1 - La dictée du bordereau (1'07). (Le service du contre-espionnage français a appris qu'un document secret contenant des informations sur un nouveau canon a été découvert à l'ambassade d'Allemagne a paris. Alfred Dreyfus polytechnicien, alsacien et juif est rapidement soupçonné). Convoqué le 15 octobre 1894, Dreyfus écrit un texte sous la dictée. Le commandant du Patty de Clam estime que l'écriture est semblable à celle du document détourné et tend à Dreyfus un pistolet, lui offrant par le suicide une chance de laver son honneur. Mais Dreyfus refuse le suicide et est amené à la prison du Cherche-midi à Paris
2 - La dégradation (perdu). Dreyfus est condamné à la déportation à perpétuité au bagne en Guyane par un conseil de guerre le 22 décembre 1894. Il est dégradé en public à l'intérieur de la cour de l'école militaire à Paris, le 5 janvier 1895,. L'adjudant, qui procède à la dégradation, lit la phrase et déchire successivement tous les boutons, dentelles et ornements de l'uniforme du capitaine Dreyfus, obligé de passer en disgrâce devant les troupes. Il embarque sur le Ville de saint Nazaire le 21 février
3 - A l'île du diable (1'04) Enfermé à l'île du diable en Guyane derrière des palissades Dreyfus est à l'isolement avec interdiction de parler avec ses gardiens. (Mais à Paris les soutiens s'organisent menés par son frère Mathieu, le journaliste Bernard Lazarre, Scheurer-Kestner, le vice-président du sénat ou encore le lieutenant-colonel Georges Picquart, qui alertent l'opinion publique). Dreyfus reçoit avec beaucoup de retard une lettre lui annonçant que son procès va être rejugé et qu'il va rentrer en France après plus de quatre ans de bagne.
4- Mise aux fers de Dreyfus (105). Des bruits ayant courus en France que des amis de Dreyfus pourraient le faire évader, deux gardiens reçoivent l'ordre de lui mettre tous les soirs les fers aux pieds. Ils s'approchent furtivement du lit sur lequel Dreyfus dort. Ils le réveillent et lui lisent l'ordre du ministre français - M. Lebon - de le mettre aux fers, qu'ils procèdent immédiatement. Dreyfus proteste vigoureusement contre ce traitemen. Le sergent en chef et les gardes, avant de quitter la hutte, en inspectent les quatre coins à l'aide d'une lanterne.(Le 10 janvier 1898, à Paris après un procès vivement contesté, le véritable coupable du crime dont on accuse Dreyfus, le commandant Esterasy est acquitté. Le 13 janvier 1898, trois jours plus tard afin de dénoncer ce scandale, Emile Zola écrit dans l'Aurore, le journal de Clémeanceau, le célèbre J'accuse. La France est désormais coupée en deux. D'une part les Dreyfusards qui crient justice et, de l'autre, les anti-dreyfusards emmenés par Boulanger).
5 -Le suicide du colonel Henry(1'05).
A l'intérieur de la cellule de la prison militaire du Cherche-Midi, à Paris, où le colonel Henry est confiné. Il est assis à une table et rédige une lettre à la fin de laquelle il se lève et sort un rasoir qu'il avait dissimulé avec laquelle il se coupe la gorge. Le suicide est découvert par le sergent de la garde et des officiers.
6- Débarquement de Dreyfus à Quiberon (1'05)
Une partie du port de Quiberon, en Bretagne, la nuit, où Dreyfus a été débarqué par des marines françaises et des officiers après son transport depuis l’île du Diable. Il est reçu par les autorités françaises, officiers et gendarmes, puis conduit à la gare pour son départ pour Rennes. Cette petite scène s’est déroulée dans une nuit sombre et pluvieuse, comme le montre clairement le film. Les effets sont encore accentués par des éclairs vifs qui sont certainement nouveaux dans le domaine cinématographique.
7- Dreyfus rencontre sa femme à Rennes. (1'05)
Salle d'exposition de la prison militaire de Rennes dans laquelle l'accusé Dreyfus est incarcéré. Il reçoit la visite de ses avocats, Maître Labori et Demange, avec qui il est vu dans une conversation animée. Une visite de sa femme est annoncée, qui entre. La rencontre entre mari et femme est extrêmement pathétique et émouvante. "
8- Attentat contre maître Labori. (1'05)
«Maître Labori s'approche du pont de Rennes en compagnie du colonel Picquart et de M. Gast, maire de Rennes. Ils remarquent qu’ils sont suivis par un autre homme à qui le colonel Picquart appelle l’attention de Labori. Cependant, ils considèrent que sa proximité est sans importance et continuent de parler ensemble. Dès que leur dos est tourné, l'homme tire un revolver et tire à deux reprises sur Maître Labori, qui est apparemment tombé au sol. Le coupable se sauve, poursuivi par le colonel Picquart et M. Gast.
9- La bataille des journalistes au lycée. (1'05)
«Au cours d'une pause dans la procédure de la cour martiale, les journalistes entament une discussion animée, qui aboutit à un différend entre Arthur Myer du Gaulois et Mme Séverine de la Fonde, ce qui entraîne une bagarre entre Dreyfusards et Anti. -Dreyfusards, dans lesquels des cannes et des chaises sont abattus sur la tête de beaucoup. La chambre est enfin dégagée par les gendarmes.
10 - La cour martiale de Rennes (2'10)
A Rennes, la cour martiale du capitaine Dreyfus. Les seuls occupants de la salle sont Maître Demange et la secrétaire. D'autres avocats et les sténographes commencent à arriver et le sergent annonce l'arrivée du colonel Jouaust et d'autres officiers comprenant les sept juges de la cour martiale. Cinq juges de service sont également visibles à l'arrière-plan. À gauche se tient le commandant Cordier et l'adjudant Coupois, avec leurs sténographes et des gendarmes. À droite, Maître Demange, Labori et leurs secrétaires. Le colonel Jouaust ordonne au sergent de police de faire venir Dreyfus. Dreyfus entre, saluant la cour, suivi du capitaine de gendarmerie, qui l'accompagne en permanence. Ils prennent leurs places désignées devant les juges. Le colonel Jouaust pose plusieurs questions à Dreyfus, auxquelles il répond en position debout. Il demande ensuite à l'adjudant Coupois d'appeler le premier témoin et le général Mercier arrive. Il déclare que sa déposition est longue et demande une chaise qui lui est transmise par un gendarme. En position assise, il procède à sa déposition. Des discussions animées et des questions croisées sont échangées entre le colonel Jouaust, le général Mercier et Maître Demange. Le capitaine Dreyfus très excité se lève et proteste vigoureusement contre ces poursuites. Cette scène, qui dépeint avec la plus grande fidélité ce procès, montre les portraits absolus de plus d'une trentaine de personnages principaux de ce célèbre procès.
11- Dreyfus allant du lycée à la prison (1'05)
«L'extérieur du lycée de Rennes, où a eu lieu la célèbre cour martiale de Dreyfus, montrant le personnel français quittant le bâtiment après la séance et traversant la cour entre les soldats français formant une ligne double. Maîtres Demange et Labori font également leur apparition en marchant vers le premier plan du film. Enfin, on voit le capitaine Dreyfus s'approcher, accompagné du capitaine des gendarmes, qui le reconduit en prison.
Alfred Dreyfus (1859-1935), officier juif français, est arrêté en octobre 1894 pour espionnage au profit de l'Allemagne. Un tribunal militaire le renvoie de l'armée et, sur la foi de preuves hautement discutables, le condamne à la réclusion à perpétuité sur l'île du diable. En 1896, le colonel Picquart trouve des documents qui prouvent l'innocence de Dreyfus. Le coupable était un autre officier français, Ferdinand Walsin Esterhazy. Les autorités militaires placées sous le commandement du général Auguste Mercier ordonnent que l'affaire soit étouffée et Picquart est transféré à Tunis. Mais la famille de Dreyfus continue de plaider sa cause et une campagne menée Emile Zola culmine avec sa lettre ouverte au président français Émile Loubet, intitulée "J'accuse". Un second procès s'ouvre à Rennes en 1899, qui scandalise le monde par le refus de l'armée de reconnaître qu'elle pourrait s'être trompée et l'hystérie anti-juive générale. Dreyfus est de nouveau reconnu coupable (ce qui choque l'opinion mondiale et affaiblie la Troisième République aussi bien que l'image de la France), mais le président Loubet gracie Dreyfus. Il faut néanmoins attendre 1906 pour que Dreyfus soit déclaré innocent.
Un film tourné au moment des faits
L'affaire Dreyfus est débattue dans le monde entier. Cela remplit les journaux et le deuxième procès à Rennes en 1899 est le témoin d'une frénésie médiatique comme celle que nous connaissons trop bien aujourd'hui. Désireux de participer à cette frénésie et de tirer parti de l’un des premiers reportages d’intérêt mondial, quatre sociétés produisent des films sur l’affaire alors qu’elle se poursuit : La Star-Film de Georges Méliès, Pathé Frères, la société britannique Mutoscope and Biograph et sa société soeur, la société Biograph and Mutoscope pour la France. Ces films sont tournés parce qu’ils constituaient une excellente affaire, mais aussi, dans le cas de Méliès, parce qu’il permettait au cinéaste d’exprimer son attachement à la cause Dreyfus. C'est probablement la première fois que ce film est utilisé à des fins politiques.
L'approche de Georges Méliès est radicale : à une époque où les films sont presque entièrement des récits uniques d'une minute, il rédige un récit d'actualité en plusieurs parties, retraçant l'histoire de Dreyfus de son emprisonnement initial de 1894 au deuxième procès en 1899.
Le film est tourné en octobre 1899, après le verdict du procès de Rennes où Dreyfus, de retour de l'île du diable, fut une nouvelle fois condamné puis gracié par le président Emile Loubet. Méliès reconstitue dans ses studios de Montreuil les grandes étapes de cette affaire. Le film tourné avec des acteurs est ainsi constitué de onze tableaux et douze films de 20 mètres (1'05).
Un film politique
Dreyfusard, Méliès souhaite pouvoir émouvoir le public sur le sort du capitaine. Il va même jusqu'à interpréter le rôle de l'avocat de Dreyfus, maître Labori. Dans la vue "Incidents entre journalistes", il accentue l'aspect réaliste de la bagarre. Il autorise les acteurs à dépasser le trait marqué à la craie et à se rapprocher de la caméra. Un style volontairement proche des actualités mais recrée alors que le reste du film avait une narration parfaitement maîtrisée.
Le film eut un grand retentissement. Le souci d'objectivité et de réalisme de Méliès est évidant. Il reconstitue le plus justement possible les événements d'après les photographies et illustrations de presse. La scène Dreyfus quitte le lycée pour la prison est directement calquée d’une photographie du journal L’Illustration. "La femme et l'avocat de Dreyfus" est filmé au sortir d'une visite de l'accusé. Une caméra placée sur le toit d'une maison jouxtant le lieu de détention de Dreyfus réussit même à capter l'image brouillée du capitaine.
Le film a un tel succès (les gens se battent entre eux pour le voir) et est si politique que certains préfets en interdisent la projection. Dix ans avant que la censure officielle n’existe (devenue nationale, elle ne naîtra qu’en 1909), le film, localement interdit, inaugure déjà les censures municipale et préfectorale des maires et préfets. L'affaire Dreyfus peut être considérée comme le premier film politique et militant, en cela il est historique. Devant le triomphe obtenu par ce film, la société Pathé décida de tourner son Affaire Dreyfus dans des décors simples et dépouillés. Le film n'eut toutefois pas le même retentissement.
Jean-Luc Lacuve, le 22 novembre 2019
Sources :