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Amarcord

1973

Thème musical : générique

Avec : Bruno Zanin (Titta Biondi) Pupella Maggio (Miranda Biondi, la mère de Titta), Armando Brancia (Aurelio Biondi, le père de Titta), Magali Noël (Gradisca, la coiffeuse), Ciccio Ingrassia (Teo, oncle de Titta), Nando Orfei (Patacca, oncle de Titta), Luigi Rossi (l'avocat érudit), Gianfilippo Carcano (Don Baravelli), Josiane Tanzilli (Volpina, la prostituée), Maria Antonietta Beluzzi (la buraliste), Giuseppe Ianigro (le grand-père de Titta), Ferruccio Brembilla (le chef fasciste), Antonino Faa Di Bruno (le comte Lovignano), Mauro Misul (le professeur de philosophie) Ferdinando Villella (Fighetta, le professeur de grec). 2h07.

Rimini, un bourg italien près de la mer dans les années 30 à l'heure du fascisme triomphant. Au gré des petits et grands événements qui scandent le retour des saisons, la vie provinciale s'écoule inexorablement.

Les manines qui tombent des arbres ressemblent sans doute à des flocons de neige mais annoncent le printemps.

Le " corso ", la rue principale est le rendez-vous d'une population installée dans ses douillettes habitudes. Les notables pontifient, les braves gens déambulent, les enfants traînassent, cherchant des victimes pour leurs blagues innocentes.

L'un de ces enfants, Titta, va connaître, en l'espace d'une année, une série d'expériences tour à tour drôles, savoureuses et poignantes.

A l'école, c'est un élève déluré qui subit comme ses camarades les cours soporifiques ou ridicules d'un corps enseignant respectueux de la tradition. Farces et chahuts compensent l'ennui des heures de classe. Titta est secrètement épris de la vamp locale, La Gradisca, une délicieuse écervelée consciente de ses charmes

Chez lui, Titta se trouve plongé dans une atmosphère familiale mouvementée. La cohabitation avec Patacca, l'oncle de Titta, le frère de sa mère, gigolo pique-assiette aux tendances fascistes et son grand-père accentue les disputes entre ses parents pourtant vite apaisées.

Dans les rues de la ville et ses environs, il se mêle au spectacle excitant d'une pittoresque faune locale : un marchand ambulant qui rêve de harems improbables, un imbécile heureux, un accordéoniste aveugle et irascible, une fille des rues dont le comportement farouche évoque celui de l'animal sauvage, une blonde buraliste précédée d'une poitrine phénoménale, etc. Tout cela l'émeut, l'impressionne ou le divertit.

La vie provinciale, ce sont aussi les défilés officiels que la foule frivole applaudit. La commémoration se termine par un gramophone impertinent égrenant les notes de l'international du haut du clocher. Les fascistes affolés le canardent puis interrogent le 1 % de la population qui ne partage pas les idées fascistes. Le père de Titta, anarchiste, est humilié et contraint de boire de l'huile de ricin. Sa femme l'accueille et le reconforte.

Un dimanche, ils vont voir l'oncle Téo pour une balade à la ferme hors de l'asile de fous où il est interné. Téo grimpe dans un arbre et réclame une femme. Il jette des cailloux sur ceux qui veulent le faire descendre de son perchoir. Une sœur naine lui fait entendre raison.

Toute la ville embarque sur des bateaux et va voir le Rex, paquebot, fierté du régime, surgir de la nuit. Le brouillard arrive puis la neige. La santé de la mère de Titta décline. Elle va à l'hôpital sans que Titta s'inquiète puis elle meurt..

C'est la noce campagnarde de La Gradisca et d 'un beau militaire qui va l'emmener au loin. Les manines reviennent avec le printemps. La boucle est bouclée mais plus rien ne sera plus jamais comme avant.

Fellini parle de sa ville natale Rimini, station balnéaire d'Emilie-Romagne, entièrement reconstruit en studio. L'idée du film lui était venue pendant sa cure à Manziana, en 1967, alors qu'il écrivait le livre, La mia Rimini. Amarcord n'est pas de l'Italien, mais du patois qui signifie "Je me souviens" et La Gradisca, selon un des épisodes du film, pourrait vouloir dire "Goûtez-y".

Chronique tendre mais sans complaisance de la petite bourgeoise catholique fasciste sans esprit.

Le fascisme est en quelque sorte une ombre menaçante qui ne demeure pas immobile derrière notre dos, mais qui grandit souvent au-dessus de nous et nous précède. Le fascisme sommeille toujours en nous. Il y a toujours le danger de l'éducation, d'une éducation catholique qui en connaît qu'un but : conduire l'homme à une dépendance morale, réduire son intégrité, lui dérober tout sentiment de responsabilité pour le garder dans une immaturité qui n'en finit pas. Dans la mesure où je décris la vie dans un petit endroit, je représente la vie d'un pays et présente aux jeunes gens la société dont ils sont issus. Je leur montre ce qu'il y a eu de fanatisme, de provincial, d'infantilisme, de lourdeur, de soumission et d'humiliation dans le fascisme de cette société là.(Federico Fellini, Amarcord, éditions Diogene, Zurich, 1974, p319).

Pour la rendre supportable et s'en moquer, Fellini accentue dans des scènes fantasmées la démesure de la mise en scène fasciste et la ralentit : ainsi la statue de fleurs semble prononcer le mariage impossible entre le gros copain de Titta et celle qu'il aime ainsi le ballet où la Gradisca s'offre au prince. Il fait ainsi du fascisme une baudruche vide et fragile, probablement comme le désir des hommes. Rien n'est immuable, donné, certain, le tout est d'apprécier la chance quand elle passe ainsi du marchand ambulant qui dit avoir un harem d'amantes ou de Titta qui se rêve seul au cinéma avec La Gradisca.

Titta ne peut rien apprendre à l'école, les professeurs y étant désespéramment mesquins. Il se rattrape partout là où la sensation prédomine. L'apprentissage passe par le corps, la confrontation physique aux autres (à l'oncle Téo), aux saveurs, aux sons, aux lumières (l 'apparition du paquebot géant, Le Rex).

La fin du film offre l'une des séquences récurentes de Fellini. Une place vide qui fait prendre conscience que plus rien ne sera plus comme avant. La noce est douchée par la pluie, tout le monde s'en va. Les manines sont revenues mais La mère et la Gradisca ont disparue. L'unité de la petite ville qui avec ses charmes et ses horreurs avait éduqué Titta se désagrège.

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