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Les funérailles des roses

1969

(Bara no sôretsu). Avec : Pîtâ (Eddie), Osamu Ogasawara (Leda), Yoshio Tsuchiya (Gonda), Yoshimi Jo (Jimi). 1h48.

Eddie, jeune travesti, est la favorite de Gonda, propriétaire du bar Genet de Tokyo où elle travaille. Cette relation a suscite la jalousie de la maîtresse de Gonda, Leda, plus âgée, dont il a fait la matrone du bar des roses. Eddie et Gonda se voudraient se débarrasser de cette dernière surtout quand ils s'aperçoivent qu'ils ont été repérés par elle .Eddie se sent mal et se souvient

Eddie fait son travaille d'hôtesse dans ce bar et Tony, un jeune soldat noir américain, la ramène saoule chez lui. Elle se souvient avoir été poursuivie par des hommes dans la rue et s'être cachée dans une galerie d'art où des lithographies et un environnement sonore stressant l'avaient bouleversée et fait tomber comme maintenant sous l'effet de l'alcool.

l'Akasaka Au bar à la mode, tout près de Minami-cho Nippon Homosexual Men's Club, imposteur se font passer pour des homosexuels. Une descente de police évoque pour Eddie le souvenir de sa mère regardant avec elle la photo de famille avec le visage brulé à la cigarette du père, parti il y a douze ans. Eddie fiat du shopping avec ses amies. Gonda refuse la demande de Leda de licencier Eddie puis finit par lui dire qu'il préfère qu'elle parte. Il la gifle quand elle menace de le diffamer.

Eddie sort de la voiture de Gonda et voit les manifestants des rues. Guevara projette son film underground esthète et bruyant: "toutes les définitions du cinéma ont été effacées. Les portes sont à présent grandes ouvertes" citant (Menas Jokas) Jonas Mekas. Mais plus excitant de prendre de l'herbe puis jeux d'équilibre ou l'échec se monnaie en striptease danse et partie sexuelle; "Les roses", "Oh l'empire des roses" est-il souligné par deux cartons.

Au matin alors qu'elle se maquille, Rabbitt vient la retrouver pour aller au salon de beauté, coiffage combat avec Leda sous le masque, le vrai visage ressent toujours la solitude. Leda se fait soigner par Gondo. Eddie se souvient s'être écroulée dans la galerie de lithographies où se trouvait Guevara qui l'emmena alors en haut de la Tokyo tower, les contours de la ville apparaissent flous comme ce que l'on essaie de saisir. De retour chez elle, elle se penche sur les photos et jeux de son enfance. Elle ouvre le livre "retour d'un père" avec la photo et le souvenir du salon de coiffure de sa mère qui l'avait surprise s'embrassant dans la glace

retour sur Leda découvrant Gonda sortant au bras d'Eddie après le passage du corbillard puis Eddie et Guevara au bar de la Tokyo tower citant Le Clezio et la vie d'un homme faite de marches même s'il marche peu et n'est pas un marcheur. Cela la fait rire mais elle se souvient des sandales abandonnés dans la cuisine de l'amant de sa mère qu'elle tua de coups de couteau avant de tuer sa mère plus sauvagement encore. Guevara la ramène chez lui et l'embrasse. Ils font l'amour.

Peter est interrogé sur son rôle d'Eddie; il a perdu son père très jeune comme moi, mode de vie semblable mais pas inceste. Eddie recueille un manifestant blessé après avoir été coursé par la police. Elle se rend en retard au bar Genêt.

Osumi est chargée par Leda de contacter une cheffe de bande pour bastonner Eddie le jour de son anniversaire pour une bataille trois contre trois. Gonda l'apprend et s'emporte contre Leda brisant son gâteau et la chassant du Genet. Dans le bar ou Peter dit n'avoir plus que quelques scènes à tourner. Peter, redevenu Eddie, reçoit la nouvelle du suicide de Leda, morte en mariée sur un tapis de roses. Sortie du cimetière inondé. A Tokyo, un jeun homme cite : "Maintenant, du ciel béant tombent les roses, les unes après les autres. Printemps oh sinistre printemps (Déodat de Séverac)

Eddie a remplacé Leda au bar Le Genêt. Le soir Eddie fait l'amour avec Gonda. Au matin, Gonda découvre la photo de famille dans les affaires d'Eddie. Atterré de se reconnaître où son visage était rendu méconnaissable par une brûlure de cigarettes, il s'égorge dans la salle de bain. Eddie se crève les yeux : un homme vient dire que c'était un film unique en son genre mêlé de cruauté et d'humour, à bientôt pour notre prochain film. Suit la vision mentale d'Eddie qui descend dans la rue où sont état sidère les passants. Fondu au blanc.

    Ce film culte de la contre-culture japonaise sort enfin en France, qui plus est dans une version numérique restaurée en hommage au cinéaste disparu en 2017. Le film multiplie les effets de style : surexposition parties de corps enlacés comme dans Hiroshima mon amour (Alain Resnais, 1959) ou Une femme mariée, (Jean-Luc Godard, 1964) flashes mentaux provoqués par des émotions du moment ou des souvenirs traumatisants du passé, effets de zooms rapides, accélérations pour fuir la police avec musique burlesque, rixe des travestis transformée en duel de cow-boys, utilisation du négatif.

Distanciation brechtienne obtenue par divers moyens. L'action est souvent commentée par des cartons dont le ton peut être ironique : "Quelle intrigue subtile et mystérieuse !" ou carton "Censure" quand les filles font pipi dans les urinoirs des hommes sous le regard interrogatif de ceux-ci. Le carton peut être réprobateur "Cela signifie que tu n'aimes pas le genre humain" après le gifle de Gonda à Leda ou plus dramatique : "Que le jour de ma naissance disparaisse à jamais". Ils deviennent mystérieux sur la fin "Le chemin de la sainteté est semée d'embûches"; "La fin du monde est proche, "l'esprit d'un homme atteint l'absolu à travers une incessante négation".

La distanciation brechtienne est aussi le fait d'intermèdes documentaires de travestis ou de gays. Deux scènes d'amour sont interrompues par le documentaire sur le filmage de cette scène avec les techniciens dans la pièce. Mais sans doute plus important que ces cartons ou l'aspect par moments documentaire, le film semble se maintenir dans un perpétuel présent par une narration dont il est difficile de distinguer si elle joue de flashes-back ou de flashes-forward.

Cet effet extraordinaire de présent est sans doute l'objet du film, celui souligné par les cartons "Les roses", "Oh, l'empire des roses" quand les jeunes gens dansent et s'aiment après avoir fumé de la marijuana.

Le milieu gay et travesti du quartier de Shinjuku à Tokyo est formidablment créatif. Il est dominé ici par le personnage du cinéaste underground Guevara. Il trafique une vieille télévision pour filmer des images déformées de répression policière. Il visite une exposition de lithographies avec environnement sonore : un magnétophone où il est question des masques que l'on porte et que l'on voit à la place des gens. Environnement suffisamment Etrange pour qu'Eddie s'y évanouisse.

Les citations sont légion et françaises surtout. Le film est placé sous le signe de Baudelaire, dont deux vers de L'héautontimorouménos sont cités en exergue, "Je suis la plaie et le couteau, Je suis le soufflet et la joue" alors que les roses du Gênet renvoient directement au Jean Genet de Notre dame des Fleurs. Est évoqué aussi Déodat de Séverac ainsi que Jonas Mekas (dont le nom est d'abord écorché en Jokas Menas), les Beatles, Marylin Monroe.

La cruauté des Funérailles des roses n'intervient qu'en toute fin de parcours. L'affiche d'Oedipe roi de Pasolini apparait une première fois sans que l'on n'y prête attention au début du film avant qu'elle ne revienne avec un aveugle au premier plan et après que Pîtâ, dans une séquence documentaire, ait évoqué un inceste à propos du personnage d'Eddie en s'en dédouanant.

Affiches vues au début :
Un simple contexte de repos après course poursuite
Référence assumée :
geste d'Eddie et flash-forward de l'aveugle

La fin du film transpose en effet le mythe d’Œdipe faisant du héros Eddie (sonorité proche), un jeune travesti qui tue sa mère et couche avec son père pour finalement se crever les yeux après que ce dernier se soit suicidé, atterré de se reconnaître sur une photo de famille trouvée dans les affaires de son amant et où son visage était rendu méconnaissable par une brûlure de cigarettes.

Jean-Luc Lacuve, le 2 mars 2019.

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