Les tyrans. C'est la fin de l'année. Les élèves d'un lycée du Bronx grimpent dans le même bus pour un dernier trajet ensemble avant l'été. Michael, Raymond, Jonathan et Big T font le ménage pour se réserver les six places à l'arrière du bus. Ils chassent deux petits élèves de 5e et insultent une dame âgée qui refuse de se laisser intimider. Big T(étons) vole même les goûters des deux enfants pour venir le manger sous les yeux de la femme puis l'en asperger lorsqu'elle descend du bus.
A l'avant, la volubile Laidychen étudie le trombinoscope de sa classe avec son amie, Niomi, afin de savoir qui elle invitera pour son "sweet sixteen". Elle aimerait inviter Michael. Niomi cherche a l'en dissuader, ses goûts allant plutôt vers les deux musiciens de l'école notamment Big Raymond. Comme elle n'ose l'inviter, Laidychen le fait pour elle mais ne peut éviter, comme Niomi l'avait prévu que Big Raymond se méprenne sur ses intentions et croit qu'elle parle en son nom. Big Raymond incite son ami a chanter avec sa guitare pour être invité mais cela suscite l'ironie des jeunes de l'arrière. Raymond décide d'y mettre fin et casse la guitare du malheureux chanteur.
Teresa gui guettait le bus depuis le bar-épicerie où les élèves déposent leur portable, vraisemblablement interdit à l'école, finit par le rejoindre au premier arrêt. Elle suscite la moquerie par sa nouvelle coiffure blonde qu'elle porte comme un casque artificiel. Big T descend du bus qu'avait poursuivi la vieille femme dans l'espoir, en l'occurrence non déçu, de donner une correction à Big T avec une branche qu'elle trouve miraculeusement là et avec laquelle elle frappe le gros élève peureux devant ses camarades hilares. Une jeune fille explique son aventure avec un wonder-water imposé par son père afin qu'elle ne se déshabille pas. Sam se mêle à la conversation et fait le récit fictif de sa vie de célébrité de la mode.
Le chaos. Michael se fait chiper dans son sac un poème adressé à sa petite amie avec un dessin de lui même torse-nu. Raymond le lit au bus partagé entre hilarité et secrète émotion devant ce texte ridicule mais indéniablement sincère. Pour se venger des insultes dont elle a été victime, Teresa révèle que c'est elle qui a exécuté le dessin à la demande de Michael qui a déchiré le bas pour éviter de montrer un sexe qu'il trouve trop petit. Michael, de rage, révèle alors le comportement lesbien de Teresa durant une soirée à Brooklyn sans aller jusqu'a nommer sa partenaire. Teresa rejoint l'avant du bus pris dans un embouteillage. Raymond et Jonathan descendent acheter une pizza. Kendrick obtient son rendez-vous au cinéma avec Patricia. Michael comprend qu'il s'est fait larguer par sa petite amie en trouvant une réponse au faux profil de dragueur qu'il s'est fabriqué en s'adressant à elle. Raymond est fasciné par une jolie fille en vélo dont la robe vole au vent.
The I. Dans le bus ne restent bientôt plus qu'Alex, Michael et Teresa. Alex est un garçon responsable qui n'a que mépris pour le comportement superficiel et infantile de Michael. Celui-ci repousse l'amitié de Teresa avant de revenir sur sa décision quand il prend conscience de son désir superficiel de fête alors qu'il vient d'apprendre la mort d'Elijah.
Les jeunes adolescents du bus sont tous plein de désirs et d'énergie dont le montage rythmé de Gondry rend compte. Non seulement par la bande-son, par la justesse des dialogues et des situations mais aussi par un collage de vignettes qui aèrent le propos. La vengeance de la vielle femme, le délire mégalomane de Sam qui visualise sa vie fictive de célébrité de la mode, la chute beurrée de Elijah, les vengeances contre ceux qui se sont moqué de Teresa pendant son absence, la soirée ou Teresa saoula Laidychen pour l'attirer sur un lit, Luis et Brandon jouant à s'échanger leur personnalité sont autant de scènes qui échappent au huis clos du bus. Tout aussi maniéristes, les plans du bus miniature au début du film, l'apparition de Kon en super héros que suit la scenette des enfers ou bien encore le titre, The I, plaqué sur une affiche ou encore la lettre adressée à Michel Gondry par madamme Carrasco, la mère de trois jeunes acteurs qui jouent les Chen, avant le générique de fin, qui révèle tout à la fois son amour pour ses enfants et l'origine du gag de la chute beurrée.
Le titre indique clairement le propos de Michel Gondry : sous le comportement collectif (The we) se cache une sensibilité individuelle (The I) toute différente. Michael incarne de manière exemplaire ce comportement : lâche et insultant envers Teresa lorsqu'il est avec ses amis alors qu'il se montre fils respectueux et ami compatissant avec Alex ou Teresa en fin de parcourt. Laidychen avait déjà remarqué cette différence en voulant inviter Michael à son "sweet sexteen". Les jeunes Chen eux-mêmes, sans pitié avec Elijah filmé dans toutes ses mésaventures, seront atterrés par sa mort. Gondry semble lui-même se lasser de ses jeux désinvoltes entre rêve et réalité ceux de, Luis et Brandon jouant à s'échanger leur personnalité, pour partir à la recherche de qui l'on est vraiment.
On a quand même un peut de mal à croire que cette morale, aussi antinomique du style de Gondry, ne soit autre chose qu'une manière un peu lourde de conclure son film dont l'énergie de la première partie semblait bien plus réaliste que la supposée profondeur de la dernière.
Jean-Luc Lacuve le 16/09/2012.