Accusée de sorcellerie, Jeanne de Domrémy comparait devant ses juges à Rouen le 14 février 1431. Il a lieu d'abord dans l'enceinte du tribunal ; les juges interrogent Jeanne sur son identité, sa vocation, ses visions de saint Michel. Questionnée sur ses habits d'homme, Jeanne dit qu'elle les quittera lorsqu'elle aura rempli sa mission. Elle espère obtenir de dieu le salut de son âme. Elle récuse ses juges et demande à être conduite auprès du pape. Cela lui est refusé.
L'interrogatoire se continue dans la cellule de Jeanne. Elle est l'objet des plaisanteries des soudards. Nicolas Loyseleur, pour faire avancer le procès dans le sens souhaité par les juges, fait fabriquer une fausse lettre du roi Charles VII adressée à Jeanne. Celle ci ne sachant pas lire, Loyseleur la lui lit à haute voix. Dans cette lettre le roi demande à Jeanne de se mettre sous la protection de Loyseleur. Aussi le consulte-t-elle du regard avant de répondre à certaines questions. Il lui fait répondre oui à la question de savoir si elle se sent assurée de recevoir son salut. A la question "Etes vous en état de grâce ? " Loyseleur, qui veut perdre Jeanne, reste impassible. Elle répondra : "Si j'y suis, que Dieu m'y tienne, si je n'y suis pas que Dieu m'y mette".
L'évêque Cauchon ordonne qu'on la soumette à la torture. Elle résiste au supplice mais, conduite au cimetière de Saint-Ouen envahi par la foule qui la presse de signer, elle prend peur et signe son abjuration. Elle est condamnée à la prison perpétuelle.
De retour au cachot, prise de remords, elle se rétracte et est déclarée relaps. Après s'être préparée à la mort, elle est conduite au bûcher où elle est brûlée vive.
La population de Rouen qui manifeste en désordre est chassée par les soldats de Warwick.
Dreyer s’intéressait à la vie de Jeanne d’Arc depuis la canonisation de celle-ci, en 1924. Son ambition n’était pas de tourner un simple film d’époque, bien qu’il ait étudié de manière approfondie les documents relatifs au procès de réhabilitation : il voulait "interpréter un hymne au triomphe de l’âme sur la vie".
Restait à trouver la comédienne capable d’incarner la martyre : Lillian Gish, Madeleine Renaud furent un temps pressenties. Mais c’est sur Renée Falconetti, une vedette du théâtre de boulevard, que son choix se porta finalement :
Je suis allé la voir un après-midi et nous avons parlé ensemble pendant une heure ou deux. Je l'avais vu au théâtre. Un petit théâtre de boulevard dont j'ai oublié le nom. Elle y jouait une comédie légère et elle y était très élégante, un peu évaporée mais charmante (...) Alors je lui ai dit que j'aimerais bien faire dès el lendemain un essai de prises de vues avec elle. "Mais sans maquillage, ai-je ajouté : avec votre visage tout nu." Elle est donc venue le lendemain, prête disponible. Elle a enlevé son maquillage et nous avons fait les essais, et j'ai trouvé sur son visage exactement ce que je cherchais pour Jeanne d'Arc : une femme rustique, très sincère et qui était aussi une femme de souffrance (p.127, 128).
Ce visage de douleur devint le sujet même du film, la surface sur laquelle Dreyer pouvait faire apparaître la Passion de la Jeanne d’Arc historique, mais aussi le vrai visage de l’humanité souffrante. L’entente entre l’auteur et sa comédienne fut parfaite, en dépit des sacrifices qu’elle dut consentir (la chevelure qu’elle dut raser, l’intimité que son visage devait révéler) tant était haute l’idée que les deux artistes se faisaient de l’œuvre qu’ils voulaient atteindre, tant était forte l’intuition qu’ils n’approcheraient de la beauté la plus intacte qu’au prix de la plus crue des nudités.
La stylisation des cadrages tranchant dans le vif, l’abstraction des décors, réduits à l’essentiel et comme gagnés par la nudité des visages, la puissance affective du montage faisant se succéder plans de la victime et plans de ses bourreaux, tout concourt à faire de ce film unique une œuvre bouleversante. L'usage très systématique du gros plan pendant le procès de Jeanne, élément déterminant de la stylistique du film, suscita l'étonnement du public puis le très grand succès critique que le film devait rencontrer :
Jeanne d'Arc était pour moi une grande chose. Auparavant, je n'avais jamais entrepris d'aussi grand film. Néanmoins, j'ai eu les mains libres, j'ai fait absolument ce que je voulais et, à l'époque, j'ai été très satisfait de ce que j'avais fait (...) Car pour moi, c'est avant tout la technique du procès verbal qui commandait. Il y avait au départ ce procès avec ses voies, sa technique propre, et c'est cette technique que j'ai essayé de transmettre dans le film. Il y avait les questions; il y avait les réponses, très courtes, très nettes. Il n'y avait donc pas d'autre solution que de mettre des gros plans derrière les répliques. Chaque question, chaque réponse, exigeait tout naturellement un gros plan. C'était la seule possibilité. Tout cela découlait de la technique du procès-verbal. De plus le résultat des gros plans était que le spectateur recevait les mes chocs que jeanne recevant les questions et torturée par elles. Et, de fait, c'était bien mon intention que d'obtenir ce résultat. (p. 131, 132)
Source : article de Michel Delahaye paru dans Les Cahiers du cinéma n°170, septembre 1965 puis dans Réflexions sur mon métier, Carl Th. Dreyer (éditions Cahiers du cinéma 1997).