1971. Les surs du monastère de l'Adoration mènent une vie tranquille, sur les pentes du sud de la Sierra Madre dans la province montagneuse de Rizal à une vingtaine de kilomètres de Manille. Seuls les journaux informent la mère supérieure, Ruth, des manifestations de la capitale contre la dictature de Marcos qui veut instaurer la loi martiale et supprimer les droits de la défense. Ruth conduit les prières et les rituels quotidiens et se targue de maintenir les religieuses loin des vicissitudes du monde extérieur. La jeune sur Lourdes rejoint le monastère et se prépare à une vie cloîtrée. Remy, une nonne converse, en mesure de quitter le cloître de temps en temps de faire des courses pour les moniales, reçoit la visite de sa mère. C'est pour une mauvaise nouvelle, son frère, universitaire militant a été enlevé par la police et mis au secret depuis deux mois. Profondément troublé, Remy demande à Ruth un congé pour aider sa famille à chercher son frère. Mais Ruth refuse de prendre la responsabilité de l'exposer au danger. Elle l'astreint à la prière. Remy se procure une radio et profite des courses pour se joindre aux réunions clandestines des parents de disparus. Remy gagne Lourdes à sa cause et l'entraine à ces réunions en ville lors de leurs courses pour le monastère.
Un après-midi, la réunion en ville de Lourdes et de Rémy se termine très tard. Sur le chemin du retour, au fond des bois menant au monastère, elles sont victimes de violence. Remy est frappées et Lourdes victime d'un viol collectif. Remy reprend conscience et demande à voir Lourdes ce que Ruth lui refuse l'estimant responsable. Lourdes se révèle bientôt enceinte et Ruth, suivant les consignes de l'évêque, refuse qu'elle avorte. Remy ne parvient bientôt plus à faire les taches les plus quotidiennes. Elle se réconcilie avec Lourdes avant de partir. Celle-ci a fini par accepter son enfant ayant sentie vibrer en elle sa responsabilité de mère. Mais les deux nonnes ne se reverront jamais, Lourdes meurt en donnant naissance à l'enfant. Ruth et Vera ploient sous le poids du remords : la nuit où Lourdes fut violée, elles étaient restées cachées sans intervenir.
Le film s'ouvre sur la citation d'Antonio Gramsci : "L'ancien monde a déjà disparu, le nouveau monde n'est pas encore là, et dans cet entre-deux les monstres apparaissent" qui se trouve ainsi déplacée du contexte des années 20 à la dictature de Marcos dans les Philippines des années 70. C'est donc dans cette petite communauté qu'il va s'agir de saisir les symptômes du pourrissement liés aux difficultés de la naissance du nouveau monde de la démocratie.
La mise en scène très soignée fait toujours davantage sens qu'elle ne fait signe. En d'autres termes, elle ne dépasse jamais son sujet métaphorique pour donner un peu de vie à ses personnages ou à les sortir du cadre politique dont ils doivent rendre compte. On notera ainsi le vent dans les rideaux légers remplacé par les lourdes tentures, le contraste entre le joli jardin et la jungle. La mort de l'enfant est vengée peut-être par le dernier plan où toutes les surs s'en vont écouter la radio qui donne des nouvelles du monde extérieure. Celles-ci sont certes mauvaises, Marcos a imposé sa dictature mais le savoir vaut mieux que l'ignorance que leur imposait Ruth avec les journaux brulés.
On regrettera par ailleurs la construction en flashes-back espacés pour reconstituer la lâche attitude des surs qui n'ont pas tenté de faire fuir les agresseurs de Lourdes. Cette ignominie particulière affaiblit le propos politique qui mettait en cause la collectivité pour rester sourde aux réalités du monde extérieur.
Vincent Sandoval
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