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La femme qui est partie

2016

(Ang Babaeng Humayo). Avec : Charo Santos-Concio (Horacia Somorostro), John Lloyd Cruz (Hollanda), Michael De Mesa (Rodrigo Trinidad), Nonie Buencamino (Magbabalot), Shamaine Buencamino (Petra), Mayen Estanero (Nena), Marjorie Lorico (Minerva), Lao Rodriguez (Le père). 3h46.

1997, Hong Kong est rétrocédé à la Chine. Aux Philippines, les kidnappings atteignent un niveau record. La plupart des victimes sont de riches Sino-philippins que l'on soupçonne riches et en partance pour Hong-Kong d'où ils continueraient à contrôler l'économie du pays

Horacia est en prison à la campagne où, avec ses compagnes, elle travaille aux champs. Le soir, elle qui fut institutrice de CM2, fait l’éducation des enfants et des adultes, et invente des contes. Un jour, l'imposante cheffe du camp lui apprend, qu’après 30 ans d’incarcération, elle est libérée. Petra, sa compagne de camp, vient d'avouer que sous les ordres du riche amant éconduit de Horacia, Rodrigo Trinidad, elle avait commis un meurtre puis l'avait fait accuser. Horacia supplie la cheffe du camp que l'on n'ébruite pas cette erreur judiciaire et de ne tenir personne informé de sa libération.

Horacia se rend dans la province de La Union où la fille des gardiens de la demeure familiale veille toujours son ancienne maison. Horacia apprend la mort de son mari et la disparition de son jeune fils. Seule, sa fille, Minerva, qui a aujourd'hui 37 ans, essaie encore de le retrouver. Horacia fait don de sa maison à la jeune gardienne qui élève seule son fils pendant que son mari travaille dans une mine éloignée. Horacia retrouve ensuite sa fille Minerva et lui explique qu'elle ne va pas porter plainte suite à la confession de Petra mais se venger et chercher son fils.

Dans la ville où Rodrigo Trinidad est un riche propriétaire toujours entouré de gardes du corps, Horacia rencontre un bossu vendeur de baluts, œufs couvés où le poussin est déjà formé. Le bossu a en effet pris l'habitude de stationner dans la maison de Rodrigo Trinidad. Un soir, elle croise, Hollanda, un travesti pris d'une crise d'épilepsie auquel elle donne sa veste et un peu d'argent. Horacia croise enfin Magbabalot, une mendiante folle, qui la renseigne sur les habitudes de Rodrigo lorsqu'il fréquente l'église de la ville.

Horacia devient la bienfaitrice de son quartier : elle reprend une "eatery" moribonde pour en faire un restaurant efficace où officie une serveuse boiteuse. Elle empêche "la grosse" de faire régner la terreur chez les pauvres en la tabassant sauvagement. Elle n'a cependant pas abandonné son projet de vengeance et Le bossu, auquel elle donne de l'argent pour soigner son fils, lui fournit une arme. Mais alors qu'elle s'apprête à se venger, Hollanda, battue et violée, vient s'écrouler à sa porte. Elle passe des semaines à la soigner et se réjouit ensuite que sa vengeance n'ai pas été menée à son terme.

Cependant, Hollanda a lu la confession de Petra et s'enfuit de la maison. Horacia la cherche parmi les prostituées sur une plage avant de revenir vers le bossu et apprendre que Hollanda a tué Rodrigo à l'église. Horacia vient dire un dernier adieu aux pauvres du village et prend un bateau pour Manille où elle espère retrouver son fils. Là, elle a beau distribuer des tracts dans divers endroits de la ville, elle erre continuellement à la recherche de son fils jusqu'à tourner en rond... indéfiniment.

La femme qui est partie adapte, dans son prologue seulement, la nouvelle de Léon Tolstoï, Histoire vraie parue dans le reccueil À la recherche du bonheur, édité en 1886.

La femme qui est partie est bien davantage l'histoire d'une femme qui cherche à se venger mais à garder le contrôle de sa vie. Elle aide les autres comme elle l'a toujours fait en prison avant de satisfaire son propre désir de vengeance. Ceux qu'elle aide, l'aident en retour (renseignement sur l'église, fourniture d'une arme et même vengeance exécutée à sa place) mais Horacia reste innocente vis à vis de ces aides.

Si 1997 est donnée d'abord comme l'année de la rétrocession et du repli xénophobe des Philippins, c'est aussi celle de la mort de sœur Theresa, évoquée à la radio. A La Union, Horacia est une sorte de Christ entouré de ses pauvres disciples et Hollanda une sorte de Marie-Madeleine. Cette dimension christique salvatrice disparait à Manille. Horacia semble incapable de construire à nouveau une communauté protectrice. Là, sa vie semble lui échapper définitivement et virer à la folie.

Cette histoire symbolique, tournée dans un splendide "blanc surexposé et noir" le jour et en "noir avec des taches de blanc" la nuit, ne mérite toutefois pas de durer 3h40. Les rencontres avec le bossu, le travesti ou la mendiante se répètent souvent inutilement.

Jean-Luc Lacuve, le 07/02/2017.

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