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Still Walking

2009

Genre : Drame social
Thème : Famille

(Aruitemo aruitemo). Avec : Hiroshi Abe (Ryôta Yokoyama), Yui Natsukawa (Yukari Yokoyama, la femme de Ryôta), You (Chinami Kataoka, la soeur de Ryôta), Kirin Kiki (Toshiko Yokoyama, la mère de Ryôta), Yoshio Harada (Kyohei Yokoyama, le père de Ryôta), Kazuya Takahashi (Nobuo Kataoka, le mari de Chinami), Shohei Tanaka (Atsushi Yokoyama, le fils de Yukari), Hotaru Nomoto (Satsuki Kataoka), Ryôga Hayashi (Mutsu Kataoka), Susumu Terajima (Le livreur de sushis). 1h54.

Une journée d'été à Yokohama chez les Yokoyama. Chinami aide sa mère Toshiko à peler des radis blancs pour le repas du midi. Toute la famille doit se retrouver, comme tous les ans, pour commémorer la mort tragique du frère aîné, Junpei, décédé quinze ans plus tôt en tentant de sauver un enfant de la noyade.

Chinami est marié à Nobuo, un commercial aussi gentil et sans soucis qu'elle, avec qui elle a deux enfants. On attend Ryôta, le cadet devenu l'aîné après la mort de son frère, pour l'heure de l'apéritif. Ryôta s'est marié dans l'année avec Yukari, une jeune veuve, mère de Atsushi, un garçonnet renfermé et observateur.

Seul Yoshio, le père médecin, semble étranger à la fête qui se prépare. Alors qu'il est en retraite, il se voudrait toujours le chef de la famille. Il néglige les tâches domestiques pour asseoir ce qu'il croit encore être son statut de médecin respecté.

Dans le bus qui le conduit de la gare à chez ses parents, Ryôta essaie de trouver avec sa femme Yukari un moyen de rentrer dès le soir chez eux sans passer la nuit chez ses parents. Yukari pour laquelle il s'agit de la première rencontre avec ses beaux-parents refuse de trouver un prétexte mais comprend les réticences de Ryôta, toujours effrayé par les jugements de son père sur sa vie. Elle promet de ne pas faire la moindre allusion au fait que son travail de restaurateur de tableaux ne lui rapporte plus d'argent...

Ryôta, Yukari et Atsushi arrivent en même temps que Nobuo et ses deux enfants partis se promener. C'est l'heure de l'apéritif et des premières piques perfides.

Chinami essaie d'obtenir le consentement de sa mère pour qu'elle fasse raser l'ancienne clinique de son mari ce qui permettrait la construction d'une aile supplémentaire destinée à l'accueillir, elle et sa famille près de ses parents.

Après le repas alors que Nobuo s'est endormi et Yoshio enfermé dans son bureau, Ryôta, Yukari, Atsushi et Toshiko vont sur la tombe de Junpei.

Vers quatre heures, vient rendre son habituelle visite annuelle à la famille celui qui, enfant, a été sauvé de la noyade par Junpei.

C'est ensuite le départ de Chinami et Nobuo et de leurs deux enfants qui gardent espoir d'emménager bientôt auprès des parents de la jeune femme.

Le soir, Toshiko fait écouter son disque "Marcher à Yokohama" puis, sous prétexte de donner des kimonos à Yukari, tente de la dissuader d'avoir des enfants avec Ryôta. Un peu plus tard, Toshiko devient hystérique à la vue d'un papillon qu'elle prend pour une réincarnation de son fils défunt.

Ryôta a pris son bain avec Atsushi et Yukari se réjouit de voir son fils se rapprocher de son mari.

Au matin, les hommes : Ryôta, Atsushi et Yoshio vont se promener sur la plage. Et c'est l'heure du bus du retour.

Ryôta et Yukari, blessée par l'accueil hypocrite de ses beaux-parents, se promettent de ne pas revenir avant le nouvel an qui succédera au prochain, maintenant trop peu éloigné pour une nouvelle visite.

En voix off Ryôta nous apprend que ses parents sont morts dans les trois ans qui ont suivi : Yoshio d'abord puis Toshiko.

Quelques années plus tard, Ryôta, Yukari, Atsushi sont devant la tombe de Junpei et répètent le geste de rafraîchissement de la tombe que fit autrefois Toshiko. Atsushi a désormais une petite soeur. Ryôta lui raconte l'histoire du paillon jaune avant de s'asseoir au volant de sa voiture

Avec un soupçon d'humour, de chagrin et de mélancolie, Kore-Eda nous donne à voir une famille comme toutes les autres, unie par l'amour, les ressentiments et les secrets. Chacun des personnages possède une blessure qu'il sait ses proches impuissants à guérir. Il ne peut dès lors que souffrir en silence à chaque fois que ces mêmes proches appuient consciemment ou inconsciemment sur cette plaie.

Un fin tricotage psychologique

Ryôta après le décès de Junpei n'a pas supporté la volonté de son père de le voir prendre sa succession à la tête de la petite clinique paternelle. Sans doute moins doué que son frère, il est parti de la maison pour se lancer dans la restauration de tableaux et a bien du mal à se trouver une clientèle. Ses parents ont fini par le considérer comme un raté, le figer dans sa passion maintenant enfuie pour le base-ball, oublier ses succès féminins et ses mots d'humour, tous transférés sur Junpei. Il lui est donc impossible d'avouer la passe difficile qu'il traverse. Il finit aussi par comprendre que ses parents désapprouvent son choix d'épouser une veuve. Chaque allusion à l'humour, au succès féminin ou à la famille, autant de sujets incontournables dans cette journée, vont donc blesser Ryôta.

Yoshio, le père de Ryôta s'est figé dans son attitude de patriarche autoritaire protégé par son succès professionnel et fuit toute conversation car il n'a plus d'ordre à donner. Il souffre de la défection de Ryôta qu'il ne comprend pas et, de plus en plus, de la vitalité dont fait preuve sa femme. Elle est maintenant l'âme de la maison. Il dira ainsi ne pas comprendre que ses petits enfants disent aimer "la maison de mamie" alors que c'est lui qui l'a achetée avec ses revenus. Il cache aux autres l'inactivité à laquelle le condamne son glaucome et ne peut plus rendre le moindre service médical. Il devra avouer à sa voisine ne plus pouvoir rien faire pour elle et lui conseille d'appeler l'ambulance de la clinique...celle là-même qui l'avait condamné à l'inactivité.

Toshiko, le mère de Ryôta, est le personnage le plus assuré de la famille masquant derrière une humilité de façade, due au fait qu'elle n'a jamais travaillé, la volonté de rester maître de son destin. Elle ne veut pas de cohabitation avec sa fille, aime rêver en écoutant des disques ou s'acheter des cadeaux avec l'argent de poche qui lui donne son fils. Elle se délecte de la souffrance annuelle qu'elle inflige à celui que son fils a sauvé en l'invitant cruellement à chaque anniversaire. Elle tente vainement de dissuader sa belle-fille d'avoir un enfant.

Voyage à Yokohama

Dans Voyage à Tokyo, deux vieux parents prenaient conscience de l'égoïsme de leurs enfants, emprisonnés dans leurs soucis quotidiens et embarrassés par leur venue, même s'ils pressentaient bien qu'elle serait la dernière.

Ici ce sont plutôt les enfants qui sont confrontés à des parents dont ils sollicitent en vain l'aide ou l'amour. Ce n'est pas que cet amour soit inexistant mais il est insuffisant pour les faire accéder aux désirs de leurs enfants de vivre une vie plus facile. Face à cette attitude figée, les enfants se referment et n'offrent pas à leurs parents les signes d'amour qu'ils regretteront, ceux-ci une fois morts, de ne pas leur avoir donné.

L'image de la branche fleurie cueillie le matin par les enfants et qui se décompose dans le petit vase au cours de la journée ou la reprise de l'histoire du papillon jaune dit assez la puissance des liens affectifs qui défient la mort. Kore-Eda pointe le gâchis en laissant alors planer ce cri "trop tard, trop tard". Bientôt, il sera trop tard pour se souvenir du nom du champion de Sumo, pour promener sa mère en voiture ou pour aller au stade avec son père.

Jean-Luc Lacuve le 29/04/2009

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