Pier Paolo Pasolini interroge des enfants de Palerme : "Comment fait-on des enfants ?" Ils ne savent pas vraiment si c'est la cigogne ou Dieu qui les apportent aux mamans.
Pasolini discute avec deux intellectuels, l'écrivain Alberto Moravia et le psychanalyste Cesare Musatti. Alberto Moravia déclare qu'il est bien que le premier film de cinéma vérité en Italie porte sur un sujet tabou, la sexualité. Il déclare ne jamais être scandalisé dans la mesure où "il est toujours possible de comprendre les choses, et les choses qui se comprennent ne scandalisent pas." Pasolini craint que les personnes interrogés ne répondent pas sincèrement, par peur ou par ignorance. Pour Cesare Musatti, peur et ignorance vont de pair : on ignore tout des sujets dont on a peur car on a peur de s'informer à leur sujet.
Recherche 1 : Grand plat de friture à l'italienne. Pasolini devient commis voyageur parcourant l'Italie pour sonder les Italiens sur leurs goûts sexuels et ce ne est pas de lancer un produit, mais dans l'intention la plus sincère de comprendre et de rapporter avec précision.
Dans les rues de Viareggio, Pasolini demande comment les Italiens accueillent l'idée d'une enquête de ce genre. Certains approuvent, un enfant se dit gêné par ce sujet, des adolescents affirment préférer des films érotiques à un film scientifique sur la connaissance de la sexualité. En journée, un jeune homme affirme avoir vu un film pornographique ... à Tobrouk en Lybie. Les filles comprennent ce désir masculin même si elles le réprouvent.
Dans une entreprise artisanale de Florence, Pasolini demande quelle est l'importance du sexe dans la vie ? "Importante mais triste" répond un jeune homme, elle génère autant d'angoisse que de plaisir". Un autre répond que les sentiments sont plus importants que le sexe. Il convient ensuite que le problème économique vient en premier, puis les sentiments et le sexe. Pour une jeune mère de famille, le sexe est de l'histoire ancienne maintenant qu'elle a un enfant. Il a huit ans et elle va devoir se préoccuper sa sexualité à lui. Pasolini demande si elle espère qu'il sera dans la norme sexuelle. Elle dit que oui bien sur. Et Pasolini, jouant le jeu : "Espérons que non, je vous souhaite de tout cœur, mais vous savez, il vaut mieux être au courant de certains problèmes si on veut pouvoir les résoudre, non ?". La jeune mère répond qu'elle devra s'y intéresser.
Sur un stade de Viareggio, Pasolini interroge la blonde dame Jacqueline qui, entourée de sportifs répond que oui la sexualité est importante, pour elle comme pour tout le monde.
C'est ensuite un groupe de militaires venant de différentes régions auxquels Pasolini demande s'ils préfèrent être des don juan ou des bons papas. La deuxième réponse est majoritaire
Pasolini interroge une famille de paysans entre Bologne et Modane. Etait-ce mieux avant ou aujourd'hui ? Toute la famille répond que la sexualité est importante. Le père trouve que les femmes doivent rester inférieures mais un peu seulement. La fille n'est pas d'accord et aimerait autant de liberté que les garçons. Les vieux trouvent que les jeunes sont plus libres mais que c'est mieux, les saloperies que l'on faisait subir aux filles autrefois ont disparu.
Devant l'université de Bologne, Pasolini interroge un groupe d'étudiants, une jeune femme parle de la libération de l'amour et de la sexualité. Des garçons disent pouvoir faire ou non l'amour sans amour. Pasolini échoue à leur faire dire ce que serait le conformisme aujourd'hui. Des footballeurs du club de Bologne sont interrogés
A la sortie d'une usine de Milan, il interroge pourquoi elles se contentent de 50 à 52 livres par jour alors que des prostituées gagnent 7 ou 8 fois plus. La religion et l'éducation les en empêchent. Au Lido, durant un festival, il interroge des jeunes femmes pour qui les réponses aux questions sur la sexualité sont différentes selon la catégorie sociale.
Pasolini part donc interroger un paysan de Calabre qui semble bien être sur une autre planète. Les filles d'aujourd'hui sont plus accessibles. Ce n'est pas un drame de ne plus être vierge pour un milanais mais pas pour un pauvre où la virginité de la femme est un trésor.
A Camporeal, dans la campagne autour de Palerme, Pasolini interroge un adolescent sur ce qu'est un mariage "à la fuitina", sans rien ne payer d'autre que le prêtre. Pourquoi est-ce si difficile de parler à une fille dans la rue en Sicile ? Est-ce lié à la misère ? Du fait de la jalousie des hommes ? Une femme cherchée dans la rue par un homme répond qu'elles ne peuvent pas se promener tranquillement dans les rues. Elles condamnent la prostitution
Les quatre festivalières du Lido reviennent sur les différences d'aborder la sexualité selon les différentes classes sociales, les ouvriers sont libérés, les bourgeois hypocrites et les paysans différents car pas à même travailler car leur mari ont peur que leur patron cherchent à les séduire. Pasolini obtient confirmation dans quartier de Palerme
Recherche 2 - Dégoût ou pitié ? Vu que les Italiens, face à une série de questions générales, opposent une série de réponses innocentes et un peu idiotes du genre No comment, voyons à présent ce qui se passe quand on leur pose une question précise, brutale et brulante comme par exemple, l'homosexualité ?
A une jeune fille milanaise, Pasolini parle des "invertis" et lui fait remarquer que si elle a des enfants, ceux-ci "aussi pourraient être comme ces personnes". Cri du cœur : "Ah... espérons que non". Et Pasolini, jouant le jeu : "Espérons que non, je vous souhaite de tout cœur, mais vous savez, il vaut mieux être au courant de certains problèmes si on veut pouvoir les résoudre, non ?" Et la jeune fille de dire : "Oui, non d'accord... Petits, ils seront peut-être invertis, mais espérons qu'ils changeront en grandissant".
Pasolini interroge un cheminot d'un certain âge : "Ben oui... parce qu'en tant qu'homme je trouve ça dégueulasse." Puis un passager de première classe : "Face à des cas de ce genre, je n'éprouve que du dégoût, de l'horreur." Et à la question de savoir ce qui scandalise ce passager : "Tout ce qui sort de la normalité."
Entracte: Pasolini conseille de penser à autre chose durant l'entracte tant le sujet de la sexualité est difficile
Recherche 3 - L'Italie véridique
Les rassemblements sur les plages romaines où le sexe est le sexe; pour les milanais où le sexe comme un hobby; sur les plages du sud où le sexe est affaire d'honneur, au le Lido où le sexe va avec le succès ; sur les plages populaires de la Toscane où le sexe est vécu comme un plaisir; sur les plages bourgeoises de la Toscane où le sexe est un devoir
Recherche 4 - Du fond et de la profondeur
"Ainsi se conclut notre enquête. Le cri des couches sociales les plus basses et des instincts les plus profonds. Tous les ouvriers de Milan, Florence, Naples, Palerme de toute l’Italie sont unis dans une révolte contre une loi moderne et démocratique. Forcés ainsi d'admettre la réalité de certains désirs qu'on préférerait ignorer. Si nous en parlons, c'est de manière excessivement simpliste et confuse. On l'a constaté dans l’Italie du miracle économique, en espérant naïvement y découvrir les signes d'un nouveau miracle culturel et spirituel contemporain. Si notre enquête doit avoir une valeur, elle n’est que négative, celle d'une démystificatrice. L’Italie du bien-être matériel voit son esprit contredit dans par les Italiens eux-mêmes."
"Qu'est ce qui intéresse les hommes s’intéressent à part vivre ? Tonino et Graziella se marient. De leur amour, ils savent seulement que c'est de l’amour. De leur futur, ils savent juste qu'ils auront des enfants. Quand elle est joyeuse et innocente, la vie est sans pitié. Deux jeunes Italiens se marient. Et en ce jour, tout le mal et le bien du passé semblent s’annuler tel le souvenir de la tempête dans la paix. Tout droit est cruel et, en se donnant le droit d'être ce que furent leurs parents, ils ne font que confirmer leur attachement à la vie, à la joie et à l'innocence de la vie. Ainsi, la connaissance du mal et du bien et l’histoire qui n'est ni gaie ni innocente sont toujours confrontées à cette impitoyable absence de mémoire, à son humilité souveraine. Tonino et Graziella se marient. Et celui qui sait se tait face à la grâce qui ne veut pas savoir. C’est le silence qui est coupable. Que le vœu formulé par Tonino et Graziella soit : que votre amour se double de la conscience de votre amour".
Dans Chronique d'un été Edgar Morin et Jean Rouch avaient interrogé les jeunes parisiens de 1961 avec une seule question "Comment vis-tu ?". Dans Le joli mai, Chris Marker interroge les Parisiens du début de l'année 1962. C'est probablement la vision de ces films qui inspire à Pasolini l'idée d'interroger en 1963, les Italiens des villes et des campagnes, ouvriers et paysans, sur la question de la sexualité
La première partie est plutôt bon enfant ; le grand plat de friture à l'italienne fait état des tabous et l'hypocrisie qui pouvaient régner à l'époque autour du sexe. La seconde est plus brutale et fait état du dégoût profond de l'Italie pour l'homosexualité alors que les troisième et quatrième partie interrogent sur l'infidélité, le divorce et la fermeture de saisons closes.
Au total le film est profondément pessimiste, les ouvriers pervertis par la civilisation du bien être ne montrent pas trace de spiritualité dans l'amour et les jeunes couples ne font que reproduire les erreurs de leurs parents en étant ignorant de ce qui fonde la sexualité.
Jean-Luc Lacuve le 13/01/2015