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La caméra de Claire

2017

Avec : Isabelle Huppert (Claire), Kim Min-Hee (Jeon Manhee), Jang Mi Hee (Nam Yanghye), Jung Jin-young (So Wansoo). 1h09.

Manhee est l'assistante efficace d'une entreprise de distribution coréenne venue à Cannes promouvoir son film durant le festival. Sa patronne insiste pour la raccompagner chez elle le soir. Quelques jours plus tard, Manhee rencontre une collègue amie à laquelle elle explique qu'elle a du accepter de démissionner. Comme son amie est incrédule, Manhee lui raconte ce qui lui est arrivé.

Le soir en question, Manhee et sa patronne se sont installées à la terrasse d'un café dans une rue ventée. Nam Yanghye a déclaré qu'elle ne pouvait plus travailler avec quelqu'un qu'elle ne considérait pas comme honnête, pour elle la plus grande des qualités. Manhee n'a pu en savoir davantage et cachant sa tristesse en caressant un gros chien, elle s'est résignée à démissionner.

L'amie de Manhee est outrée de cette décision incompressible, prise envers Manhee, employée modèle depuis cinq ans. De plus, Manhee est obligée de rester quelques jours de plus à Cannes car son billet d'avion n'est pas échangeable.

So Wansoo, un réalisateur, rejoint Yanghye sur la plage près d'un gros paquebot. Celle-ci le sermonne pour s'être laissé aller à coucher avec Manhee alors que tout deux avaient trop bu. Wannsoo promet de ne plus recommencer et s'atriste quà cause de lui, Yanghye ait perdu une précieuse collaboratrice.

Manhee, sur la même plage et à proximité du même gros paquebot, croise une jeune réalisatrice de courts-métrages qui est allé rendre visite à So Wannsoo.

Claire accompagne une amie réalisatrice qu'elle quitte quand celle-ci va vers sa projection de presse. A la terrasse d'un café, Claire aborde un bel inconnu, âgé comme elle d'une cinquantaine d'années. C'est le réalisateur coréen So Wansoo dont elle découvre la filmographie sur internet. Claire et Wansoo sympathisent. Elle lui déclare être enseignante et prendre des photos.

Tous deux vont dans une librairie où Claire apprend à Wansoo à déchiffrer dans  C'est tout (1999), un court poème de Marguerite Duras (Je veux parler de quelqu’un. D’un homme de vingt-cinq ans tout au plus. C’est un homme très beau qui veut mourir avant d’être repéré par la mort. Vous l’aimiez. Plus que ça). Claire accompagne ensuite Wansoo au restaurant où il a rendez-vous avec Yanghye. Elle leur montre les photos qu'elle a prises tôt ce matin avec son Polaroïd. Ainsi celle d'une belle jeune fille très maquillée dans laquelle Wansoo et Yanghye reconnaissent Manhee. Claire prend Wansoo en photo tout en  prétendant que ses photos transforment ses modèles, qui après ne sont plus les mêmes. Sans doute parce que "la seule façon de changer les choses, c’est de tout regarder à nouveau, très longtemps". Yanghye demande à être photographiée aussi; elle garde sa photo sans être convaincue d'avoir changé.

Claire va se promener sur la plage où elle rencontre Manhee, sans reconnaitre en elle la jeune fille très maquillée prise en photo le matin. Néanmoins chacune fait assaut de compliments envers l'autre tant est si bien que Manhee propose à Claire de l'accompagner chez son colocataire pour lui faire la cuisine. Elle lui chante aussi une petite chanson qu'elle a composée.

Au restaurant, Wansoo propose à Yanghye d'en rester à une relation amicale et professionnelle. Ce qui 'n'est pas du gout de celle-ci. Claire vient récupérer son manteau et se désole de voir que Wansoo a trop bu.

Chez les colocataires de Manhee, ce sont finalement eux qui ont fait la cuisine. Claire montre la photo de Wansoo prise dans l'après-midi et décrit Yanghye. Manhee comprend alors pourquoi elle a été renvoyée : seulement parce que Yanghye était  jalouse de sa relation avec Wansoo.

Un soir suivant, Manhee, lors d'une réception, est restée un peu à l'écart sur le balcon. Wansoo vient l'aborder et lui reproche sa tenue : un short qui dévoile trop ses jambes. Il se met en colère ; une si belle personne ne devrait pas ainsi avoir besoin d'aguicher les hommes. Manhee lui demande de partir. Wansoo rejoint alors Yanghye, sans doute pour une nouvelle fête cannoise. Alors que Claire passe avec son appareil photo, Manhee lui demande sèchement de la laisser tranquille; ce que fait Claire.

Un soir suivant,  Manhee se promène avec Claire et lui montre l'endroit où elle a été licenciée. Elles retrouvent le gros chien qu'elles ont vu toutes les deux. Et pendant que Caire s'enquière de son propriétaire, Manhee se remémore la scène de son licenciement. Un peu plus tard, Claire et Manhee discutent chez celle-ci. Elle reçoit un appel téléphonique  et demande à Claire de l'excuser. C'est Yanghye qui vient la retrouver.

Manhee s'affaire dans la société de production de Yanghye qui l'a réintégrée. Le festival se termine et il faut tout mettre en carton, tache que, comme à son habitude, Manhee remplie efficacement et sans l'aide de personne.

Manhee, victime des discours moraux  grandiloquents de  Yanghye et Wansoo, possède un sourire et une grâce que magnifie Hong Sang-soo en la promenant sur la plage ou en lui faisant fredonner une petite chanson de rien.

Ce film, bricolé en cinq jours durant le festival de Cannes 2016, est mineur dans la filmographie du plus grand réalisateur coréen mais ravit par sa fragilité même.  

Le film se compose de trois actes : Manhee licenciée, Manhee en comprend la raison, Manhee est réintégrée. Le spectateur, mis au courant très tôt de la raison du licenciement, attend le moment où, inévitablement, Manhee comprendra. Elle pourrait croiser le couple sur la plage, apprendre l'information de Wansoo lui même quand elle s'approche de son hôtel.

Mais nul besoin de précipiter les choses tant il s'agit de prendre son temps pour regarder mieux tout à la fois nos travers et notre capacité à faire évoluer les choses. Cela est possible si on a la chance de trouver une médiatrice ; en l'occurrence ici la fantasque Claire, pour nous donner l'occasion de voir plus longuement l'état des choses et donc d'avoir la possibilité de réparer.

Claire répare-t-elle les choses avec son appareil photo polaroid ? A-t-elle un pouvoir magique comme le souligne le dossier de presse ? Plus simplement, elle met en relation des lieux et des personnages qui, sans elle, seraient restés séparés.

Jean-Luc Lacuve, le 18 mars 2018.

 

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