1632. Agé de dix ans, Jean-Baptiste Poquelin, fils de tapissier du Roi, joue, dans un grenier, aux cartes avec des camarades. Tout en se cherchant les poux, les enfants écoutent le curé leur donner une leçon de latin, puis sont témoins des premiers embarras de la circulation. Des saltimbanques viennent animer la nuit des rois chez les Poquelin. Grand-père Cressé partage le gâteau. La servante a la fève. Elle fait de Jean-Baptiste son petit roi. La mère meurt en pleine jeunesse. Pour chasser les idées noires, le grand-père emmène les enfants à la foire St-Laurent où se produit Scaramouche.
Jean-Baptiste refuse de suivre la voie familiale. On l'envoie faire du droit à Orléans. C'est son premier contact avec les dévots qui, voulant bannir le péché, interdisent le traditionnel carnaval. La populace passe outre. La police réprime. Ce soir-là, Jean-Baptiste rencontre Madeleine Béjart, une comédienne. Malgré les réactions de son père, Jean-Baptiste décide d'unir sa destinée à celle de cette femme, de sept ans son aînée, et fonde avec elle et les siens " l'Illustre Théâtre".
Pendant quinze ans, ils parcourent la France où règne la misère. Le Prince de Conti les mande en son château pour le divertir. Puis les chasse, une fois que le fanatisme religieux s'est emparé de lui. Rentrée à Paris, la troupe reçoit la protection de Monsieur, frère du Roi Louis XIV, qui a pris les pleins pouvoirs. Poquelin, devenu Molière, est, avec Lully, l'homme le plus en vue de la cour. Le plus haï aussi. Tartuffe donne l'occasion aux dévots de demander à Colbert d'intervenir. Un an après la mort de Madeleine, Molière meurt après une représentation du Malade imaginaire.
Comme son titre l'indique, il s'agit moins pour Ariane Mnouchkine de présenter l'œuvre théâtrale de Molière que sa vie, celle, pour elle, d’un honnête homme. Et ce n'est pas rien pour Ariane Mnouchkine car cela suppose qu'il soit un précurseur pour son époque où la religion domine et aussi un modèle de courage pour le spectateur d'aujourd'hui. Le Molière de Mnouchkine est ainsi un drame épique plein de péripéties, de drames et de risques assumés. La mise en scène favorise ainsi les courses contre le vent ou dans la nuit. Molière est un combattant qui hésite parfois, mais ne renonce pas à sa liberté. Son art le protège d'abord lui-même et sa troupe de la religion, des dévots, des hommes d’argent ou de pouvoir.
Cette grande figure, avant tout un modèle proposé à notre époque, n'empêche pas Mnouchkine d'ancrer Molière dans son époque. Mais, là aussi, avec un parti pris assumé. Elle montre un Molière qui apprend bien davantage de la rue, du théâtre populaire, de l'art des bateleurs et des forains que la fréquentation de l'Université. C'est au contact de cette culture des corps, des forces de la vie, que Jean-Baptiste Poquelin est devenu Molière. Mnouchkine en fait le témoin privilégié du XVIIIe siècle sauvage et raffiné ; ce que voit l'enfant Molière dans les rues de Paris détermine aussi le destin du plus grand homme de théâtre français.