Fausto est un bel homme, dans la force de l'âge qui vit seul avec sa vieille tante à Turin. 7 ans auparavant, capitaine de cavalerie, il a perdu la vue et la main gauche en manipulant une bombe lors des grandes manoeuvres. Détestant l'uniforme, il dissimule son amertume sous une agressivité permanente...
"Le sexe, les cuisses, deux belles fesses : voilà la seule religion, la seule idée politique, la vraie patrie de lhomme". Tout semble résumé dans cette sentence prononcée par Fausto, condensé de jouissance blasphématoire,
"Parfum de femme nest pas une histoire de cécité, mais de solitude", déclarait lacteur, disparu en 2000. Une histoire de cécité, chez Risi, aurait été prétexte à cruauté, ou à des ressources burlesques fondées sur le handicap même (peut-être convient-il de rappeler, à cet égard, que la "comédie à litalienne" se situe aux antipodes du politically correct...). Ici, Vittorio Gassman quitte le registre exclusif du travestissement - univers que le comédien appréciait particulièrement, comme le montrent ses rôles irrésistibles dans Le Pigeon (Monicelli, 1958) ou dans Les Monstres (Risi, 1963), dans lesquels le déguisement est volontiers outré, avec nez grimé et moustache postiche.
Soulignant à peine son infirmité - compensée par un odorat surdéveloppé, quasi animal, qui lui permet de renifler à considérable distance tout individu femelle -, lacteur sen sert au contraire comme dune arme aiguisée pour provoquer, pour violenter, et surtout pour sempêcher daimer. Les réjouissantes scènes de rencontres, de la prostituée de Gênes aux jouvencelles de Naples, trouvent un contrepoint dramatique dans lamour impossible et absolu liant Fausto à la jeune Sara (Agostina Belli). Refusant dêtre aimé par pitié, Fausto se prive ainsi du seul amour qui lui permettrait de vivre sans sombrer.
Très ouvertement comique dans sa première partie, Parfum de Femme a une tonalité mélancolique plus poussée que dautres films de Risi, soutenue par la musique lancinante dArmando Trovajoli. Peut-être le moment de crise du personnage vieillissant correspond-elle, comme le suggère le réalisateur dans lune des interviews proposées en bonus, à un moment de crise du cinéma italien, et plus particulièrement de cette comédie à litalienne à laquelle il a, depuis 1951, donné ses plus belles oeuvres.