Après s'être insinué par ruse, dans la limousine de son idole Jerry Langford, le meneur de jeu d'un talk-show télévisé, le comique en herbe Ruppert Pupkin s'imagine que Langford veut qu'il passe dans son émission et commence même à fantasmer qu'il remplace Langford. Perpétuellement repoussé par l'équipe de Langford, Pupkin imagine avec une autre fan un peu dérangée, Masha, de kidnapper Langford. Le plan réussit et Pupkin gagne l'occasion de faire son numéro à la télévision. Après une assez courte période d'emprisonnement, Pupkin semble avoir réussi à devenir une grande personnalité télévisuelle.
Après le succès de Raging Bull, Martin Scorsese surprend en réalisant une critique acerbe de la médiatisation et de ses dérives psychotiques. Le cinéaste retrouve son acteur fétiche, Robert De Niro, qui campe un personnage halluciné et imprévisible, aussi drôle qu’inquiétant. Tout comme Travis Bickle, le protagoniste de Taxi Driver, Rupert Pupkin prépare son coup d’éclat : peu importe la manière, il doit passer à la télévision ! Face à lui, le génial Jerry Lewis incarne un grand professionnel du rire, célébrité sympathique aux yeux du public mais odieux misanthrope en privé. Plus qu'une comédie, le film est un portrait troublant du fan-system et de ces individus rendus fous par la gloire éphémère des autres.
"Après Raging Bull, je suis redevenu nerveux. Pour moi, ce film était un film de kamikaze : j'y avais tout mis et je pensais que ce serait mon dernier film. Je pensais partir tourner des films documentaires à Rome sur la vie des saints; j'avais appris des choses nouvelles à leur propos. Je pensais me reconvertir dans le documentaire. J'étais encore un peu insatisfait. J'aimais Raging Bull, et j'avais encore en moi l'énergie que j'avais mise dans ce film sans vraiment savoir ce que j'allais en faire.
Alors Bob a fait de nouveau son apparition en me proposant La valse des pantins. Il m'a dit : "C’est un film que tu pourrais tourner à New York, très rapidement. Tu ferais ce que tu veux." J'y ai réfléchi. Puis j'ai eu l’idée de Jerry Lewis, que j'ai rencontré à Las Vegas et à Los Angeles. Ensuite, j'ai choisi Sandra Bernhard. J'étais encore un peu affaibli par Raging Bull. J'avais une pneumonie, que j'ai guérie pendant un séjour à Rome. (...)
Bob m'avait donné le scénario dix ans auparavant et je n'avais alors pas bien compris le sujet, mais dix ans plus tard, je saisissais mieux les personnages de Jerry et de Rupert à cause de ce que j’avais vécu entre-temps. Lui avait senti ces choses dès le départ parce qu'il était déjà une star. Le film est, je pense, plutôt réussi. Principalement grâce aux acteurs qui sont merveilleux. Je voulais faire deux choses : tourner aussi vite que possible, et surtout réduire mon style à quelque chose de très retenu, avec des plans très simples dans leur composition qui donneraient l’impression que les personnages y sont comme enfermés. Créer une tension.
À cette époque, j'étais assez perplexe face à une certaine tendance visuelle dans le cinéma. Certains critiques parlaient de films en disant : "On pourrait en prendre un plan et l'accrocher au mur comme un tableau." J’ai pensé à certains vieux films, qui ont un éclairage assez plat, des plans simples et qui pourtant sont très puissants et émouvants. Les films d'Ozu par exemple. Je ne voulais pas imposer au public des effets techniques. Le sujet permettait ce parti pris parce que c’était une comédie de mœurs. Je voulais que les plans ressemblent à de la télévision. Michael Chapman, qui n'a pas fait l'image du film, m'avait dit que ce serait impossible parce que j’avais un œil trop sophistiqué. C’est peut-être vrai, mais j'ai tenté quelque chose d'autre sur ce film. (...) Je voulais me discipliner et devenir vraiment un réalisateur. Je ne dis pas ça par fausse modestie. Je voulais me sentir capable de mettre en scène des sujets qui n'étaient pas les miens, et voir jusqu’où je pouvais me les approprier" (paru dans Les Cahiers du cinéma n°500 - mars 1996).