la ronde de nuit
2007

1654, Amsterdam. Rembrandt se réveille en sursaut : il vient de rêver qu'il est aveugle. Ce cauchemar le replonge 12 ans en arrière, en 1642, alors qu'il travaille sur son oeuvre la plus célèbre, La Ronde de Nuit.

Alors que le peintre est au sommet de son art et de sa gloire, la milice des Mousquetaires d'Amsterdam lui demande un portrait de groupe. Malgré sa réticence face à ces soldats amateurs et fats ne cherchant qu'à se pavaner, Rembrandt accepte : sa femme Saskia est enceinte, et cette toile monumentale assurerait un futur stable à cet enfant longtemps désiré. Mais le peintre a un mauvais pressentiment et sait déjà que cette toile ne sera pas qu'un simple portrait de groupe. Il ne sait pas peindre avec complaisance et pressent que ce tableau précipitera sa chute.

En travaillant sur le projet, Rembrandt prend bientôt conscience de l'existence d'une conspiration : les puissants marchands d'Amsterdam manœuvrent dans l'ombre pour s'assurer avantages et pouvoir dans ce qui est à l'époque la ville la plus riche du monde occidental.

Le peintre découvre par hasard un horrible assassinat. Déterminé à faire éclater la vérité, il bâtit méthodiquement son accusation à travers la peinture qui lui a été commandée. Il compte ainsi révéler le visage aussi sordide qu'hypocrite de la société hollandaise...

Mais sa chance tourne. Peu après la naissance de leur fils longtemps désiré, Saskia meurt. Les conspirateurs jurent de se venger de la toile accusatrice. Ils organisent la perte de Rembrandt, le discréditant peu à peu en Hollande et à l'étranger. Orchestrant sa ruine sociale et financière, ils chargent une femme, Geertje, de le séduire. Rien n'échappera à leur plan machiavélique, ni son fils, ni sa jeune maîtresse, Hendrickje...

Night watching et La ronde de nuit sont les titres du tableau de Rembrandt jusqu'alors intitulé La compagnie de milice du capitaine Frans Banninck Cocq et du lieutenant Willem van Ruytenburch lorsqu'elle fut acquise et accrochée au Rijksmuseum d'Amsterdam en 1817. Peter Greenaway joue sur le double sens de Night watching, la veillée de nuit et regarder la nuit, pour nous gratifier de quelques séquence où le peintre, se croyant aveugle regarde la nuit ou, du haut du toit de sa demeure, scrute la nuit avec une longue vue pendant que la jeune orpheline vient lui raconter les turpitudes du directeur de l'orphelinat.

En parallèle avec cette thématique du peintre éclairé obsédé par une cécité possible et en proies aux ombres de son temps, Greenaway développe une autre accumulation de signes visant à interpréter le tableau comme la dénonciation des bassesses et des crimes des comandataires du tableau. On retrouve là l'exploitation du filon de Meurtre dans un jardin anglais, ou plus récemment du Da Vinci code qui réinterprète La dernière cène.

Le premier commanditaire aurait donc été assassiné parce qu'il ne prêtait pas une oreille assez attentive aux combinaisons des miliciens de la ville qui cherchaient à se faire bien voir de Marie Stuart, venue chercher du soutient économique en Hollande. Le directeur de l'orphelinat aurait alors obligé un gamin de treize ans à tuer le capitaine de la milice en contrepartie de son silence après qu'il l'eut découvert tournant autour de l'une des orphelines. Le nouveau capitaine de la milice, Frans Banninck Cocq, un jouet entre ses mains, est surtout préoccupé de voir peindre à ses cotés le lieutenant Willem van Ruytenburch dont il est amoureux.

Rembrandt va donc peindre cette relation homosexuelle (l'ombre de la main de Banning-Cocq sur le ventre de Willem, l'arme phallique de celui-ci), dénoncer la sanction inhumaine dont fut victime la jeune orpheline brûlée au visage par un pichet d'eau bouillante et montrant l'arme du crime au premier plan, parler des rapports du vrai et du faux, du théâtre et du réel au travers du personnage de Bloemfeldt, au centre, portant chapeau de comédien et fausse moustache ce qui indiquerait qu'il n'est pas représenté comme milicien mais comme acteur, parler aussi de lui-même en glissant un autoportrait d'un homme astigmate...

Troisième visée du film : montrer la relation de Rembrandt avec les trois femmes de sa vie, sa femme Saskia qui meurt peu après la naissance de Titus, sa première relation ancillaire avec la charnelle Geertje puis avec Hendrickje, la jolie rousse à son service depuis toujours et qu'il n'aurait jamais cessé d'aimer.

A suivre tous ces lièvres à la fois, La ronde de nuit produit une accumulation de signes sans suite qui ne se déplient jamais dans un mystère ou une émotion et qui jouent tout au plus comme les étapes d'un jeu de pistes intelligent mais complètement vain. C'est d'autant plus dommage que la première scène avec son lit posé sur une scène de théâtre dénudée semblait diriger le film vers plus de simplicité.

Jean-Luc Lacuve le 08/05/2008

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(Nightwatching). Avec : Martin Freeman (Rembrandt van Rijn), Emily Holmes (Hendrickje), Michael Teigen (Carel Fabritius), Toby Jones (Gerard Dou), Jodhi May (Geertje). 2h05.

Thème : Le cinéma dans la peinture
Genre : Film biographique