C'est le début du 7/9 sur France Inter et, dans toutes les stations de Radio-France, hommes et femmes sont au micro.
Générique : la maison de la radio, un cercle blanc de 500 mètres de circonférence, construit en 1963 avenue du Président-Kennedy, domine la Seine à la hauteur du pont de Grenelle.
Dans le bureau d'une journaliste expérimentée, un stagiaire se voit reprocher son impressionnisme dans la rédaction d'un flash. Un dénommé Jésus pousse le chariot portant café et jus d'orange.
Marie-Claude Rabot-Pinson, rédactrice en chef du "bocal" trie les infos insolites qui seront reprises sur les antennes : des millions de sardines ou d'anchois morts dans un port, un noyé dans la Deûle, un homme, coupé en deux, abattu d'une balle dans le dos. Un grand reporter ne va pas pouvoir s'envoler d'Orly car son aéroport de destination est bloqué. Les musiciens de radio-France répètent.
Edgar Morin est invité sur France-Culture. Dans une salle des fêtes en province, deux candidats répondent au Jeu des 1000 euros. Fréderic Lodéon est noyé sous une pile de disques. C'est le tour de France. Des voitures au logo de Radio France sont réparées dans le garage.
Laissé seul devant un micro par Rebecca Manzoni, Jean Bernard Pouy épluche ses patates et en fait l'apologie pour les métaphores qu'elle permet (gratin, purée...) et la culture de la frite à laquelle les belges doivent tout.
Umberto Eco est l'invité de François Bunel. Philippe Collin et Xavier Mauduit hochent la tête avec un large sourire. Pochon interview un curieux docteur en quête d'orages. Philippe Vandel enregistre seul sa chronique.
Les travaux perturbent l'enregistrement de la pièce radiophonique de Marguerite Gateau et Eric Caravaca et l'orchestre de radio-France. Maïa Vidal chante The Alphabet of my Phobias.
Au Téléphone sonne, Alain Bedouet a du mal à passer le micro. La météo marine. Un chasseur de son s'enfonce dans la forêt et attend la nuit pour capter le bruit des animaux.
Dans Du jour au lendemain, Alain Veinstein pose son regard doucement scrutateur sur une jeune écrivain, Bénédicte Heim, qui l'écoute et répond à sa question sur son expérience de professeur d'une classe de collège exceptionnelle. L'atelier du son est consacré à un drôle de musicien jouant avec un instrument bricolé avec des élastiques etde sobjets de réupération.
Sur Radio-bleu, les auditeurs dédicacent des chansons pour leurs proches. Presque tous les bureaux sont vides. A 3h30, les journalistes préparent leurs interventions.
Le jour se lève. Il est 7 heures. C'est le début du 7/9 sur France Inter.
Progressant par tranches horaires, sautant d'une station et d'un programme à l'autre, le film se déploie autour d'une journée et d'une courte nuit recomposées où sont agrégées les séquences de six mois de tournage. L'impression de plénitude donnée par cette journée fictive dans la maison ronde n'est pas due à la résolution d'un grand problème syndical, ou d'actualité. Elle est due à ce qu'ici on ausculte le monde avec bienveillance, qu'ici les invités sont accueillis avec chaleur. Ici le son et l'écoute son roi et reine : c'est ce qui motive tous ces professionnels de la radio.
Trouver des personnages pour incarner l'écoute
Il n'y a pas trace de conflits sociaux ou entre journalistes. L'actualité est à peine entrevue : le printemps arabe et Fukushima sont évoqués, l'affaire DSK ignorée. Tous se savent sous l'il de la caméra et se montrent sous leur meilleur jour, celui de leur activité de professionnels exigeants. Il n'y a ici pas de portraits des animateurs ou des émissions "vedettes", encore moins des directeurs des différentes chaînes.
Le nom des intervenants ne s'inscrit pas lors de leur apparition à l'image au risque de frustrer le spectateur qui aurait, peut-être, aimé voir sa radio préférée, transformée en télévision. Les journalistes sont filmés en gros plan, souvent en plan très rapprochés, sans apprêt ni maquillage, un casque ingrat sur les oreilles. C'est leur voix que l'on retiendra. Philibert transforme toutefois certains intervenants, Marie-Claude Rabot-Pinson et Marguerite Gateau, en réels personnages, en les faisant revenir régulièrement.
Il y a là une ruche de talents et d'activités, un service public de la qualité et de l'exigence dont le film prend acte... Comme le dit le réalisateur lors de ses interviews, pourvu que ça dure.
Michelle Delalix le 12/04/2013.