Goodbye Julia

2023

(Wadaean Julia). Avec : Eiman Yousif (Mona), Siran Riak (Julia), Nazar Goma (Akram), Ger Duany (Ager). 2h00.

30 juillet 2005. Le leader des chrétiens du Sud, John Garang, meurt dans un accident d’hélicoptère. La nouvelle tombe à la télévision dans le salon cossu de Mona et de son mari Akran , un couple bourgeois de Khartoum. Cet événement remet en question un plan de paix signé quelques mois plus tôt entre L'APLS (Armée populaire de libération du Soudan, les rebelles sudistes), et le pouvoir de Khartoum. Un accord censé mettre fin à plus de vingt ans de guerre civile entre le Nord, majoritairement musulman, et le Sud, peuplé principalement de catholiques. Sous les fenêtres de Mona et Akram, la violence se déchaîne.

Dans un autre quartier, Julia, son mari et leur petit garçon Daniel doivent quitter leur logement, expulsés parce qu'ils sont chrétiens. Ils trouvent refuge chez la soeur du mari, chaleureuse mais pauvre, survivant grâce au trafic d'alcool dans un bidonville.

Mona, ancienne chanteuse, doit se cacher de son mari, Akram, autoritaire et machiste, pour assister, voilée, au concert d'un groupe de musiciens. Mais du fait des émeutes,le concert est reporté. Au retour, en traversant un bidonville au volant de sa voiture, Mona renverse le petit garçon de Julia et, paniquée, prend la fuite au lieu de lui venir en aide. Quand le père de l’enfant, furieux, la poursuit en moto jusque chez elle, le mari sur la défensive, l’abat froidement d’un coup de fusil, profitant que ce soit un pauvre sudiste, fait disparaître le corps grâce à des relations bien placées : c'est un rebel inconnu tué par des inconnus.

Julia cherche désespérément son mari mais personne ne peut lui donner d'information. Torturée par la culpabilité, Mona enquête de son côté pour connaître l'identité de l'homme assassiné par sa faute et celle de son mari. Un policier corrompu lui donne les papiers subtilisés sur le cadavre de l'homme enterré anonymement. Mona engage sa femme, Julia, comme domestique et l'invite, elle et son petit garçon, à s'installer dans sa maison. Les deux femmes se rapprochent et deviennent amies et Daniel est accueilli comme un fils par ce couple privé d'enfant, Mona se chargeant de payer son éducation, Akram partageant avec lui des moments de complicité dans son atelier.

Petit à petit, entre les deux femmes que tout est censé séparer se noue une complicité qui fait fi des hommes, de leur autorité, de leur racisme, de leurs religions. Julia encourage Mona à remonter sur scène alors que son mari contrôle le moindre de ses appels téléphoniques. Toujours voilée, elle ment pour aller écouter un concert et ne doit qu'à l'intelligence de Julia d'échapper à une nouvelle inquisition. 

2010. Julia a repris des cours de biologie grâce à Mona et rencontré Ager, militant de L'APLS...

Mohamed Kordofani est issu de la communauté musulmane de Khartoum; ingénieur en aéronautique, il est passé au cinéma pour essayer de se "débarrasser de ce racisme hérité". Il se dit "animé par un sentiment de culpabilité et un profond désir de réconciliation". Le réalisateur raconte le drame d'un pays à l'échelle de ces deux femmes, qu'il met au centre de son film. De cette manière, il met en lumière le mensonge, qui règne dans une société verrouillée par ses fractures, n'offrant pas d'autre issue que la duplicité à ses membres pour survivre.

Au milieu des hommes qui imposent, qui menacent et qui crient, une sororité se construit, ainsi, en sourdine, au fil des années, même si la séparation, le séparatisme sont inéluctables. La silhouette d’une chrétienne qui pleure, assise dans la poussière, alors qu’au même moment une musulmane tremble, enroulée dans son drap de lit comme dans un linceul. Plus tard, ces deux incarnations d’un apprentissage de la tolérance se confient, l’une tressant les cheveux de l’autre. . Avec elles deux, c’est un double visage d’émancipation volontariste que le film offre, en accord avec son titre en forme d’au revoir, mais, aussi, de nouveau jour possible.