Mme Beudet, avide de liberté et dévasion, voudrait saffranchir des liens de son existence médiocre et insipide. Tyrannisée par son mari, être brutal, elle ne peut sévader de la grisaille quotidienne quen faisant des rêves.
A la suite de conflits perpétuels, Beudet, adopte un tic épouvantable : de plus en plus souvent, il prend un revolver non chargé et fait mine de vouloir se suicider. Un jour, sa femme place des balles dans le revolver vide... Le crime sera évité de justesse, la vie se chargeant dapporter au récit un dénouement mesquin qui ne manque pas dironie.
Adaptation dune pièce de théâtre davant-garde, La souriante Madame Beudet se présente, non sans humour, tel un manifeste tant esthétique que féministe. Minimisant le recours aux cartons pour réaliser une symphonie visuelle inspirée par la théorie du silence de lécole dramatique française de lépoque, Dulac cherche à traduire le non-dit (les soucis d'une femme de commerçant provinciale) par la mise en évidence des petits gestes du quotidien.
«Le plan cest limage dans sa valeur expressive isolée,
soulignée par le cadrage de lobjectif. Le plan cest à
la fois le lieu, laction, la pensée. Chaque image qui se juxtapose
se nomme plan. Le plan cest le morcellement du drame, cest une
nuance qui concourt à la conclusion. Cest le clavier sur lequel
nous jouons. Cest le moyen que nous avions de créer, dans un
mouvement, un peu de vie intérieure.
(...) Comme nous jouons avec la juxtaposition des images, les poses dappareil,
nous jouons aussi avec les plans. Le plan psychologique, le premier gros plan,
comme nous lappelons, cest la pensée même du personnage
projetée sur lécran. Cest son âme, son émotion,
ses désirs.
Le gros plan cest aussi la note impressionniste, linfluence passagère
des choses qui nous entourent. Ainsi, dans Madame Beudet, le premier gros
plan de loreille de Mme Lebas cest toute la province, tous les
cancans, lesprit étroit à laffût des disputes,
des discordes.
(...) La vie intérieure, rendue perceptible par les images, cest
avec le mouvement tout lart du cinéma... Mouvement, vie intérieure,
ces deux termes nont rien dincompatible. Quoi de plus mouvementé
que la vie psychologique avec ses réactions, ses multiples impressions,
ses ressauts, ses rêves, ses souvenirs. Le cinéma est merveilleusement
outillé pour exprimer ces manifestations de notre pensée, de
notre cur, de notre mémoire.»
(17 juin 1924, Musée Galliéra, repris dans Ciné-Magazine
du 11 juillet 1924).