A Song Sung Blue

Harbin, Province de Heilongjiang, au nord-est de la Chine : : Xian, 15 ans, doit, le temps d’une mission de sa mère en Afrique, pour laquelle on lui promet en retour un poste de chef de clinique, retourner vivre chez son père. Elle l’estime aussi peu qu’elle l’a vu. Ii tient un petit studio de photo dont l’ambiance kitsch et glamour exaspère la solitaire Xian, au visage sévère. Elle est en revanche fascinée par Mingmei, la fille de la réceptionniste et amante de son père. Mingmei explique à Xian qu'elle fut élevée dans le rêve d'une élévation sociale avant que son père ne se suicide à cause de dettes de jeu. Elle rêve de s'acheter un commerce de tapis qui lui permettra d’être indépendante. En attendant elle accepte les cadeaux d'un sugar dady qui lui a promis de divorcer de sa femme.

Mingmei accepte volontiers la compagnie de Xian et la présente à ses amis d'origine coréenne comme elle dont le jeune patron est amoureux d'elle mais qu'elle repousse. Xian de son coté repousse les avances d'un de ses condisciples. Un soir où les deux filles se colorient les ongles, Xian embrasse Mingmei qui s'en trouve stupéfaite.

Xian vole un des objectifs photographiques de son père dont elle a vu le prix estimé à 30 000 yuans. C'est Mingmei qui se trouve accusée du vol par sa mère mais pardonne à Xian qui lui avoue le vol. Les deux jeunes filles récupèrent l'objectif. Un soir Mingmei revient vers elle, marquée par les coups que lui a infligés la femme de son riche amant. Xian la soigne. Xian accompagne Mingmei un après-midi où elle a rendez-vous avec son riche amant qui leur promet alors qu'il se fait tard  de leur ramener un gâteau dans une boutique éloignée. Il est victime d'un accident de voiture et Mingmei comprend qu'il restera désormais près de sa femme.

Quelque temps plus tard, le père de Xian lui apprend que Mingmei a trouvé un poste come hôtesse de l'air et que sa mère l'a quittée, n'ayant plus besoin de lui, ce qu'il regrette car il l'aurait volontiers épousée. Xian comprend alors la générosité désintéressée de son père dont la sensibilité rejoint la sienne. Elle l'aide alors volontiers dans son commerce e photographies. Apres quelques mois seulement, la mère de Xian revient de sa mission écourtée. Xian quitte son père à regret

Xian et ses amis patinent sur la rivière gelée. Xian aperçoit soudain Mingmei et se fige. Mingmei est venue l'inviter au mariage de sa mère avec un riche paysan coréen. Mingmei compte surtout sur elle pour lui servir de relais dans son commerce qu'elle imagine mettre en œuvre entre la Chine et la Corée. Lorsqu'elle chante sur scène, Xian retient ses larmes.

Dans la scène d'ouverture, Xian avale goulument du beurre de cacahuète et en fait bientôt une allergie que sa mère lui rappelle d’éviter puisqu'elle est allergique, comme elle, aux oléagineux. Le bleu qui envahie la maison (draps, rideaux et même valise de la mère) souligne à quelle point Xian est dépendante de sa mère qui la couve comme un bébé. Les quelques mois chez son père sont ainsi une initiation amoureuse et une ouverture vers plus de liberté, thèmes liés au genre du drame de l'adolescence.

Un amour lesbien l'été pour un être fascinant et semblant inaccessible rappelle La Naissance des pieuvres (Céline Sciamma, 2007) ou Call me by your name (Luca Guadagnino, 2017). La photographie géante magnifiant la chevelure de Mingmei que Xian découvre en entrant chez son père puis sa première vision d'elle, cette fois en pleine conversation amoureuse alors qu'elle vient de se rafraichir le visage en le plongeant dans l'eau du lavabo, cristallisent son sentiment amoureux. La séance de manucure et le baiser volé dans une pulsion incontrôlée vont ensuite amener Xian sous la dépendance amoureuse de Mingmei qui apprécie d'être ainsi adorée sans rien avoir à promettre en retour. Sa demande finale d’être une partenaire commerciale est même cruelle envers Xian. Celle-ci se rapproche de son père avec qui elle partage la même sensibilité, trop exacerbée, pour connaître une réussite tant amoureuse qu’économique.

Jean-Luc Lacuve, le 11 juin 2023, suite au ciné-club du 8 juin