Une jeune parisienne tombe amoureuse d'un marin rencontré à Deauville. Mais l'automne arrive et les deux amants doivent se séparer. Ils s'écrivent, chacun vivant sa vie, lui à Brest avec les copains, elle à Paris, dans l'attente de le revoir.
C'est un film sentimental qui raconte la fin d'une liaison entre Daniel, le marin obsédé par la mort et Geneviève sa fidèle amoureuse parisienne. C'est aussi et peut-être surtout l'histoire d'une amitié entre Daniel et Guy qui repose sur la possibilité de se révéler un être unique, profondément différent, singulier et original.
Autant Daniel a bien du mal à écrire ses lettres à Geneviève, autant il semble enfin se trouver lorsqu'il écrit à Guy depuis Ramatuelle. Il promet alors d'éviter la solitude, le repli :
"On devient original, singulier et pour les autres, on peut paraître fou. Je rêve de faire ce qui me plait de retrouver un regard d'enfant libre, le droit de choisir, de changer, d'être différent, donc moi-même. Ce qui est beau dans la vie, c'est que tout change sans cesse et qu'il nous est donné demain de pouvoir changer.
Le film s'enracine profondément dans l'esprit de la nouvelle vague, dans cet équilibre entre saisie d'un réel presque documentaire et imaginaire très fort des personnages. Si la mémoire y joue un grand rôle elle est moins une plongée dans le passé qu'une façon de vivre le présent déjà comme un souvenir. Souvenirs de Deauville, ceux de l'enfance mêlés à la première rencontre de Daniel et Geneviève.
Ce qui revient du passé hante le présent. Ainsi de l'éloge de la musique et des parfums, médium pour se rappeler les choses. "Quand on est très gai, la musique ça vous rend encore plus gai ; quand on est triste, encore plus tristes".
Les changements très rapides de plans très courts autant que le basculement de la couleur au noir et blanc abondent dans ce cinéma où prime la sensation. Il y fait l'éloge du départ et de l'aventure avec abondance de routes, rails ports et aéroports et description diurne et nocturne de Deauville, Brest, Paris, Ramatuelle. Cette philosophie pourra être rappelée par l'insomniaque interpréta par Brialy :"Même à New York ou à Tokyo, à partir d'une certaine heure, les gens vont se coucher. C'est la maladie. Il faut qu'ils aillent au dodo".
Arrière plan social très présent : évocation de la guerre d'Algérie, des attentats en ville. A Brest, séquence sur les bidonvilles de la guerre dans lesquels des gens vivent depuis dix-neuf ans, depuis le siège de juillet et août 44. Hôtel de Barbès où une famille de noirs africains vivait dans une chambre à six depuis dix ans. Si Guy Gilles s'emporte contre le pittoresque de la misère, en Algérie surtout, il fait l'apologie de la beauté des traces d'un Paris pauvre, populaire, kitch au sortir d'une boulangerie ou des bains douches. Une pauvre chambre sera toujours viable décorée de livres et de photos.
Guy Gilles est très proche de François Truffaut. Guy est parti à seize ans pour pouvoir choisir : "La vie de famille ça fait partie des choses qu'on vous impose". L'amour de Paris est vital pour l'un et l'autre. La relation à la mère est toutefois très différente : débarquant à Paris, Guy porte une valise d'une main et de l'autre le portrait de sa mère, seul souvenir qu'il a gardé d'elle.
Omniprésence aussi de la mort pour Daniel, le journal, la guerre l'impossibilité de s'échapper. Il revient à l'endroit qu'il avait laissé, à l'endroit même où il avait fui, le suicide, l'affiche du Feu follet. Catherine la blonde qui a oublié de fermer le gaz, qui se dit déjà morte.
Entre imaginaire à la Truffaut et présence de la mort, des échos à la Jacques Demy permettent parfois de trouver le point d'équilibre : Lola chante l'amour et Geneviève Thenier prend parfois voix et attitudes d'Anouck Aimée. La traversée de l'apparenzia avec Delon et Gréco que va voir Geneviève est aussi une façon d'en appeler à Cocteau.