Seven

1995

Voir : photogrammes
Genre : Film noir
Thème : Serial Killer

(Se7en). Avec : Morgan Freeman (William Somerset), Brad Pitt (David Mills), Gwyneth Paltrow (Tracy Mills), Kevin Spacey (John Doe), R. Lee Ermey (Le capitaine de Police). 2h10.

L'inspecteur de police William Somerset prend ses insignes de policer et se rend dans un appartement où une femme vient de tuer son mari après une dispute. Somerset est à quelques jours de la retraite et semble être le seul à être troublé par ce qui va advenir de l'enfant du couple. Surgit alors son jeune remplaçant, David Mills, avide de profiter des quelques conseils que son aîné pourrait lui prodiguer. Somerset s'inquiète de l'ambition de Mills.

Lundi. Les deux inspecteurs sont appelés pour une mort suspecte : un homme de très forte corpulence est retrouvé mort, la tête dans son assiette de spaghetti, ses membres attachés aux montants d'une chaise. Somerset suspecte une affaire complexe et demande à en être dessaisi car il ne pourra la mener jusqu'au bout. Le meurtrier a fait mangé sa victime de force jusqu'à ce que son estomac soit saturé pour lui asséner ensuite un coup de pied qui lui a fait exploser le foie, l'estomac et la rate. Mills veut garder l'enquête mais leur chef refuse de la lui confier et exige que Somerset s'occupe seul de ce qui n'est pour lui qu'un meurtre sordide.

Mardi. Mills est aussitôt chargé d'une autre affaire : un avocat, Gould, a été sauvagement assassiné avec le mot "avarice" écrit avec du sang sur la moquette.

Somerset apprend de son coté que la victime obèse a du ingérer de force des copeaux de bois. Il se rend de nouveau sur les lieux du crime et découvre qu'il s'agit de morceaux du parquet devant le réfrigérateur. Les copeaux étaient destinés à le leur faire déplacer pour découvrir l'inscription "Gluttony" (gourmandise) tracée à la graisse sur le mur. Une feuille de papier épinglée sur l'inscription graisseuse porte aussi un message : "Long et douloureux est le chemin qui conduit de l'enfer à la lumière".

Somerset apprend à Mills qu'il s'agit d'une citation du Paradis perdu de Milton. Les deux crimes sont ainsi étroitement liés. En effet, le tueur s'inspire des sept péchés capitaux pour commettre ses meurtres. Le riche avocat, Gould, avide d'argent n'hésitait pas à défendre des meurtriers, des pédophiles et des dealers pour amasser sa fortune. Pour châtiment, l'avocat avait dû choisir une partie de son corps à sacrifier. Il n'avait voulu sacrifier que ses poignets et le tueur l'avait laissé se vider de son sang durant trois jours. Cinq autres meurtres sont donc programmés. Mills et Somerset refont de nouveau équipe, l'un plongé dans les photos des crimes, l'autre dans les livres savants et religieux de la bibliothèque.

Mercredi. Il pleut toujours et Tracy, la femme de David, l'appelle pour se plaindre de sa solitude. Elle demande à parler à son collègue et l'invite à diner le soir même. La soirée est très amicale. Tracy une fois couchée, les deux hommes finissent par parler de leur enquête. Ils vont voir madame Gould, certains qu'elle pourra leur donner une piste. Le tueur a en effet cerné de rouge ses yeux sur une photographie du bureau de son mari. En examinant les photographies de celui-ci, elle découvre en effet que le tableau abstrait est accroché à l'envers. Les deux inspecteurs décrochent le tableau sans rien trouver. Mais, sur le mur, cachée par la poussière, une inscription "help me" apparait progressivement.

Jeudi. Au matin très tôt, les empreintes digitales du message révèlent que l'auteur de l'inscription est un pédophile et un dealer bien connu de la police. Une traque est organisée pour le cueillir. Mais on ne découvre qu'un moribond, un bras tranché, allongé sur un lit avec au-dessus inscrit "sloth" (paesse). Le tueur l'avait attaché afin qu'il ne puisse plus rien faire d'autre que dormir durant toute une année. Il lui administrait des antibiotiques afin que les maladies survenues suite à la défaillance de son système immunitaire et à la malnutrition ne le tuent pas. Le tueur avait voulu le punir de n'avoir rien voulu faire de sa vie. Il avait tranché la main de sa victime, pour guider, via ses empreintes, la police jusqu'à lui.

Vendredi. Tracy a appelé Somerset pour déjeuner avec elle. La jeune femme est enceinte. Somerset avait, en son temps, fait renoncer sa compagne à leur bébé. Il lui conseille de ne rien dire à David tant qu'elle n'est pas sûre de le garder.

Sans plus aucune piste, les inspecteurs s'ennuient. Somerset fait une liste de livres à la bibliothèque puis se rend dans une pizzeria minable dans laquelle il donne de l'argent à celui qu'il prétend être un ancien agent du FBI. Il serait capable de trouver le nom de la personne qui a emprunté à la bibliothèque des livres liés aux péchés capitaux. En tête de liste apparaît ainsi un certain John Doe.

Sans trop y croire, les inspecteurs se rendent à son appartement. L'homme leur tire dessus. David le poursuit mais c'est lui qui pourrait être abattu par le serial killer... qui lui laisse la vie sauve. Dans l'appartement du tueur, ils découvrent plein de journaux intimes effrayants. Le tueur les appelle au téléphone pour faire part de son admiration.

Samedi. Une facture, trouvée dans l'appartement de John Doe, les conduit dans un magasin d'accessoires de cuir où le vendeur a confectionné un phallus avec un long couteau pour John Doe. Ils découvrent bientôt que c'est l'arme du quatrième crime contre le péché de luxure (lust). Une prostituée attachée à un lit a été obligée de se faire pénétrer par le phallus au couteau. Le tueur a obligé le client de la prostituée à commettre l'acte en lui mettant le canon d'une arme dans la bouche.

Dimanche. Le tueur appelle la police : il a recommencé. Le cinquième meurtre est lié au péché d'orgueil. Le tueur a lacéré une femme mannequin, lui a coupé le nez et lui a placé un téléphone dans une main et une boîte de somnifères dans l'autre. Elle avait le choix entre appeler les secours mais rester défigurée à vie ou se suicider. La femme a préféré mourir plutôt que de vivre complètement défigurée.

En rentrant au commissariat Somerset déclare à Mills qu'il ne prendra sa retraite que lorsque l'enquête sera résolue. Ils sont alors totalement surpris : John Doe, ensanglanté, vient se livrer. Par l'intermédiaire de son avocat, il leur fait savoir qu'il ne plaidera pas la folie s'ils acceptent de se rendre avec lui dans un lieu en dehors de la ville.

Suivis par un hélicoptère de la police, Doe, Mills et Somerset se rendent au sud de la ville. Dans un champ de lignes à haute tension, une camionnette vient leur livrer un paquet à sept heures du soir. Somerset découvre qu'il s'agit de la tête de Tracy. Ce sixième meurtre est lié au péché d'envie. John Doe, a essayé de s'approprier la vie de Mills et la femme de celui-ci. S'étant rendu coupable du péché d'envie, le tueur s'arrange ainsi pour se faire abattre par l'inspecteur Mills. La colère (wrath) est alors liée au septième meurtre, celui de John Doe par Mills. Totalement abattu et désespéré par la mort de sa femme (et de son enfant à naître, dont il apprend l'existence par la bouche de John Doe) et très en colère contre le tueur, il l'assassine de plusieurs balles dans le corps.

Interrogé par son capitaine sur ce qu'il pourra faire pour son jeune collègue, Somerset répond "Je serai dans le coin", renonçant ainsi à se laver les mains de la misère du monde. Il cite Ernest Hemingway : "Le monde est un bel endroit qui vaut la peine qu'on se batte pour lui", et conclut : "Je suis d'accord avec la deuxième partie".

Lié aux sept péchés capitaux et, si l'on excepte le prologue, résolu en sept jours par un inspecteur à sept jours de la retraite, le film a évidemment valeur de parabole sur la société contemporaine. Peut-on encore discerner le bien du mal quand c'est un criminel qui se charge d'exécuter les sentences divines contre les péchés, quand le métier de policier se joue entre ambition et effacement ?

La ville n'est jamais nommée. Il est possible d'y reconnaître New York mais il s'agit avant tout d'en faire la représentante de toutes les grandes cités modernes avec leur violence qui ne choque plus personne.

Commissariat du 14e (fourteenth precinct) dans Manhattan et sortie de la ville par le Queens

C'est cette apathie qui démoralise Somerset. Son métronome bat d'un rythme régulier, rempart dérisoire vis à vis de la folie de l'extérieur. Comment accepter que quelqu'un se fasse agresser en pleine rue sans que personne ne réagisse ? Somerset ne rêve plus que de partir le plus loin possible de son bureau où l'on efface déjà son nom.

Somerset veut se retirer hors du monde de la violence

Somerset confie à Tracy n'avoir pas voulu d'enfant, refusant de le voir naître dans un monde aussi désespéré. De son coté, Mills ne rêve que de carrière et est aveugle aussi bien à la manipulation dont il est victime qu'à la solitude de sa femme.

L'affiche, le titre original (Se7en) et les génériques du film rendent compte de cet aveuglement partagé. Le 7 sépare, comme dans un miroir, les deux inspecteurs. La liste des sept péchés de l'affiche ne suit pas l'ordre qui sera celui choisi par le serial killer. Le générique initial est plein de sautes et d'effacements (rayures au crayon ou au marqueur, ciseaux) et le générique final se déroule de bas en haut. On note aussi, à la toute fin du film, la première image subliminale du cinéma de Fincher dont il fera un usage bien plus important dans Fight club ; Tracy apparaît dans un flash à David.

Personne ne voit clair dans un monde mal lavé par une pluie qui ne cesse de s'abattre. John Doe avait prévenu : "Long et douloureux est le chemin qui conduit de l'enfer à la lumière". Mais la lumière orangée du septième jour à sept heures du soir ne porte pas plus de salut. Somerset y répond finalement par la citation d'Hemingway. Il continuera à lutter dans la nuit car nul paradis, nul ailleurs, n'est possible.

Jean-Luc Lacuve, le 13/02/2013.