Thomas a 22 ans. Pour sortir de la dépendance, il rejoint une communauté isolée dans la montagne, sur le plateau du Trièves en Isère, tenue par d’anciens drogués qui se soignent par la prière. Marco l'informe des règles : ni drogue, ni alcool, ni cigarettes ni relation avec des filles. Il sera toujours avec quelqu'un une sorte d'ange gardien qui veillera sur lui. Pierre le guide ainsi premiers jours pour la prière, les chants et les travaux de la ferme. Thomas subit un douloureux passage de manque et ne s’implique ni dans la prière ni dans les travaux répétitifs et souvent inutiles…
Cédric Kahn se déclare agnostique et le regard qu'il porte sur la communauté est bienveillant tout en en soulignant les limites thérapeutiques. Cette communauté est une bulle de fraternité chaleureuse et salvatrice pour échapper à la drogue. Néanmoins comme rien n'est proposé pour aider à la réinsertion, le retour à la vie normale se solde par une répétition des errances qui ont conduit les garçons ici. La séquence des témoignages sobres et forts lors de la fête annuelle le dit très clairement.
La seule perspective est de rester au sein de la communauté. C'est le parcours de Pierre qui a pourtant une femme et un fils qui viennent le voir mais dont on ressent la fragilité. Elle est encore trop grande pour qu'il puisse sortir. Ce serait aussi le cas de Thomas sans sa rencontre avec Sybille. Une fois son engagement confirmé grâce à sa discussion avec la jeune fille, Thomas se lance à corps perdu dans la prière. Il apprend les psaumes par cœur et se persuade même qu'il a reçu la grâce: sauvé de sa blessure dans la montagne, il est appelé par Dieu pour se faire prêtre.
Mise en scène de la grâce
Lors de la descente de l'un des massifs du Vercors, Thomas perd le contact avec ses camarades et fait une chute sur un versant rocheux. Il constate un très gros hématome sur son genou qui l'empêche de marcher. La nuit, alors que la lune disparait sous les nuages, il prie Dieu de ne pas l'abandonner. Au matin, il constate que son hématome s'est presque résorbé et qu'il peut marcher. Le soleil et de l'eau fraiche facilitent sa descente. Il ne s'agit pas d'un miracle à proprement parler mais du sentiment de la grâce reçue.
C'est ce qu'avaient ressenti les personnages d'Ingrid Bergman dans Stromboli ou de Marie Rivière dans Le rayon vert.
Grâce illusoire et amour possible
Cette illumination provient de Dieu... ou de la personne qui la ressent. Thomas s'est conditionné ainsi pour devenir prêtre. Cédric Kahn aurait pu achever son film sur une boucle : le dernier plan de Thomas dans le bus vers le séminaire répondant au premier le voyant arriver dans la communauté. Le sentiment de la vie, plus fort et plus complexe, le reprend au souvenir de Sybille. Il va la rejoindre en Espagne.
Magnifique dernière séquence et notamment dernier plan où Thomas apparait dans la profondeur de champs, derrière Sybille. Il se tient immobile derrière elle et Sybille ressent sa présence.
Jean-Luc Lacuve, le 07/05/2018 (voir autre avis)