Ce soir-là, dans un théâtre parisien, on joue Le cocu, un vaudeville où trois acteurs interprètent l'éternel trio conjugal avec Sophie Denis dans le rôle de la femme, Paul Rivière dans celui du mari et William Keller dans celui de l'amant. La salle est clairsemée et les rires plus encore. C'est alors que quelqu’un dans le public, apres avoir manifesté son mécontentement par des tics, se dresse pour interpeller directement les comédiens. Il s’appelle Yannick, est gardien de parking, a posé une journée de congé pour venir de Melun, et n’y tient plus, parce qu’il s’estime lésé par le spectacle. Il devait se distraire, oublier ses soucis, et c'est le contraire qui se produit. Alors, il le dit haut et fort, avec son accent bien à lui.
D'abord interloqués, les trois acteurs finissent par lui répondre que, s'il n'est pas content, il n'a que se faire rembourser. Mais Yannick insiste : le prix de la place n'est rien en comparaison de sa journée de travail perdue et des transports déjà faits et qu’il reste à faire. Paul Rivière le met à la porte en le rudoyant puis parade devant les spectateurs plutôt soulagés que le spectacle reprenne.
Mais Yannick, après une courte pose au vestiaire, revient dans la salle, cette fois son arme dans la main. Il a décidé de réécrire la pièce qui en l'état ne lui convient pas. Terrorisée, Sophie Denis promet à Paul Rivière de coucher avec lui s'il la débarrasse de cet énergumène. Bientôt l'occasion se présente et Paul se saisit de l’arme de Yannick et tente de l'humilier en lui faisant lécher le sol. C’est alors qu'un technicien surgit des coulisses, et le voyant armé, le frappe d'un coup d'extincteur dans les reins. Yannick reprend son arme et son désir d'écrire un texte mais il tape lettre par lettre. Il n'en veut pas à Pierre et comprend que tout acteur désire être aimé pour son travail. Du coup Sophie et Paul interprètent son texte plein de répétitions et de fautes de syntaxe qui amusent les spectateurs, acquis à sa cause sauf un qui quitte la salle. Bientôt les CRS, armés jusqu’aux dents, investissent le théâtre.
Yannick, le film, réalise la belle performance d'être un huis clos en temps réel entre les seuls murs d’un théâtre parisien, donc sans ellipse et même sans musique. Seule la parole et la mise en scène jouent sans cesse de la frontière entre des espaces habituellement disjoints, la salle, la scène et les coulisses au sens large, où se trouvent l'ouvreuse et le technicien.
Yannick, le personnage, transgresse la plus taboue des barrières, celle entre la scène et la salle. il prend la parole. Il serait l’archétype du spectateur enfin actif. Mais, dès qu'il intervient c'est pour mieux rabrouer le public que Dupieux semble avoir choisi particulièrement veule : l'homme à l'ordinateur est traité de pervers parce que son mot de passe est "vaginal" et que son fond d'écran représente une très jeune fille nue ; les patron et patronne de l'auto-école sont prêts à simuler des caresses pour complaire à Yannick ; la fille au chat fait ce qu'elle peut pour refiler Yannick à la fille au clic-clac et vise-versa. Globalement, le public se laisse conduire avec passivité : par l'histoire du Cocu ; par la prise d'otage dont il fait l'objet ; en semblant apprecier la pièce inepte de Yannick.