Comment c'est loin

Après une dizaine d’années de non-productivité, Orel et Gringe, la trentaine, galèrent à écrire leur premier album de rap. Leurs textes, truffés de blagues de mauvais goût et de références alambiquées, évoquent leur quotidien dans une ville moyenne de province, Caen en l’occurrence. Le problème : impossible de terminer une chanson. À l’issue d’une séance houleuse avec leurs producteurs, ils sont au pied du mur : ils ont 24h pour sortir une chanson digne de ce nom. Leurs vieux démons, la peur de l’échec, la procrastination, les potes envahissants, les problèmes de couple, etc. viendront se mettre en travers de leur chemin.

La première partie est principalement constituée de gags des grands adolescents affirmant leur paresse : le retour dans la voiture du père, l'appartement déglingué, le renvoi raciste de Bouteille de l'hôtel, l’attente du bus devant l’arrêt "Stade d'Ornano", le machisme bêtement ordinaire (Pauline insultée puis "Putain les meufs, elles supportent un accouchement et elle supportent pas une vanne"). L'ensemble est alors lié par les chansons et les échappées poétiques dans la campagne caennaise (aller chercher un sandwich triangle à Cora) .

Ce qui n'aurait pu être qu'une suite de gags potaches prend ensuite forme : qu'est-ce qu'il faut sacrifier pour aller jusqu'au bout d'un travail que l'on aime ?.. Un boulot que l'on n'aime pas et, pour chacun, la rupture avec une compagne que l'on n'aime plus : Arielle pour Orel, Marie pour Grunge. Reste à trouver le sujet de la chanson. Qu'est-ce qui parle à tout le monde ? On craint le pire : les conductrices d'auto-école trop mignonnes, les textos de Gringe à la femme idéale (en fait une blague d'Orel). Au petit matin, devant l'embuscade déserte, la chanson se met en place et retrace le long parcours vers l'affirmation d'une identité d'artiste.

Jean-Luc Lacuve le 05/02/2016.