La loi de la jungle

2016

Avec : Vincent Macaigne (Marc Châtaigne),Vimala Pons (Tarzan), Pascal Légitimus (Duplex), Mathieu Amalric (Galgaric), Fred Tousch (Friquelin), Rodolphe Pauly (Damien), Jean-Luc Bideau (Rosio). 1h39.

Marc Châtaigne, stagiaire au Ministère de la Norme, est envoyé en Guyane pour la mise aux normes européennes du chantier Guyaneige : première piste de ski indoor d’Amazonie pour relancer le tourisme en Guyane. Dans l'avion il fait la connaissance de Damien, un consultant qui doit vendre l'idée d'un TGV et qui se fait fort de manger tout crus les indigènes qui lui résisteront. Arrivé sur place, marc subit la pression de Galgaric et de son adjoint, Duplex, pour certifier au plus vite un chantier encore inexistant. Comme marc n'a pas de voiture on lui affuble un coéquipier, Tarzan, qui s'avère être une jeune femme, également stagiaire, et passablement énervée de son inutilité.  Leur voiture arrêtée par des rebelles, Marc et Tarzan s'enfoncent dans la jungle où ils rencontrent animaux poétique et dangereux, et hurluberlus de toutes sortes.

Pendant ce temps Rosio visitent des fonds de pension au Canada et en Chine pour obtenir des fonds. Après avoir résistés, un peu, à un puissant aphrodisiaque, s'être battus dans une taverne et affrontés les mangeurs de cervelle, Marc et Tarzan sont retrouvés par Friquelin, l'huissier, et sauvés par Duplex. L'inauguration du chantier peut avoir lieu. A Paris, le successeur de Rosio refuse de valider le stage tant que Marc n'aura pas réglé ses problèmes avec l'huissier... sauf s'il part normaliser une jungle à Saint Pierre et Miquelon. Marc désabusé préfère retourner en Guyane où il échappe au monde normalisé en s'enfonçant dans la jungle avec  sa belle Tarzan.

Humphrey Bogart et Katherine Hepburn dans African Queen (John Huston, 1951) Jean-Paul Belmondo et Sophie Dorleac dans L'homme de Rio (De Broca, 1964) , Yves Montand et Catherine Deneuve dans Le Sauvage (Rapennau, 1975) ou Michael Douglas et Kathleen Turner dans A la poursuite du diamant vert (Zemeckis, 1984) offrent des couples mythiques de la comédie d'aventures sur fond de comédie sentimentale. Avec la sexy et décidée Vimala Pons et le fragile, lent et maladroit Vincent Macaigne, on reste dans la comédie d'aventures. La femme cependant, loin de se cantonner au rôle secondaire d’empêcheuse de tourner en rond, a pris le pouvoir. Les sentiments éclosent avec moins d’évidence car l’attraction mutuelle devra se gagner sexuellement et politiquement donnant à cette comédie une tonalité burlesque de féroce farce politique que n'avaient pas ses illustres devancières.

Un burlesque politique

Faute de trouver des solutions pour une jeunesse exploitée par des adultes incompétents et désabusés, la comédie prend le partie d'en rire tant le désespoir est sans appel. Les drapeaux sont remplacés par les logos, l'État par les multinationales. La tournée des fonds de pension, qui craignaient une envolée de la masse salariale, se conclut par cette affirmation joyeuse de Rosio : "Guyaneige ne créera aucun emploi !". Les jeunes, et probablement compétentes stagiaires, sont employées pour leur seul physique autour de Rosio. Les missions sont improbables (la jungle au Groenland, la neige en Guyane), et les réalisations absurdes comme le pont entre la Guyane et le Brésil, la statue géante de Marianne lâchée en pleine jungle, la partie commerciale de Guyaneige en avance sur la piste de ski elle-même. Le climat est tellement humide que tout moisit. Les vieilles maisons coloniales, construites en bois, résistaient mieux à l’humidité, mais la norme européenne, en uniformisant les constructions, a donné lieu aux aberrations de constructions en placoplatre qui s’effondrent au premier coup.

Burlesque sentimental et sexuel

L’utilisation burlesque et poétique des animaux commence avec le gag à répétition de la prolifération des mygales dans le lit de l’hôtel et sur le terrain de golf. Durant le film, on assiste à la réapparition burlesque, à intervalles réguliers des serpents (serpent sortant du lavabo, le boa autour du cou, le serpent albinos qui tue et mange la souris) et des crocodiles.

Plus poétiques sont le paresseux au cou de Duplex, les deux papillons qui se tournent autour, le ver qui se dandine en faisant de la musique ou de la luciole aux jolis yeux verts. Quelques plans de distanciation lyrique, décrochage par rapport à l’histoire, avec le pilote soufflant la fumée de son cigare sur les cartes postales d'avions déjà anciens ou de Tarzan, finalement heureuse d'être dans la jungle. Mais Rien ne serait peut-être arrivé sans le terrible aphrodisiaque auquel essaient d'échapper nos deux héros dans des convulsons les plus comiques. Une fois la sexualité lâchée rien ne semble devoir la retenir, ainsi la ruse de Tarzan pour entraîner son compagnon à lui faire l'amour durant près d'une heure en ayant simulé la piqûre d'un serpent d'eau.

Burlesque toujours

Comique burlesque plus classique, mais non moins efficace avec les maladresses des hommes. Marc, toujours malchanceux, laisse ainsi passer une petite vieille et se voit, pour avoir tenté de repasser devant, dépassé par toute une troupe de touristes. Il subit le racisme des Guyanais ("Je ne suis pas à votre service"; fouille du sac au faciès tout comme l'étranger à Paris ; perte de la valise avec seulement la poignée et son ticket). Comique à répétition avec l'erreur sur le nom auprès de l'huissier, proche de la folie tant ses missions sont en désaccord avec sa sensibilité artistique (il sculpte un crocodile dans le bois, écoute Le Masque et la Plume… Même si c'est pour ne pas aller au cinéma). Damien, employé d'un cabinet d’audit travaillant pour la SNCF est systématiquement puni d'une fléchette pour dire "je les croque" et voit son cerveau remplit de fromage blanc sans grande perte.

Le film prend pour une fois le temps de motiver sexuellement et politiquement l’attirance mutuelle d’un couple réuni au sein de la jungle, espace entonnoir de toutes les impasses d'une société française fermée et irresponsable.

Jean-Luc Lacuve le 17/06/2016