En 44 avant Jésus-Christ, Jules César est virtuellement devenu le dictateur de Rome. Sa soif de puissance inquiète son entourage. Un groupe de conspirateurs a décidé de l'assassiner. Dirigés par Cassius, les conjurés cherchent le soutien du très respectable Brutus qui admire César mais considère son ambition contraire aux intérêts de Rome. Brutus se rallie à leur cause.
Aux Ides de Mars, Calpurnia, la femme de César, le supplie de ne pas se rendre au Sénat car elle a fait un rêve de mauvais augure. Mais César se croit invulnérable... Au Sénat, il s'écroule sous les coups de poignards de Casca, Cassius et des autres conjurés. C'est Brutus qui lui porte le dernier coup.
Brutus explique les raisons profondes de son geste à la foule des Romains rassemblés, mais Marc-Antoine, le protégé de César, prend la parole immédiatement après lui et retourne l'opinion contre les conjurés qui sont obligés de fuir.
Une guerre fratricide s'engage au terme de laquelle les conjurés seront anéantis par les armées de Marc-Antoine et Octavius, le neveu de César. Cassius et Brutus se suicident. Devant le corps inerte de Brutus, Marc-Antoine lui rend hommage : il était " le plus noble des Romains "; lui seul n'a agi que pour le bien de Rome.
Mankiewicz n'a procédé à aucun ajout de dialogues et n'a supprimé que quelques scènes (scène 4 de l'acte II, scènes 1 et 3 de l'acte III, scène 3 de l'acte IV) ou fragments de scènes (scènes 1 et 3 de l'acte V). Selon lui, ces coupes ne seraient d'ailleurs pas de son fait, plusieurs ayant été effectuées au montage et auraient occasionné certaines rencontres orageuses avec Dore Schary puis avec Nicholas Schenk.
Visuellement le film épouse les contours de la pièce, à l'exception de quelques détails. Seule la bataille de Philippes est succinctement évoquée, en une série de plans qui découvrent la mise en place des troupes et leur attente du combat. Pour le reste, Mankiewicz a substitué à l'affrontement des deux armées une sorte de guet-apens de western qu'il répugna d'ailleurs à filmer.
Dans les scènes de foules, Mankiewicz a fréquemment recours au gros plan, qui lui permet d'affirmer le caractère profondément humain du drame qui se joue.
Jack Dunning, le monteur, découvrit vite qu'une scène shakespearienne comportait certaines règles générales à elle ; différentes de celles des autres films. Le "plan de réaction" par exemple qui est depuis longtemps la base du montage dramatique dans les films muets et parlants devient artificiel quand il s'agit de monter le dialogue shakespearien. Des réactions silencieuses, même quand le metteur en scène les avaient soigneusement placées à des endroits prédéterminés pendant une tirade, furent rarement utilisées par le monteur, qui se montra fortement hostile -et non par vénération pour le classique, mais par instinct du montage sonore- à interrompre la ligne et la cadence d'une phrase dans la bouche d'un personnage en coupant sur la réaction d'un autre.
Les décors stylisés sont réduits à l'essentiel. Les plans sont longs avec une mobilité de la caméra à l'intérieur du cadre et une profondeur de champ pour suivre les déplacements des personnages.
Sir John Gielgud (Cassius), spécialiste anglais du théâtre de Shakespeare, est magnifique. Le plus surprenant est évidemment Marlon Brando (Marc Antoine), sorti de l'univers de Tennessee Williams et du jeu façon Actor Studio. La scène du forum où, après les justifications de Brutus (James Mason), Marc-Antoine prend la parole pour retourner l'opinion contre les assassins de César est un véritable suspens, un morceau d'anthologie.
Pour Gilles Deleuze, dans Jules César, Mankiewicz insiste sur l'opposition psychologique de Brutus et de Marc-Antoine. Brutus apparaît comme un personnage absolument linéaire : sans doute est-il déchiré par son affection pour César, sans doute est-il orateur et politique habile, mais son amour pour la république lui trace une voie toute droite. Après avoir parlé au peuple, il permet à Marc-Antoine de parler à son tour, sans rester lui-même ou laisser un observateur : il se retrouve proscrit, promis à la défaite, seul et acculé au suicide, figé dans sa rectitude avant d'avoir pu rien comprendre à ce qui s'était passé. Marc-Antoine, au contraire, est l'être fourchu par excellence : se présentant comme soldat, jouant de son parler malhabile, à la voix rauque aux articulations incertaines, aux accents plébéiens, il tient un discours extraordinaire, tout en bifurcations, qui va retourner le peuple romain.
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