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Le schpountz

1937

Avec : Fernandel (Irénée Fabre), Fernand Charpin (L'oncle Baptiste), Orane Demazis (Françoise), Léon Bélières (Meyerboom), Robert Vattier (Astruc). 2h00.

Un petit village provençal. Irénée et Casimir sont deux modestes garçons épiciers dans la boutique de leur oncle Baptiste, qui les a élevés. Casimir ne songe qu'à son métier, mais Irénée rêve de devenir vedette de cinéma.

Une équipe de cinéastes parisiens venue tourner les extérieurs d'un film dans le Midi, amusée par les prétentions du pauvre "schpountz" (autrement dit "jobastre" ou "fada"), lui signe un faux contrat mirifique de super-star. Sourd aux avertissements de ses proches, Irénée, contrat en poche, "monte" à Paris et se présente au studio. Il y déchaîne le fou-rire général, après avoir semé quelque perturbation. Il ruine ainsi un plan maintes fois répété d'un film sur Napoléon avec 200 figurants, provoquant la furie du réalisateur.

Par charité, on lui trouve cependant un emploi d'accessoiriste. Et peu à peu, il monté en grade. Son " don " pour la comédie, qui est réel, finit par s'imposer. Il séduit Françoise, la script-girl qui l'avait berné, l'épouse, fait faire de bonnes affaires au producteur et connaît un triomphe public. Il décide alors de rentrer au pays, avec sa jeune femme. Impressionné par son succès, l'oncle Baptiste accueille avec émotion le retour de l'enfant prodigue.

L'origine du nom "schpountz" fait l'objet d'une légende soigneusement entretenue par l'auteur et souvent répétée. Le terme désigne un "fada" qui venait assister au tournage d'Angel (1934) et se prenait pour Charles Boyer. Le directeur de la photo, Willy (un Russe), l'aurait surnommé "le schpountz", surnom adopté par l'équipe. Cette légende est mise en abîme dans la deuxième scène du film durant laquelle le barman (Maupin) se vante devant l'équipe d'avoir la voix de Raimu.

Contrairement au microcosme régional des autres films de Pagnol, Le schpountz se déroule dans un milieu cosmopolite. La maison de production est présentée sur un mur très visiblement lézardé qui porte la mention "Studios de France" ; puis, sur un autre mur, "Union Française des Producteurs Français, Studios de France, Yaourt-Meyerboom". Difficile de manquer la réitération ironique des mots "français" et "France". Au studio le cinéaste hystérique qui tourne "Napoléon" provoque la fameuse réplique : "C'est Bogidar Glazounov. Il est Allemand ou Turc. Enfin, il a un nom russe et il pale avec l'accent italien ; ceci lui a permis de devenir un grand cinéaste français".

Pour enfoncer le clou, face aux noms à connotations juives comme Yaourt et Meyerboom, ou Bazouf et Métro, prénoms des "Vernickel Brothers" avec lesquels Irénée signe son faux contrat, le film multiplie les noms bien de chez nous comme Irénée, Casimir, Baptiste et Clarisse Fabre.

Le personnage de Meyerboom est interprété par Léon Bélières, un acteur qui se spécialisait dans les rôles de juif (alors que lui-même ne l'était pas). Meyerboom de son propre aveu se livre à des pratiques financières douteuses, celles-là mêmes stigmatisées par la presse et plusieurs enquêtes officielles comme responsables de l'instabilité du cinéma français des années 30. De financier douteux à juif il n'y a qu'un pas. (...) Sans nul doute à cause des réactions l'accusant d'antisémitisme, Pagnol coupe une conversation entre Meyerboom et son avoué sur les magouilles du cinéma.

A la vision du film dans sa version d'aujourd'hui, le personnage est cependant sympathique. Le physique et le jeu de Bélières sont chaleureux et Meyerboom ne reste pas sourd aux arguments de Françoise pour promouvoir Irénée. Surtout, il s'avoue vulnérable, rejeté par le reste de l'équipe parce que subore-t-il, l'équipe se dit "C'est un juif et c'est le patron". La scène peut-être idéologiquement un peu maladroite a le mérite d'exprimer ce qu'on appellerai aujourd'hui "l'exclusion" raciale de Meyerboom.

La scène où Fernandel déclame sur tous les tons : "Tout condamné à mort aura la tête tranchée" est au cinéma ce que la "tirade du nez" est au théâtre.

L'auteur ne se gêne pas pour faire passer son message par la bouche des personnages. A Irénée qui professe du mépris pour le genre inférieur de la comédie, Françoise réplique un monologue qui restera dans les anales : "Faire rire ceux qui rentrent des champs (...) ceux qui sortent du bureau (...) ceux qui reviennent de l'usine (...). Celui qui leur fait un instant oublier les petites misères, la fatigue, l'inquiétude et la mort, celui qui fait rire des êtres qui auraient tant de raisons de pleurer, mais celui là qui leur redonne la force de vivre et on l'aime comme un bienfaiteur (...) on devrait dire saint-Molière, on pourrait dire Saint-Charlot". La scène qui a pour toile de fond un portrait de Charlie Chaplin revendique donc la filiation du maître de la comédie humaniste.

Source : Le Schpountz de Pagnol, éloge du cinéma populaire français par Ginette Vincendeau dans CinémAction n°124. Le cinéma au miroir du cinéma. 2007.

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