La petite vadrouille

Jocelyn, caché dans un sac poubelle, vole un pédalo de la base de loisir. Il est repéré par le propriétaire de La pénichette qui ne le dénoncera pas s'il accepte de conduire sa péniche à la fin du canal, sachant qu'il saura se débrouiller malgré la fermeture officielle du canal. Jocelyn consent pour 1000 euros, mal négociés avec un propriétaire intraitable.

Jocelyn dans son petit port personnel mal entretenu reçoit la visite de Caramel auquel il rappel sa dette de 100 €. Celui-ci va alors voir Sandra, barmaid chanteuse qui lui doit 500 €. Mais celle-ci a prêté cet argent à Rosine pour un voyage avec son fils. Elle ne peut guère la rembourser avec ses gains sur internet où, contre une modeste rétribution, elle tente de déstresser des clients avec un poster de Tahiti sur fond vert ou d'endormir les gens avec une spirale en mouvement.

Justine est la communicante d'une entreprise de travaux publics. A la fin du séminaire qu'elle a organisé, son patron lui demande de planifier un week-end de charme pour deux avec la femme dont il est tombé amoureux. Il lui verse 14 000 € en liquide en lui signalant de se garder une petite marge. Justine s'en ouvre à son mari, Albin, encore plus estomaqué des "14 000 boules". Il décide bien vite de trouver un voyage qui leur permettrait de se garder la plus grosse marge. Profitant du fait que Jocelyn doit convoyer La Pénichette, ils mettent au point une croisière romantique au rabais avec toute leur bande d'amis; chacun devant jouer le jeu pour un total de 7000 € promettent-ils. Jocelyn, bombardé capitaine, veut que son protégé, Ifus, joue le rôle du mousse ; Rosine sera la serveuse, Sandra confectionnera des spécialités locales aidé de Caramel qui fera, contre rétribution, passer les écluses.

Le matin du voyage une désagréable surprise attend Justine et Albin. La femme que veut séduire Frank est Justine. Au risque de tout perdre, Justine doit donc accepter la croisière et éviter de se laisser séduire par son chef au risque de déclencher la colère jalouse d’Albin.

Jocelyn, arrivé en retard, conduit La Pénichette lentement ce qui ne tarde pas à exaspérer Franck d'autant que le passage des écluses ralentit encore le bateau. Le déguisement approximatif de Caramel ne trompe guère Frank qui, bon grés mal grés, donne 50 euros à chaque passage d'écluse. Sandra extorque aussi de son coté Frank en proposant produits locaux qui ne sont que rillettes sur du pain et des peintures de Caramel vendues à un prix exorbitant.

L'arrêt pour le pique-nique est un moment de détente. Le mauvais vin saoule un peu Franck qui manifeste toujours sa bonne humeur, même quand Alban en précipite la fin, inquiet de la complicité qu'il voit naitre entre sa femme et son patron.

L'après-midi, La Pénichette est dépassée par un voilier avec à son bord des jeunes gens. Ils la recroisent un peu plus loin et s'inquiètent de voir l'une des jeunes femmes faire de la balançoire sous un pont. Elle contourne habillement l'obstacle et Ifus est fasciné par elle.

Le soir, Ifus rejoint le camp des jeunes pendant que Frank a confié à Albin qu’il espérait conclure après le diner. Frank sort en effet un jeu de backgammon et révèle à Justine qu'il est son meilleur adversaire sur internet et qu'il a percé à jour son identité sur ce jeu. Justine refuse néanmoins toute avance de Frank et va se coucher. Alban est néanmoins inquiet et veille toute la nuit. Frank le découvre endormi dans la cabine, éteint la lumière et remonte la couverture sur ses épaules. Au matin, Ifus part vers la mer avec les jeunes gens, au grand désespoir de Jocelyn. Alban entonne sa chanson d'amour et Frank révèle qu’il a tout compris mais s'apprête à savourer une dernière journée avec ses nouveaux amis.

La petite vadrouille est un film sciemment mineur où Podalydès voit s'éloigner son rêve de grands espaces et de légèreté qu'il réserve aux jeunes gens. Leur ayant permis de sortir de la vase, il s'en iront prendre le large vers l'Océannon sans leur avoir révélé leur mot d'ordre. Aérien est le numéro d'acrobate accompli par la jeune femme à la balançoire fixée à l'arche du pont qui évite l'obstacle du bateau en posant gracieusement les pieds sur son pont tout en maintenant ses mains aux cordes pour retrouver, le bateau passé, son balancement gracieux.

S'il est mineur,le film n'en est pas moins chaleureux alors que seuls de petits tracas semblaient présider à ce projet de croisière au rabais. Albin n'est caractérisé que par sa jalousie et sa stupéfaction devant les "14 000 boulles", espérant en soustraire la moitié sans en informer ses amis. Ceux-ci sont lestés par des dettes mutuelles entre eux et forment une chaîne de solidarité plutôt fragile, chacun s'empressant de glaner quelques petits profits supplémentaires. Le tout donnant lieu à des gags à répétitions : spécialités "locales" ou peintures d'animaux difficilement reconnaissables vendus à un prix exorbitant et QR codes fantaisistes.

Daniel Auteuil, nouveau venu dans la troupe et dont le personnage, patron usant de sa fortune pour séduire, est antipathique semble d'abord subir une forme de bizutage. C'est pourtant bien lui qui se révèle le plus fédérateur. Loin de sembler profiter de son employée, c'est de la joueuse de backgammon dont il est tombé amoureux. Et le soir, pour conclure, il lui sort littéralement le grand jeu. Il n'est pas ainsi le prédateur qu'il paraissait être ni le riche niais dont on se moque. Il a compris le jeu de ses nouveaux amis mais est bien décidé à profiter de la journée qui s'annonce jusqu'à entonner lui aussi le "Elle était si jolie" d'Alain Barrière. Podalydès accepte ce vaudeville avec le salut théâtral qui clôt le film. 

Jean-Luc Lacuve, le 27 juin 2021