Un voyage depuis les rives du fleuve Niger au Mali jusqu'au champs de coton et arrière-salles bricolées du delta du Mississippi afin de retracer les origines du blues.
Documentaire mal fagoté et terriblement soporifique. Son seul mérite est de nous donner à voir et à entendre quelques jolies archives de prestations de grands bluesmen du passé. Pour le reste, notre italo-américain préféré nous sert un ouvrage indigne de son talent pourtant immense. Comme l'indique le titre français du documentaire (mais dans un ordre inversé !), il s'agissait en une heure et quart de nous faire remonter aux origines du blues (musique typiquement noire-américaine) et de montrer en quoi la parenté africaine était absolument évidente.
Las ! L'exercice tombe dans l'approximation et le fouillis qui en résulte n'est pas pour retenir l'attention Si, pour les besoins de la démonstration, il ne paraissait pas illégitime de cantonner le blues à sa branche rurale du Delta, Scorsese décide pourtant de nous embarquer subitement, mais très brièvement et sans donner de suite, vers Détroit, son blues urbain né de l'exode rural des Noirs et John Lee Hooker. Probablement dans un souci d'honnêteté intellectuelle (plutôt que d'exhaustivité), mais qui ne s'imposait pas et tend plutôt à desservir son propos. Ce détour s'intègre donc mal à la démarche d'ensemble. Ce n'est qu'un détail, mais assez révélateur de l'impression de désordre qui flotte
Scorsese peine en fait à atteindre son objectif et à nous apporter la preuve de la filiation entre musique traditionnelle africaine et blues américain. Il utilise comme artifice un vieil homme américain, joueur d'une flûte un peu particulière et dont la musique est effectivement proche des rythmes africains (Scorsese n'hésite pas à nous emmener au Mali afin d'essayer de nous convaincre). L'ennui, c'est qu'on ne voit pas en quoi ce brave homme est un bluesman ! Alors que la démonstration serait autrement convaincante si elle était menée par un musicologue, ici Scorsese se contente d'accumuler les poncifs (le blues est la musique cathartique des misérables Noirs ramasseurs de coton, elle est la trace de la culture de leurs ancêtres, esclaves déracinés, ), recueillis auprès de bluesmen et de grandes figures de la musique africaine actuelle (Ali Farka Touré et Salif Keita), sans apporter d'éléments concrets à l'appui.
Au final, il flotte sur ce documentaire comme un air de bâclé, assez désagréable ! Dommage, car le jeune bluesman Corey Harris, qui fait office de "guide de voyage", dégage beaucoup de sympathie.
Finalement, on aurait largement préféré que Scorsese mette au cur de son projet celui grâce auquel subsiste tous ces documents d'archive, Alan Lomax (un homme qui s'était donné mission dès les années 30 d'arpenter les USA, puis le monde, et de faire des enregistrements des musiques qu'il découvrirait au cours de son périple pluridécennal afin que ce patrimoine ne s'évapore pas dans les brumes du temps qui passe) !
Jean-Benoît Massif le 11/05/2004