Lors d'une fête de mariage en plein air, on remet un revolver au curé, qui s'adresse à nous "Au début de cette histoire, notre monde était horrible. On a du mal à s'imaginer la vie à cette époque là. Il y a trois mois, la citée comptait 953 habitants, 456 chômeurs, 302 alcooliques, 251 voleurs, 220 fascistes, 220 intégristes musulmans,192 drogués, 59 séropositifs, 3 communistes, et moi-même, le curé.
Dans la cité du Plan d’Aou, perchée au-dessus de Marseille, explique le curé qui officie dans une église en tôles ondulées, il y a Simona Viali qui élève seule ses quatre enfants depuis la mort de son mari. Elle partage son temps entre ménages et la vente des objets tombés du camion; notamment ceux que Jackpot, aussi habile voleur que conducteur, ramène chaque soir dans la citée, réconfortant au passage la prostituée vieillissante qui a peur de ne plus pouvoir payer le loyer. Dans la citée , il ya aussi M. Munoz, alcoolique, le voisin du défunt M. Viali qui est vigile dans une banque ; M. Amzoulah, chômeur qui fréquente les intégristes ; M. Degros, communiste, effondré depuis que son fis a été condamné à dix ans de prison pour vol. Ses deux lieutenants, Pierre Viali, le fils de Simona, et Omar Amzoulah, s’affrontent pour le remplacer. Il y a aussi Mourad, le frère d'Omar, qui ne rêve que de partir. Il est amoureux d'Isabelle Degros qui lui prèfère Pierre mais celui-ci decide de rompre car elle est du mauvais coté de la ligne jaune. En effet, Pierre et Omar qui se disputent la place de caïd de la cité ont tracé au sol une épaisse ligne de peinture sur l’esplanade pour distribuer les clans, séparant au passage nombre d’amis, de couples et de familles.
Isabelle sort avec Mourad qui pour se venger lui tire une balle dans la jambe. Pour le venger, Omar brûle le camion de Jackpot, l'oncle de Pierre. C’est sans compter l’élan héroïque des mères du quartier qui vont échafauder un plan pour faire à nouveau société : conseiller aux jeunes de s'attaquer non pas à la propriété de leurs voisins mais aux biens des riches. Pierre et Isabelle peuvent alors se marier au sein d'une communauté réconciliée.
La cité du Plan d’Aou dans le 15e arrondissement où est tourné le film, a été démolie. Sur les 915 logements sociaux (PLAI, prêt locatif aidé d’intégration) construits au début des années 1970, il n’en reste plus qu’une quarantaine. Les plus défectueux – un peu plus d’une centaine – n’ont jamais été habités et les autres ont fait l’objet d’un programme de démolition d’ampleur, dès les années 1980, jusqu’en 2015. Le projet de développement urbain du Plan d’Aou, lancé dans la seconde moitié des années 1990, a répondu à l’urgence sociale d’un quartier en paupérisation croissante.
En septembre 1992, Hervé Bourges, qui a rebaptisé les deux chaînes publiques sous les appellations de France 2 et France 3 formant ainsi le groupe France-Télévisions, enclenche un programme ambitieux de productions pour le renouveau de la télévision. C'est ainsi à une commande que répond Guédiguian. Accompagné pour la première fois au scénario par Jean-Louis Milesi – avec lequel il collaborera pendant quinze ans –, il est enchanté de s'atteler à une comédie, qui sortira d'ailleurs en salle. Pour éviter l'appellation téléfilm, il impose que ce soit "Un conte de l'Estaque", terme qu'il reprendra quand ses films sortiront du cadre réaliste ainsi pour Marius et Jeannette (1997) et À l’attaque (2000). Dans une des premières fiction sur la banlieue, il impose sa volonté farouche que cela se termine bien malgré drogue, sida, prostitution, chomage. Il accompagne son film d'un slogan révolutionnaire "ne soyons pas mendiants, soyons voleurs." Simona souhaite en effet apprendre aux enfants à "voler comme il faut", c'est-à-dire voler les riches.
Jean-Luc Lacuve, le 23 mars 2024