Hotel by the river

2018

Avec : Ki Joo-bong (Younghwan), Kim Min-Hee (Sanghee), Song Seon-mi (Yeonju), Kwon Hae-hyo (Kyungsoo), Yoo Joon-sang (Byungsoo). 1h36.

Un vieux poète, Younghwan, pensant que sa fin est proche a demandé à ses deux fils de venir le rejoindre. Il loge dans un hôtel au bord d’une rivière et se plaint du froid qu'il fait dehors alors que la neige est tombée. Il observe au travers de la vitre, la jeune Sanghee et voit qu'elle s'est blessée à la main. Appelé au téléphone, il refuse que ses fils montent dans sa chambre et les invite à venir prendre le café dans le hall de l'hôtel. Ils y consentent mais déclarent vouloir amener leur café, payé moins cher. Comme Younghwan descend, Sanghee remonte dans sa chambre soigner sa main blessée par une brulure. Younghwan est abordé par la serveuse de l'hôtel qui lui demande de lui dédicacer son livre de poèmes.

Kyungsoo et Byungsoo, les fils de Younghwan, arrivent en voiture et s'installent au bar de l'hôtel. Ils s'étonnent que leur père ne soit pas là et se disputent. L'aîné, Kyungsoo, traite son frère bouffon quand celui-ci explique que son dernier film a obtenu suffisamment de succès pour lui permettre de continuer à faire du cinéma. Il reconnait n'être qu'un salarié, peu payé, de la production.

Yeon-ju arrive en voiture, elle remarque la grosse voiture de Kyungsoo et vient rejoindre Sanghee, qui l'a appelée, désemparée par le retour auprès de sa femme de l’homme marié avec qui elle vivait. Sanghee et Yeon-ju discutent un peu puis s'allongent côte à côte tant la première est épuisée moralement par sa rupture. Elles vont ensuite marcher dans la neige au bord de la majestueuse rivière Han.

Younghwan remarque les silhouettes des deux jeunes femmes dans leurs longs manteaux noirs sur l’étendue de blancheur. Il s'approche d'elles pour leur dire la joie qu'il a de les voir si belles. Quand il leur révèle être le célèbre poète, Yeon-ju et Sanghee se disent d'autant plus ravies de ses compliments. Quand elles s'en vont, Younghwan remarque ses deux fils derrière les baies vitrées.

Le père et les fils se retrouvent enfin. Younghwan leur explique qu'il vit là, invité gratuitement par le gérant qui admire ses poèmes. Puis le père disparait à la recherche d'un cadeau pour ses fils. Ceux-ci le cherchent dans l'hôtel. Younghwan ramène deux peluches pour ses fils qui s'en disent ravis et posent pour une photo. Il leur explique le sens du prénom qu'il a donné à chacun d'eux. A l'ainé, un prénom pour "régner sur le monde", au cadet celui d'être toujours "aux cotés" de son frère.

Yeon-ju et Sanghee se reposent dans la chambre et discutent du poète et de son fils cinéaste. Elles se décident à aller manger au restaurant. Là, elles retrouvent Younghwan et ses fils qui boivent de l'alcool. Younghwan disparait une nouvelle fois et ses fils pensent qu'il est reparti à l'hôtel. En fait, il est resté au restaurant pour lire à Yeon-ju et Sanghee son dernier poème : une étrange fable sur la beauté qui n'est plus. Le matin, les fils retrouvent leur père, mort dans sa chambre et pleurent sa disparition. Dans la chambre d'à côté, Yeon-ju et Sanghee n'ont pas calmé leur douleur.

Hotel by the river est un film étrange, presque en apesanteur dans ce décor unique d'un hôtel au bord de la rivière Han, recouvert de neige où les histoires de chacun semblent se terminer. Il est ainsi possible d'y trouver un essai poétique sur la mort à venir ; se réconcilier avec ses fils, écrire un dernier poème célébrant la beauté avant de mourir. Dans cet hôtel purgatoire, reste néanmoins une force vive, celle du jeune cinéaste.

Un film étrange

Dans ce film, les relations amoureuses, si présentes chez Hong Sang-soo, sont terminées.  Le mari de Yeon-ju est sans doute mort (elle en parle au passé) dans l'accident de voiture qui est désormais celle des fils. Sanghee vient d'être quittée. Kyungsoo est divorcé mais n'ose l'avouer à son père qui aimait beaucoup sa belle-fille. Byungsoo est semble-t-il sans attache. Younghwan est honni par son ex-femme.

Hong privilégie toujours les discussions dans des plans longs. Des éléments formels exceptionnels s'y trouvent néanmoins : un générique en voix-off comme chez Sacha Guitry, une précision sur la rapidité du tournage, deux semaines du 29 février au 14 mars ; une musique élégiaque au piano, trois fois sur Sanghee (dont la première avec un zoom-arrière très marqué) et deux fois sur Younghwan ; des plans en flashes-back sur Younghwan marchant alors qui raconte son histoire à ses fils.

Symbolique de mort, puissance du cinéma

Il est possible de voir dans le film un essai poétique sur la mort à venir. Dans cet hôtel purgatoire, le gérant de l'hôtel serait un dieu bienveillant qui accueille Younghwan au seuil de la mort, lui accorde la vision de deux anges pour composer un dernier poème avant de lui dire que son temps est fini et qu'il va devoir quitter cette terre. Les fils pleurent, la neige continuera de tomber et le fleuve de couler et les anges continueront de souffrir du malheur des humains.

Restent néanmoins la jeunesse de la serveuse, admirative aussi bien du père, poète, que du fils, cinéaste, et celle, justement de ce dernier. Byungsoo admet n'être qu'un outil au service d'une production économique qui gère des profits qui le dépassent mais heureux de pouvoir continuer à tourner. Les deux anges dissertent sans concession sur son cinéma : ambigü, parfois ennuyeux, cinéma ni commercial ni vraiment d'auteur. Mais qu'importe, Byungsoo a le temps avant que son heure soit venue. D'ailleurs Hong lui-même a déjà sorti un autre film après celui-là : La femme qui s'est enfuie. La mort ne menace pas le cinéma.

Jean-Luc Lacuve, le 13 août 2020.

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