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Averroès & Rosa Parks

2024

Genre : Documentaire
Thème : Psychiatrie

Avec : le personnel et les patients d'Averroès et Rosa Parks, deux unités de l’hôpital Esquirol. 2h23.

Un drone survole l’ensemble hospitalier Esquirol, et un soignant en montre les images à quelques patients. Ils commentent une architecture rectiligne qui fait penser à une prison ou un lycée et essaient de repérer la verrière de la “buvette” où ils se trouvent.

Un psychiatre et une assistante sociale proposent à un patient de rencontrer les responsables d'une structure qui lui permettra à sa sortie de l'hôpital de vivre dans une colocation où il aura une chambre pour lui et une cuisine et un salon en espace partagé. L'homme, pour qui la bienveillance est une grande qualité, s’inquiète de la possibilité d'accorder sa pratique religieuse, le judaïsme, et le respect de la laïcité. Il n'est pas certain d'être autonome pour prendre ses médicaments; il lui est conseillé de continuer à visiter l’Adamant afin de maintenir un lien social et peut être d'organiser une visite, à laquelle il tient, au musée de la Shoah.

Olivier s'obstine à croire qu'il a trois filles dont il doit s'occuper même si elles sont élevées, vu sa situation dans trois familles différentes. Il est content d' être là car il a retrouvé son père et son grand-père. La psychiatre ne peut lui faire admettre que dans de brefs instants de lucidité que "ses" filles sont ses nièces et que ceux qu'il prend pour son père et son grand-père sont des soignants de l'hôpital.

Une jeune fille blonde trouve le temps long à l'hôpital mais sait aussi qu'elle doit convaincre les soignants que sa crise suicidaire est passée. Un homme se désespère de sa "gueule de méchant" qui nuise à sa sociabilité alors qu'il est foncièrement gentil. Un autre homme bourré de tics mais comme absent, accepte d'être bientôt logé en famille d'accueil.

Une adolescente au crâne rasé se remet d’une tentative de suicide médicamenteuse au doliprane. Après trois ans de dépression, elle espère être admise dans une prépa pour une école des beaux-arts. Pour l'examen, elle travaille sur sa dépression. Elle craint de faire peur au jury avec son histoire mais une artiste se doit d'être honnête.

Un homme la cinquantaine depuis trente ans au chômage sait qu’il a mal agit et aimerait se racheter aux yeux de la société et de sa famille en trouvant un travail afin de payer des impôts.

Un agrégé de philosophie a fait un burn-out tant il a de projets en tête et notamment de rénover l’ensemble du système éducatif mondial laissant libre cours à la passion du questionnement en s'appuyant sur tout ce qu'il a lu : Nietzsche, Deleuze, Krishna, Steve Jobs.

François, à la parole toujours rapide, scandée explique à la jeune interne de garde qu'il avait vocation à devenir footballeur professionnel, mais que ses parents, bien que pensant toujours à changer le monde, l'en avaient empêché. Un jour, il était monté chez un ami et avait trouvé un vélo dans son appartement. Pris d'une impulsion subite, il avait balancé le vélo du balcon, heureusement sans blesser quiconque. Les parents de l’ami en avaient averti les seins et il avait fait un premier séjour de six mois en hôpital psychiatrique. Ensuite les médicaments l'avaient empêché de poursuivre ses espoirs d'être footballeur professionnel. Il est revenu à l'hôpital car il ne pouvait rester dans sa famille d'accueil car le mari voulait le convertir à l'islam ce que, rétif à toute religion, il ne pouvait supporter.

Le psychiatre tente vainement de rassurer une vieille femme atteinte, depuis la mort de sa sœur, d’un délire de persécution aigu. Elle préfère une chambre double afin que la femme marocaine qui la partage soit témoin des sévices que lui fait subir sa terrible terreur maléfique. Elle insulte le psychiatre qui tente une nouvelle fois de la rassurer. Ce dont elle a besoin c'est d’un câlin, d'être pris dans des bras. Le psychiatre ne franchit pas le pas. Plus tard, alors que son visage a subi des brûlures suite à un dessin qu'elle a enflammé involontairement, elle continue de se plaindre des soignants trop longs à réagir mais finit par remercier le psychiatre de l’écouter et ne pas la laisser seule.

Olivier, en réunion avec sa famille et des soignants, ne souhaite pas partir un mois à Hendaye pour changer d'air car il s'obstine à vouloir s'occuper de "ses" filles et retrouver ici son père et son grand-père.

Lors des rencontres « soignants-soignés », les patients invectivent souvent l’équipe médicale, se mette à tempêter contre trop de discours sur la psychiatrie et le manque d’activités, de trop de médicaments, de dossiers pas à jour lorsque l'une réclame de la ventoline pour son asthme, du manque surtout d'affections et de sentiments qu'ils reçoivent.

Après une première approche du sujet dans La moindre des choses, en 1996, Nicolas offre le second volet de son triptyque sur la psychiatrie débuté avec Sur l’Adamant (2023) et qui se poursuivra avec La machine à écrire et autres sources de tracas (avril 2024).

Averroès et Rosa Parks est le nom de deux unités de l’hôpital Esquirol, à Saint-Maurice (Val-de-Marne) qui relèvent - comme l’Adamant - du Pôle psychiatrique Paris-Centre. Elles se partagent un même bâtiment autour d’un patio arboré. Comme l'indique le plan final, Averroès est au rez-de-chaussée, Rosa Parks à l’étage. Le plan commenté avec un drone au début souligne une architecture rectiligne qui fait penser à une prison ou un lycée mais révèle aussi un patio avec une verrière avec un bel espace vert.

L'accent est mis sur les consultations, les entretiens individuels entre patients et soignants. Un axe laissé de côté sur l’Adamant qui filmait surtout la créativité à l'œuvre dans les ateliers. L’ambiance de l’hôpital est plus sévère, et les patients qui ont échoué là traversent un moment dans lequel ils sont plus vulnérables, plus chancelants. Deux des inoubliables patients déjà croisés de l’Adamant séjournent à Averroès : Olivier qui participait à l’atelier dessin et François qui ouvrait le film en chantant La Bombe humaine. Les psychiatres les font parler chacun du traumatisme dont ils ne peuvent se défaire. leur écoute, visage concentré, regard vissé sur le malade, permet de relancer leur discours désamorçant autant que faire se peut les montées d’angoisse ou de délire qui vient à un moment ou un autre faire dérailler l'entretien.

Renouer un lien avec le monde

Au delà de la bulle d'écoute, il s'agit de tenter de les faire rejoindre le monde commun soit avec un suivi médical apres une crise suicidaire, soit pour les cas chroniques une solution de colocation, de famille d'accueil ou brève vacances d'un mois à Hendaye pour changer d'air. Aux patients enfermés ou repliés dans leur traumatisme, les soigants tentente de les aider à tenir  un discours apaisé qui permet de s'exprimer et d'écouter l'autre, première étape d'une insertion dans le monde multipolaire et par bien des côtés angoissant qui est le notre. Les soignants essaient d’accompagner ceux qui souffrent et de forger avec eux les appuis qui pourront les aider à se relever et se réinsérer dans le tissu social. Pour d'autres, il s'agit ne serait-ce que d'apaiser la souffrance.

Fidèle à sa méthode, proche de celle de Wiseman, Nicolas Philibert tente de donner le meilleur aspect d'eux-mêmse aux soigants et aux patients avec une équipe réduite à deux caméras, un micro sur pied, un autre au bout de la perche. Du quotient de cet hôpital, Nicolas Philibert ne montre pas tout. Si l'hôpital semble bénéficier de locaux corrects, le surmenage des soignants est évoqué plusieurs fois. La vie nocturne reste hors-champ, de même que le rôle des infirmiers. Les cris terrifiants qui se font entendre deux fois, interrompant même l'entretien avec la jeune fille artiste, laissent entrevoir une réalité bien plus noire.

Jean-Luc Lacuve, le 6 avril 2024

Source : dossier de presse.

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