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An elephant sitting still

2018

(Da xiang xi di er zuo). Avec : Yuchang Peng (Wei Bu, l’adolescent), Yu Zhang (Yu Cheng, le grand frère), Uvin Wang (Huang Ling, l’adolescente), Congxi Li (Wang Jin, le grand-père), Xiaolong Zhang (Yu Shuai), Ling Zhenghui (Li Kai) Xiang Rong Dong (Dean), Jing Jing Guo (La femme de Dean), Miaomiao He (La mère de l'ami de Cheng). 3h50.

Cheng se réveille et raconte à la femme dont il vient de quitter le lit l'histoire de l'éléphant qui reste toujours assis dans le zoo de la ville de Manzhouli. Quoi qu'il arrive, quoi qu'on lui fasse, imperturbable, il reste assis.

Des pas dans la neige conduisent au vieux Wang Jin qui se réveille dans son lit installé sur le balcon-véranda d'un vieil immeuble.

La compagne de Yu Cheng se lève; cette histoire de l'éléphant qui reste toujours assis, on la lui a déjà racontée. Il faut maintenant que Cheng s'en aille; il est hors de question qu'il reste là pour la journée. Cheng téléphone alors à une autre femme. Il demande à la voir le midi, lorsqu'elle sortira de son repas d'affaires. Cheng interpelle du haut de l'immeuble un habitant qui tente de brûler des ordures sur place. C'est alors que des coups sont frappés à la porte. C'est le jeune mari de la femme qui revient chercher de bonnes chaussures. Il constate que son ami Cheng est dans sa chambre et se jette dans le vide par la fenêtre ouverte. Cheng court en bas de l'immeuble pour constater la mort de son ami.

Wei Bu, un adolescent ferme la fenêtre de sa chambre avec un ruban double-face. Son père l'injurie d'avoir précédemment laissé la fenêtre de sa chambre ouverte. Il règne désormais dans la maison une odeur pestilentielle. La mère de Bu le soupçonne d'avoir volé sa carte de transport pour s'acheter du temps de jeux dans un cybercafé. Son père en rajoute dans les accusations et enjoint son fils d'aller habiter chez sa grand-mère. Bu l'aurait fait dit-il si elle avait du chauffage. Son père malade, une jambe maintenue par des atèles, continue de l'injurier et Bu quitte l'appartement avec sa mère en l'aidant à porter d'encombrants sacs de vêtements.

Le vieux Wang Jin est pris à partie par son gendre pendant que sa fille habille sa petite-fille qui doit partir à l'école. Le gendre voudrait que Jin accepte enfin de partir de son appartement afin qu'il le vende pour habiter un meilleur quartier où sa fille pourra aller dans une bonne école. Ici, ce sont les pires conditions d'éducation que reçoivent les enfants et lui-même, professeur, voudrait enseigner dans une école privée et faire des heures supplémentaires. Jin refuse une nouvelle fois de quitter son appartement dont il n'occupe pourtant plus que le balcon ayant laissé le reste à sa famille. Dans la maison de retraite, on n'accepte pas les chiens et le sien est son seul réconfort dans la vie.

Bu aide sa mère à déposer ses sacs dans son tricycle à moteur. Il la regarde partir. Le vieux Jin et son chien descendent les escaliers et le dépassent. Avant que lui même ne sorte, Bu se retire dans le hall et enflamme une allumette qu'il lance au plafond. Elle s'y consume au milieu d'autres traces d'allumettes carbonisées puis retombe sur le sol.

Générique sur des plans de la ville dans le brouillard.

Huang Ling découvre avant de partir au lycée que la machine à laver a de nouveau fuit et inondé la salle de bain. Elle s'en plaint à sa mère qui se réveille tout juste. Elle est encore allongée dans son canapé. Elle se sent dépassée et demande à Ling de retrouver son carnet d'entretien. Elle lui indique où se trouve son gâteau d'anniversaire mais est peinée de voir que sa fille n'en a guère pris soin. La dispute entre la fille et la mère dégénère et Ling quitte l'appartement.

Bu et son ami Kai discutent sur le chemin du lycée. Bu conseille à Kai de payer à Yu Shuai, la terreur du lycée, un nouveau téléphone afin de mettre un terme à son accusation de vol. Kai refuse car ce serait reconnaitre qu'il est un voleur. En arrivant au lycée, Shuai joue de son pouvoir, dû au seul fait que son frère, Cheng, est le vrai caïd du quartier. Il humilie un lycéen qui s'était révolté contre ses ordres. Shuai n'apprécie guère que Bu prenne la défense de Kai et leur donne rendez-vous à la récrée. Bu retrouve Ling, son amie, et lui demande de le retrouver après les cours au pavillon aux singes. Ling refuse : elle a un autre rendez-vous....

Par sa monumentalité, son économie de moyens esthétiques et son noir désespoir, le film restera dans l'histoire de la cinéphilie. Pas certain néanmoins qu'il dépasse ce cadre restreint tant le film pèse des tonnes pour ces mêmes raisons et s'apparente un peu à une purge pour le spectateur. Les sentiments affleurent rarement et son délayés dans des séquences très longues qui narrent en 3h50 les parcours croisés de quatre personnages principaux durant une journée.

On sent peut-être trop que la répétition systématique du flou de l'arrière-plan pour devenir net lorsque les personnages s'approchent est un procédé qui tient davantage à l'économie du film qu'au surgissement d'un sentiment. Le procédé est en effet utilisé une vingtaine de fois, aussi bien pour des situations de danger que pour les rencontres intimes entre deux personnages.

Les plans-séquences qui suivent les personnages marchant de dos rappellent ceux de Bela Tarr ou de Gus van Sant mais ne marquent pas une rupture avec la narration, une sorte d'épiphanie du sentiment, un surgissement poétique au milieu d'une dramatisation faible. Caractéristique est le long plan-séquence d'une trentaine de minutes sur le terre-plein qui domine la gare de chemin de fer. L'attente et la réconciliation, belle et improbable, entre Bu et de Cheng, est gâchée par l'intervention ridicule de Kai qui se suicide.

Ce qui fait ici office de respiration poétique, ce sont les quelques plans de pas dans le neige (déterritorialisés puisqu'il ne neige pas dans ce pays condamné à la pluie et au brouillard) qui ponctuent la voix off d'un personnage.

La fin du montage et la distribution du film ne sont intervenus qu'après le suicide de son réalisateur. Est-ce pour cela que l'on ne sait trop si l'éléphant qui reste assis est dans un zoo, comme l'exprime Cheng au début, ou dans un cirque comme on le voit un court instant sur un encart publicitaire ? Est-ce le refus d'un montage classique qui fait débuter le dialogue entre Ling et le proviseur adjoint après que Bu ait posé l'affiche "T'es foutu" qui finira par être remarquée par Ling au cours de la conversation ?

On en voudra moins au film de laisser systématiquement hors champ la violence (suicide de l'ami, chute de Shuai dans les escaliers, attaque du chien blanc, suicide de Kai) tant, finalement, le désespoir est tel qu'un suspens serait artificiel. Le final est par ailleurs très beau : il ne reste qu'à jouer avec une sorte de plume et rêver d'atteindre la plénitude de l'éléphant toujours assis. Cette attitude est un rêve : il n'existe que hors champ, manifesté par un cri.

Jean-Luc Lacuve, le 28 janvier 2019.

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