Babi Yar. Contexte

2021

Thèmes : Occupation , Shoah

Cannes 2021 Documentaire. Avec : Dina Pronicheva, Hans Frank. 2h00.

A Lvov, actuelle Lviv, en Pologne en 1939, la ville est bombardée puis prise par les Allemands. Hans Frank, nommé gouverneur de la Pologne, vient y parader. Tous les Juifs sont tués par les nazis. Dégradés, dénudés, ils sont matraqués en pleine rue par des foules haineuses. Des femmes sous le soleil creusent joyeusement des tranchées en bord de rivière, ignorant probablement leur objet.

Des milliers de prisonniers russes marchent en se restaurent de pain puis sont parqués sous le soleil.

La guerre se prolonge jusqu'aux abords de Kiev où la population se prépare à l'offensive en dressant des barrières composées de sacs de terre. La ville est bientôt prise. Les portraits de Staline sont déchirés. Les nationalistes ukrainiens défilent en costume folklorique en agitant des fanions à croix gammée. Quelques jours après, le 24 septembre 1941, les explosions rue Krechtchatyk déciment deux états-majors de la Wehrmacht et provoquent des pertes civiles importantes avec des milliers de personnes qui se retrouvent sans abri. Avant que l’Armée rouge ne se retire de Kiev, la principale rue de la ville fut en effet minée par le NKVD (les services secrets soviétiques) avec des engins explosifs télécommandés. En représailles, une affiche intime aux Juifs de se rendre au cimetière juif en grande banlieue de Kiev avec vêtements chauds et objets de valeur. Quelques photographies témoignent de ce qu'indiquent les cartons : les 29 et 30 septembre 1941, sont exécutés par petits groupes, 33 771 juif, hommes, femmes, vieillards et enfants, dans le ravin de Babi Yar, tout près du cimetière, au nord-ouest de Kiev.

Les rafles des Juifs se perpétuent dans toutes les villes ou villages, ainsi à Loubny en Ukraine, le 16 octobre 1941. Les juifs sont contraints d'apporter nourriture et vêtements chauds. Sur place, ils sont déshabillés.

A l’été 1943, lors de la contre-offensive de l’Armée rouge, les cadavres ont en grande partie été brûlés par les nazis pour effacer les traces de leurs crimes. Les Russes exhument et brûlent les derniers ossements. Ils occultent la nature antisémite du massacre, désormais perpétré contre des « citoyens soviétiques pacifiques »

En janvier 1946 ont lieu des procès à Kharkiv et Kiev. Dina Pronicheva, une survivante témoigne s’être laissée tomber sur les cadavres avoir résisté aux bottes des soldats vérifiant qu'elle était morte puis aux pelletées de terre déversées sur elle puis comment elle avait fui au petit matin se réfugiant avec un jeune garçon dans les buissons autour en rampant. Un sous-officier témoigne sans sourciller avoit fusillé de nombreux groupes de Juifs à Babi Yar.

Douze criminels nazis sont pendus sur la place centrale de Kiev, connue alors sous le nom de place Kalinin. 200 000 habitants de Kiev viennent assister à l’exécution.

En décembre 1952, les Soviétiques décident de combler le ravin de Babi Yar avec les briques de l'usine voisine. L'inondation qui atteint Kiev quelques années plus tard est détournée vers Babi Yar, dorénavant submergé par les flots. Aux alentours, des immeubles collectifs s'élèvent peu à peu avec des bulldozers qui ramènent de la terre, profanant ainsi  la mémoire des massacres.

Les 29 et 30 septembre 1941, le Sonderkommando 4a du Einsatzgruppe C, avec l’aide de deux bataillons du Régiment de Police Sud et de la Police auxiliaire ukrainienne, a abattu, sans la moindre résistance de la part de la population locale, 33 771 Juifs dans le ravin de Babi Yar, situé au nord-ouest de Kiev. Ce lieu devient le symbole de l’extermination des juifs en Ukraine durant ce que les historiens nomment la « Shoah par balles ». Mais la mémoire ukrainienne de l’événement est longtemps, et est encore, très largement lacunaire. Après deux tentatives avortées – en raison de campagnes de presse hostiles – pour créer un Mémorial dans les années 2000, la troisième fut la bonne, grâce à des oligarques russes ou ukrainiens et un soutien international. Le Mémorial est, entre autres, parvenu à identifier l’endroit précis où les milliers de personnes avaient été fusillées : une enquête menée avec l’aide de Scotland Yard ! Le Mémorial a également réussi à identifier les noms de la quasi-totalité des victimes. Tout ce travail a été accompli avec le soutien officiel du président Zelensky.

Loznitsa voulait réaliser un film de fiction sur la tragédie mais la qualité des documents, images d'amateurs des occupants allemands ou images de propagandes allemande ou soviétique, trouvées au Mémorial pour ses recherches, pour la plupart inédites, l'a conduit à repousser ce projet. Avec Babi Yar. Concept, il produit un film de montage dépourvu de commentaire et d’entretiens, illustrant par de brefs cartons la chrono-géographie. La bande-son est étalonnée pour produire un impact plus naturel qu'une succession de documents disparates.

Comme son titre l'indique, le film reconstitue le contexte historique de cette tragédie à travers des images d’archives qui vont de 1939 au début des années 60. Est ainsi montré qu'après la prise des villes une courte période de chaos, de non-droit s'installe. Dans un contexte très difficile, la vraie nature d’un individu se révèle. Sans contrôle ni pression des autorités, dans une ambiance délétère, il semble que tout est permis, que les actes resteront impunis. En septembre 1941 de nombreux habitants de Kiev se doutaient que les Juifs allaient être exécutés et non « transférés dans le sud ». Mais personne ne protesta. Les procès de 1946 n'accouchèrent que de quelques exécutions. Les nazis commettent le crime, puis en effacent les traces, les Soviétiques en travestissent la nature puis comblent le ravin.

De nombreux officiers et soldats allemands avaient apporté avec eux des caméras amateures et ont filmé la vie quotidienne de la cité. Ces images n’étaient pas exploitables pour des films de propagande, mais c’est ce matériel qui donne à voir des bribes de la vie de tous les jours à Kiev dans les années 1941-1943. Aucun film des camps où ont été enfermés 3 millions de prisonniers soviétiques, abandonnés sans nourriture ni abri n'ayant été conservé, les scènes filmées diffusées sont celles de la libération d'une partie de ces prisonniers (ceux ayant une compétence professionnelle utile pour l'occupant). Une partie des images utilisées est restée enterrée dans les archives pendant des décennies. Personne ne les avait jamais vues. Pas même des historiens spécialistes de l’Holocauste en URSS. Quelques archives insoutenables n'ont pas étés utilisées. Après le massacre, quelques rares Juifs invalides et âgés, qui étaient trop faibles pour marcher jusqu’à Babi Yar, restèrent dans le quartier de Podil à Kiev. Ils furent pourchassés par les habitants, arrachés à leur logement et lapidés à mort. Les habitants firent cela de leur propre initiative, sans aucune intervention allemande.

Les explosions de Krechtchatyk le 24 septembre 1941 provoquent des pertes civiles importantes, et des milliers de personnes se retrouvèrent sans abri. Les Soviétiques, qui avaient posé les bombes, ne considéraient pas les pertes humaines et les destructions de masse comme un élément devant interférer avec la planification de leurs opérations militaires.’il est crucial de relier la tragédie de l’extermination de la totalité de la population juive de Kiev avec les réalités de la vie sous l’occupation allemande. Sergei Loznitsa ne se contente pas, toutefois, de cette structure binaire qui stigmatise la victimisation d’une nation ukrainienne écartelée entre Hitler et Staline. Il montre aussi la face sombre d’un nationalisme ukrainien qui se vendit corps et âme au nazisme, pour mieux se venger de la férule soviétique, et qui, à ce titre, participa pleinement au massacre des juifs d’Ukraine, dans une indifférence à peu près générale.

A compter de l’occupation nazie, Les nazis fusillent méthodiquement, les corps s’amassent par piles dans les fosses, qui sont ensuite recouvertes de terre ou de chaux. Un million et demi de juifs succombent à cette tuerie de masse exercée sur environ cinq cent sites répertoriés. Un peuple a disparu : il y avait plus de deux millions de juifs en Ukraine, il y en a aujourd’hui quarante mille

Source : dossier de presse