteint et leur est projeté un extrait de Shokuzai - Celles qui voulaient se souvenir (Kiyoshi Kurosawa, 2012), une partie de l'épisode un, Poupée de France. Certains sortent avant les trois heures qui leur sont attribuées. D'autres continuent d'écrire avec la torche de leur smartphone lorsque l'amphi est plongé dans le noir.

Alain Bergala explique à la centaine de correcteurs, tous des professionnels (exploitants, distributeurs, producteurs, intervenants dans les dispositifs scolaires...) qu'il leur appartient de juger les étudiants qu'ils devront ensuite former. La délibération s'avère compliquée pour les candidats dont l'écart est grand entre le dossier d'enquête personnelle remis et l'analyse de film.

C'est l'épreuve pratique. Pour le département décoration, une jeune fille montre ses dessins pour un film se passant en Inde : de beaux plans d'ensemble mais peu d'attention aux matières. Pour le département scénario, il s'agit de partir de quelques phrases, d'inventer un début de scenario et, surtout, de savoir le défendre devant les trois membres du jury. Un premier candidat parle d'un couple de touristes qui s'avère être un couple de terroristes. Le jury trouve cela trop extraordinaire avant que le candidat ne leur révèle qu'il s'agit d'une histoire vraie dans laquelle il a été impliqué. Du coup, cala leur semble trop préparé, sans rapport réel avec la phrase censée initier le scénario. Une jeune fille part de la phrase: "Pour les photos, on a tout notre temps" et s'en tire mieux en parlant des relations entre une fille et son père dont elle a l'impression qu'il la délaisse. Un autre candidat réussit à placer la phrase "Moi aussi, je suis un cheval" mais sans maintenir la force surréaliste de cette déclaration. Enfin, une autre candidate s'emmêle les pinceaux dans une histoire trop compliquée d'enfants demi-frères et de remariage; ce qui fait rire le jury qui a pourtant tout fait pour tenter d'y croire.

Pour le département réalisation, c'est souvent compliqué d'installer les lumières et les acteurs pour les trois plans qui doivent être réalisés. Un étudiant qui se serait pris pour un futur Bresson fait l'objet d'une discussion controversée. Une autre, fille de diplomate africain en exil, incapable de citer un film vu dans l'année, est éliminée.

Pour le département exploitation-distribution, on demande à une jeune fille si elle préfère être responsable de l'économie du cinéma ou de la seule partie programmation. Son choix modeste de la deuxième solution ne convainc pas. Une autre, emportée par son admiration pour Les demoiselles de Rochefort et son envie de faire partager son amour du cinéma avec le public, convainc davantage.

C'est l'épreuve ultime du grand oral où le candidat a 30 minutes pour convaincre le jury présidé par Olivier Ducastel. Pour la réalisation, un étudiant d'origine italienne, conscient que le monde d'aujourd'hui se manifeste par la surface des choses n'en exige pas moins une réalisation qui parviendra à en révéler la profondeur ainsi qu'il a pu s'en convaincre lors d'une discussion avec des pécheurs siciliens. Un candidat à la production parle de son engagement auprès des élèves réalisateurs qui souhaiteraient faire des courts-métrages tout en regrettant leur peu de motivation. Lui-même, barman pour payer son matériel, s'implique totalement... ce qui rebute certains membres du jury et enthousiasme d'autres.

C'est le jour des résultats avec déceptions et joie pour celle qui a réussi.

C'est la rentrée, photo de groupe et photos individuelles où l'on retrouve nombre de ceux que l'on a vu passer le concours.

Il est rare de voir une école d'art accepter de se soumettre à un tel exercice de transparence. Si on aurait aimé voir d'un peu plus près la performance critique ou celle de la réalisation lors des épreuves une et deux, il est fort à parier pourtant que cela ne nous aurait pas entrainé à d'autres conclusions que celles adoptées par le jury (voir ici les détails).

Le film est en effet un témoignage de l'extrême sérieux, de la grande implication des membres du jury pour trouver ceux qui pourront leur succéder un jour. Nul arrogance, rancœur envers ceux qui prendront un jour leur place mais le souci de ne pas passer à côté du créateur de demain, de celle ou celui que l'école pourra aider à progresser dans son désir de cinéma.

Le jury tente d'éviter de ne sélectionner que les étudiants classiques avec un bac+2 en poche qui cherchent un diplôme qui les préservera du chômage. Ainsi la jeune fille qui a le malheur d'être trop modeste se voit-elle éjectée au profit d'une autre, pourtant sans expérience, qui a gardé ses rêves intacts. L'autre écueil consisterait à ne sectionner que des personnalités hors du commun qui ne s'intégreraient pas à la formation dispensée par l'école. Pourtant, le jeune italien ou le barman producteur, les personnalités les plus saillantes (et séduisantes) seront finalement admis... mais pas le réalisateur illuminé par sa vision d'une terre transformée en planète Mars où tout est possible... sous l'effet d'un coucher de soleil.

Claire Simon accepte la dramaturgie simple du concours avec ses épreuves, ses angoisses (les appels des candidats au téléphone pour connaitre leurs résultats, souvent négatifs ou exceptionnellement positif comme pour la jeune fille du Sud) et surtout les interrogations des membres du jury. Ils sont conscients de participer à la reproduction des élites et qu'il leur faut composer avec la diversité sociale attendue par les normes contemporaines.

En adoptant ce simple point de vue de l'épreuve du concours, Claire Simon nous offre la possibilité d'être nous-mêmes face à ces jeunes gens aspirant au rêve de cinéma. Difficile de trouver un moment où nous aurions l'impression de faire mieux que le jury. L'institution de la FEMIS n'est sans doute pas parfaite mais, dans son désir de recruter des jeunes gens à Bac+2, difficile de trouver plus stimulant. Le film se termine par la photo de classe de rentrée : le plus difficile reste à faire.

Jean-Luc Lacuve, le 12/02/2017.

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