Générique : A tour de rôle, les élèves infirmières procèdent à une séance de lavage des mains en sept phases dont le rinçage doigts levés sous le robinet d'eau.
1 - Que saisir sinon qui s’échappe. La séance de lavage de mains se poursuit avec l'utilisation du sha (solution hydro-alcoolique) pour éliminer les microbes des mains. Les élèves infirmières sont alors invitées par un infirmier formateur à vérifier que la sha a été passé partout. La boîte à infra-rouge révèle des parties ignorées pour certaines.
Les formateurs apprennent aux élèves à écouter le battement du cœur avec un tensiomètre, à remplir une seringue sans bulle d'air, à faire une piqûre à 90° en un seul coup sur les fesses d'un mannequin, à différencier piqûre musculaire et intraveineuse ; cours de pharmacologie, sur les règles et déontologie du métier. Que faire en cas d'accouchement d'urgence ? Comment déplacer un hémiplégique du lit au fauteuil ?
Dans les salles de cours désertées après la fermeture, les mannequins sont disponibles pour les cours du lendemain.
2 - Que voir sinon qui s’obscurcit. Une patiente se plaint de douleur thoracique, sa jambe présente une rougeur. Peut-on identifier son mal ? Une infirmière nettoie avec des compresses la plaie au genou d'un homme âgé. Un homme tatoué se plaint de douleurs et de picotements. Un patient redoute qu'on lui enlève les fils d'une plaie recousue... Surtout si l'infirmier est novice; Une patiente redoute l'anesthésie du lendemain et semble en savoir plus que l'infirmière sur son état de santé. Dans un jardin partagé un infirmier écoute avec empathie une vieille femme édentée s'assumant, selon son tee-shirt, comme 100 % folle.
Le vent agite la cime des arbres
3 - Que désirer sinon qui meurt, Sinon qui parle et se déchire ? Au retour des stages, chaque élève fait le point auprès d'un formateur. Une élève voudrait être affectée aux accouchements. Elle devra se contenter (ce qu'elle fait avec le sourire) de la gynécologie. Une infirmière pour gagner sa vie est aussi aide-soignante et gardienne d'immeuble le week-end. Une autre élève pleure en se souvenant d'une femme migrante ayant due se prostituer pour survivre et craignant d'avoir attrapé le sida. Une autre pleure d'avoir été rudoyée pour manque de technicité alors qu'elle faisait au mieux des compétences acquises. Un autre admet avoir essuyé une critique qui s'est révélée positive car elle l'a conduit à être plus actif vis-à-vis des patients. Il regrette de devoir abandonner ces patients à la fin de son stage. Une autre se réjouit de connaître l'arabe qui lui permet de servir de médiatrice entre patients et médecins. Une jeune martiniquaise à laquelle on a volé son ordinateur pleure devant le sacrifice de sa mère qui est venue la rejoindre pour l'aider. Une élève est contente d'avoir surmonté des difficultés d'intégration dans un service qui avaient bien failli la décourager.
Fenêtre ouverte sur la ville.
Nicolas Philibert, documentariste aguerri, explique dans le dossier de presse le choix de son sujet, du lieu de tournage, de sa méthode et de l'intérêt de filmer des jeunes gens en train d'apprendre. Chapitré avec des vers d'Yves Bonnefoy extraits de Du mouvement et de l’immobilité de Douve (Éditions Mercure de France, 1953), le documentaire dépasse néanmoins son sujet, par ailleurs réjouissant et d'utilité publique. Nicolas Philibert nous offre en effet ce qui manque tant à notre société : le lien avec notre jeunesse, dans son multiculturalisme, dans son éducation. Il ne cache néanmoins pas les difficultés économiques, le manque de moyens, les sous-effectifs, le stress, l’accroissement du nombre des tâches, les tensions qui pèsent sur tel ou tel service…
Pourquoi ? Qui ? Où ? Comment : Etre accepté, ne pas se cacher
Hospitalisé pour une embolie pulmonaire il y a quelques mois, Nicolas Philibert a souhaité rendre hommage à une profession qui l'a si bien pris en charge. Il choisit de filmer des infirmières (ici, les hommes sont largement minoritaires. C’est pourquoi Nicolas Philibert a choisi de faire une entorse à la règle et décidé de dire “elles” ou “les infirmières” quand bien même des hommes figurent parmi l’ensemble) admises au sein d’un « Institut de Formation en Soins Infirmiers ». Durant trois ans, elles vont partager leur temps entre cours théoriques, exercices pratiques et stages sur le terrain. Un parcours intense et difficile, au cours duquel elles devront acquérir un grand nombre de connaissances, maîtriser de nombreux gestes techniques et se préparer à endosser de lourdes responsabilités.
Les situations d’apprentissage ont ceci de particulier qu’elles permettent de filmer les soubassements, de mettre en lumière ce que le temps et l’expérience finissent par rendre imperceptible. Lorsqu'une infirmière exécute un soin ordinaire, une injection, une prise de sang, cela paraît assez simple et fluide. À moins d’être du métier, difficile d’imaginer tout ce qu’il y a en amont : les erreurs qu’elle a appris à éviter, les règles d’hygiène, les protocoles, les mille et un détails que la dextérité a progressivement effacés.
Nicolas Philibert voulait tourner à Paris ou dans la proche banlieue, de préférence pas trop loin de chez lui, pour ne pas perdre trop de temps dans les trajets. Il a ainsi visité six ou sept instituts de formation sur la soixantaine que compte la Région Île-de-France. Celui de la Pitié-Salpêtrière compte près de 1000 étudiants ce qui rendait difficile la liaison entre le collectif et l'individuel. L’équipe de la Croix-Saint-Simon, à Montreuil, s’est vite montrée partie prenante. C'est un établissement “à taille humaine” : ils ne sont “que” 90 élèves par promotion. Comme les études durent trois ans, cela fait tout de même 270 élèves sur l’ensemble de la filière. L’institut de la Croix Saint-Simon est un établissement privé “reconnu d’utilité publique”. Privé ne veut pas dire que les élèves viennent d’un milieu aisé. À l’image du bassin de population dans lequel il est situé, la plupart d’entre eux sont d’un milieu modeste, et c’est la Région Île-de-France ainsi que divers organismes de formation professionnelle qui prennent en charge leurs frais de scolarité. Par ailleurs, c’est un établissement laïc. Son nom s’explique par le fait qu’au moment de sa création, la fondation dont il dépend était implantée rue de la Croix Saint-Simon, dans le 20è arrondissement de Paris.
Philibert ne se cache pas au sein du groupe ou lors des entretiens auxquels il assiste. Il cherche non à se rendre invisible mais à se faire accepter. Il entretient parfois une relation complice avec le patient qui soit jette un regard à la caméra soit semble faire part de son inquiétude. L'élève est ainsi soumis au regard du patient (qui s'inquiète dès qu'il craint un soupçon d'incompétence) de son responsable et de la caméra. Sur la soixantaine d’entretiens réalisés par Philibert pour la troisième partie, il n'en a gardé que treize. Pour que les élèves ne se sentent pas piégés, il s'engageait à quitter la pièce avant la fin de l’entretien, de sorte qu’ils puissent avoir un espace de parole sans témoin. S’ils voulaient aborder quelque chose de très personnel, évoquer un dysfonctionnement, des cas de maltraitance, une injustice, l’hostilité d’un cadre de santé… ils pouvaient le faire après le départ du réalisateur. II ne fallait pas que leur parole les pénalise se retourne contre eux.
Un documentaire d'utilité publique
La grande mixité culturelle et sociale des élèves a également joué Chaque année, elles sont des dizaines de milliers à se lancer dans les études qui leur permettront de devenir infirmières
Le métier d’infirmier est difficile, éreintant, mal rémunéré, souvent déconsidéré au sein de la hiérarchie hospitalière, et pourtant il demeure attractif, et jouit d’une excellente image dans l’opinion. Au point que cette image un peu idéalisée est souvent à l’origine de la décision de devenir infirmier. Pour Philibert donner à entendre la parole de ces futurs soignants, qui sont voués à rester dans l’ombre, montrer leur détermination, leur dignité, mais aussi leurs craintes, leurs doutes, leurs fragilités, est en soi une démarche politique. Les efforts, les sacrifices que beaucoup d’entre eux doivent faire pour mener leurs études - tout en travaillant à côté - sont très perceptibles dans le film. Par ailleurs, les entretiens qu’ils ont avec leurs “référents” nous donnent à entendre de nombreux aspects de la relation soignant-soigné, relation par définition asymétrique, dans laquelle la dimension du pouvoir, loin d’être anecdotique, se doit d’être travaillée pour être contenue
En ces temps de repli identitaire, il n'était pas indifférent pour Philibert de filmer une jeunesse prête à s’engager sur la voie d’un métier tourné vers les autres: "Nous prenons fait et cause pour eux, nous pouvons nous identifier. Et puis filmer l’apprentissage c’est aussi filmer le désir. Désir d’apprendre, de s’élever. Désir de passer son diplôme, de s’insérer dans la société, de se rendre utile. C'est ce désir qu'ils nous transmettent".
Source : dossier de presse.